CVAE : non déductibilité (pour l’heure seulement ?) des pénalités sur marchés

La CAA de Paris juge que les pénalités sur marchés acquittées par une société ne sont pas déductibles de la valeur ajoutée servant de base à la CVAE. La portée de cette décision devrait cependant être atténuée au regard de la nouvelle définition comptable du « résultat exceptionnel » applicable de façon obligatoire à compter de 2025.

Rappel

La valeur ajoutée servant de base à la CVAE est égale à la différence entre le chiffre d’affaires, tel que défini par les dispositions de l’article 1586 sexies du CGI, et une liste limitative de charges, fixée par le même article.

Le Conseil d’État a jugé, à plusieurs reprises, que pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l’une de ces catégories, il convient de se reporter aux normes comptables obligatoires en vigueur au titre de l’année d’imposition concernée (CE, 4 août 2006, n°267150, Sté Foncière Ariane et CE, 9 mai 2018, n°388209, Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Pyrénées Gascogne, solution rendue en matière de taxe professionnelle, puis transposée à la CVAE, CE, 29 juin 2018, n°416346, SAS Compagnie d’exploitation et répartition pharmaceutique de Rouen).

Dans ses commentaires au BOFiP, l’Administration précise également qu’il convient de se reporter au PCG (BOI-CVAE-BASE-20-20210707).

L’histoire

Une société exerçant une activité de fabrication de denrées alimentaires a acquitté, au cours des exercices 2015 et 2016, des pénalités sur marchés. Elle a inscrit ces pénalités dans un compte de charges courantes (658 – « Charges diverses de gestion courante »), et a entendu les déduire pour la détermination de la valeur ajoutée servant de base à la CVAE.

L’Administration a remis en cause cette déduction, considérant que les pénalités sur marchés devaient, selon les normes comptables en vigueur (règlement ANC n°2014-3 du 5 juin 2014), être inscrites dans le compte de charges exceptionnelles, 6711 – « Pénalités sur marchés ».

La décision de la CAA de Paris

Devant la Cour, la société soutenait, en substance, que des charges, même qualifiées d’exceptionnelles par le PCG, doivent être regardées comme des charges de gestion courante, au sens des dispositions de l’article 1586 sexies du CGI, lorsqu’elles se rattachent au modèle économique de l’entreprise – ce qu’elle considérait être le cas des pénalités sur marchés, dont elle s’acquittait fréquemment.

Certes, le Conseil d’Etat s’est réservé, par le passé, la faculté de faire prévaloir la comptabilisation la plus cohérente avec la définition fiscale de la valeur ajoutée, mais à la condition que l’inscription comptable soit équivoque et que les normes comptables ne s’opposent pas à une inscription alternative (notamment, CE 9 mai 2018, no388209, Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Pyrénées Gascogne s’agissant de dépenses de mécénat et CE, 28 novembre 2018, no413121, SNC Lancôme Parfums et Beauté et cie s’agissant des primes d’assurance versée au titre des indemnités de départ à la retraite, ou encore CE, 6 décembre 2017, n°401533, Sté Paris Saint-Germain Football club, pour les cessions de contrats de joueurs de football requalifiées en produits courants).

En revanche, tel n’est pas le cas en présence d’une règle comptable impérative.

Or, en l’espèce, la Cour relève que le PCG imposait clairement un mode de comptabilisation unique des pénalités sur marchés en charges exceptionnelles.

La société tentait, à cet égard, de se prévaloir des dispositions de l’article R. 123-192 du Code de commerce, en vertu desquelles « les produits et charges de l’exercice sont classés au compte de résultat de manière à faire apparaître par différence les éléments du résultat courant et le résultat exceptionnel dont la réalisation n’est pas liée à l’exploitation courante de l’entreprise ».

La Cour écarte toutefois l’argument, en jugeant que ces dispositions se bornent à prévoir la structure du compte de résultat.

De la même manière, elle refuse d’admettre l’opposabilité, sur le fondement de l’article L. 80 A du LPF, des recommandations et observations de l’ANC du 18 mai 2020 sur la comptabilisation des conséquences liées au COVID-19, ainsi que de certains avis de la CNCC.

Portée de la décision

Cette décision est en ligne avec la jurisprudence administrative en matière de pénalités sur marchés (CAA Versailles, 5 octobre 2021, n°20VE01954, Sté Boulangerie Neuhauser c/Min, ayant donné lieu à une décision de non-admission de pourvoi, CE, 21 juillet 2022, n°459146raisonnement similaire pour des pénalités de retard, CAA Versailles, 27 juin 2019, n°17VE01564, ayant donné lieu à une décision de non-admission de pourvoi, CE, 25 mai 2020, n°434002).

En revanche, la solution pourrait être différente à l’avenir.

En effet, le règlement n°2022-06 (homologué par un arrêté du 26 décembre 2023) vient définir plus strictement le résultat exceptionnel, et supprime, dans ce cadre, l’actuel compte de charges exceptionnelles 6711 pour comptabiliser les pénalités sur marchés dans un compte de charges de gestion courante dédié (6581). De la sorte, sans modification des règles applicables à la définition de la valeur ajoutée, les pénalités sur marchés supportées viendraient réduire la base de la CVAE et le plafond de la CFE.

Ce règlement a vocation à s’appliquer aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2025 (avec une application anticipée possible), et bien que la disparition de la CVAE soit actée à compter du 1er janvier 2027, le plafonnement de la CFE en fonction de la valeur ajoutée devrait bénéficier de ces nouvelles charges opérationnelles.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.