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CSRD & CS3D : épisode 2, le trilogue sur les allégements a débuté

Poursuivant son projet de simplification du droit européen en matière d’exigences de durabilité – i.e. les directives CSRD (durabilité) et CS3D (devoir de vigilance) -, et après avoir voté une directive reportant l’application de ces exigences (stop the clock), les institutions européennes s’attaquent à la substance de ces textes.

Avant d’examiner les allégements substantiels proposés, revenons rapidement sur ce feuilleton qui nous permet d’assister à la palpitante formation d’une loi européenne.

Épisode 1 – 22 octobre 2025 – match aller : le Parlement rejette le mandat de négociation interinstitutionnelle sur l’allègement des obligations d’information en matière de durabilité (CSRD) et de vigilance (CS3D).

Épisode 1 – 13 novembre 2025 – match retour : l’ensemble des eurodéputés ont votés une proposition de texte devant servir de base aux négociations avec le Conseil sur la base du rapport adopté en Commission juridique.

Épisode 2 – 18 novembre 2025 : début du trilogue visant à trouver un consensus sur le texte final à voter.

Sans en laisser tomber nos popcorns, notons tout de même que le 13 novembre, le Parlement a rendu une copie plus allégée que les mesures initialement préconisées – et rejetées ! – par sa commission des affaires juridiques (JURI), le 22 octobre ! De surcroît, l’actuelle proposition relève d’un fait inédit : elle a été adoptée avec les voix du camp majoritaire et de l’extrême droite, ce que retiennent pour l’essentiel les commentateurs.

Quelles sont les préconisations du texte discuté en trilogue ?

Allégements concernant la CSRD

Le champ d’application du reporting de durabilité passerait à 1 750 employés (contre 250 salariés dans la CSRD, et 1000 dans la proposition de la Commission) et un chiffre d’affaires de 450 m€ (contre 40 m€ dans la CSRD).

Par ailleurs, le même champ d’application serait retenu pour l’usage de la taxinomie (standards de reporting ESG).

Les ESRS (European sustainability reporting standards) seraient également simplifiés, le reporting sectoriel devenant volontaire (et non plus obligatoire).

Enfin, un portail européen unique (European Single Access Point) est prévu pour offrir aux entreprises des formulaires standardisés de reporting ainsi que des guides d’emploi.

Allégements concernant la CS3D

Concernant la CS3D, le champ d’application serait modifié. L’obligation de mise en œuvre d’un devoir de vigilance ne concerneraient plus que les entreprises employant au moins 5 000 salariés (contre 1000 dans le texte déjà adopté) et un chiffre d’affaires de 1, 5 mds€. La Commission proposait ces mêmes seuils.

Point d’attention : la loi française de 2017 ne retient pas de condition de seuil en matière de chiffre d’affaires.

L’adoption d’un plan de transition s’inscrivant dans l’Accord de Paris est abandonné. La Commission souhaitait son maintien, réduisant simplement son impérativité.

Enfin, l’idée d’une « responsabilité civile européenne unifiée » est abandonné au niveau européen et est renvoyé aux droits nationaux. Cette solution est surtout symbolique car, en toute hypothèse, il faudra saisir un juge national qui tranchera dans un contexte national.

Un allégement enfin en phase avec la réalité ?

Le “virage” amorcé – et incompris des militants “RSE” – se présente comme une adaptation à la réalité incontournable de la conciliation entre un impératif économique et une ambition climatique.

Entretemps, l’incertitude règlementaire (européenne) demeure vive, et l’insécurité juridique est, désormais, un trait caractéristique de l’environnement des entreprises.

Droit interne français

Le droit français – qui a déjà transposé la directive CSRD – s’avère étonnamment plus stable : le reporting de durabilité, inscrit dans le code de commerce, est de droit positif, et son application a été décalée de deux ans pour un certain nombre d’entreprise.

À ce titre, notons qu’une étude juridique (EJ) de la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes (CNCC), du mois d’août, précise que, jusqu’au 31 décembre 2026 (date d’entrée en vigueur décalée de l’obligation de publication d’un rapport de durabilité pour la vague 2 des entreprises), la nullité des assemblées générales pour défaut de désignation d’un commissaire aux comptes prévue à l’article L.821-5 du code de commerce (le « CAC vert ») n’est pas encourue s’agissant de la mission de certification des informations de durabilité

Le CNCC fait ainsi volte-face, ayant initialement adopté une position contraire. Sa nouvelle position tire profit de la réforme, par l’ordonnance du 12 mars 2025, du régime des nullités en droit des sociétés.

Alors qu’aujourd’hui (maladresse de rédaction lors de la transposition de la CSRD), il est indiqué que le défaut de nomination d’un commissaire aux comptes entraîne la nullité de l’AG, sans préciser si la nomination visée correspond à la mission de certification des comptes ou à celle du rapport de durabilité, le CNCC estimait que cela visait les deux.

Cette nullité n’était toutefois pas encourue pour défaut de nomination d’un organisme tiers indépendant (OTI), seconde modalité de certification du rapport de durabilité et non mentionné par le texte.

L’ordonnance “nullités en droit des sociétés” rectifie la rédaction de l’article L821-5 en prévoyant que le défaut de nomination du CAC ou d’un OTI entraîne la nullité de l’AG.

En outre, l’ordonnance prévoit une entrée en vigueur différée du nouvel article L.821-5 du code de commerce, ouvrant une période transitoire jusqu’au 31 décembre 2026.

La CNCC en tire donc pour conséquence que le défaut de nomination d’un certificateur du rapport de durabilité n’a pour conséquence la nullité de l’AG qu’à compter de 2026.

Discutable, cette interprétation présente deux avantages. D’une part, celle de la flexibilité, puisque le législateur français pourra s’ajuster en conséquence des décisions européennes en cours d’adoption ; et, d’autre part, cela offre une sécurité juridique (relative) pour les entreprises françaises.

Entretemps, le droit de l’Union demeure en suspens : allégement ou non (des exigences en matière de rapport de durabilité et de vigilance), telle est la question !

Calendrier et prochaines étapes

Adoption et négociations

  • Trilogue : 18 novembre 2025 jusqu’à ?
  • Objectif d’adoption définitive : fin 2025 ou début 2026

Recommandations pour les entreprises

  • Suivre de près les discussions parlementaires et les négociations avec le Conseil et la Commission
  • Préparer une transition vers les standards volontaires pour les entreprises hors périmètre
  • Exploiter les ressources du futur portail numérique unique
  • Anticiper les impacts stratégiques et les enjeux de conformité
  • Porter une vigilance accrue sur les contentieux potentiels au niveau national (responsabilité territorialisée)
  • Photo d'Arnaud Raynouard

    Arnaud Raynouard

    Professeur des Universités à l’Université Paris-Dauphine, Arnaud Raynouard anime le Comité Scientifique Juridique du cabinet Deloitte Société d’Avocats. Agrégé en…

  • Noé Boypa

    Noé est apprenti au sein du Comité scientifique juridique de Deloitte Société d’Avocats depuis septembre 2025.