Déduction de la provision pour risque de non-recouvrement de créance sur une filiale

La CAA de Lyon juge qu’une provision pour risque de non-recouvrement de créance ne constitue pas, en elle-même, une aide non déductible à caractère financier au sens de l’article 39,13 du CGI.

Rappel

Pour les exercices clos depuis le 4 juillet 2012, les aides consenties à une autre entreprise qui ne présentent pas un caractère commercial ne sont pas déductibles, sauf à être accordées à une entreprise en difficulté financière soumise à une procédure collective ou de liquidation (CGI, art. 39,13, 2e LFR 2012, art. 17).

L’histoire

Une société française exerce une activité de holding d’un groupe intervenant dans le développement et la commercialisation de dispositifs chirurgicaux implantables.

En 2008, dans le but de conquérir le marché allemand, elle créé en Allemagne une filiale dont elle détient l’intégralité du capital. Puis, chaque année, elle lui consent des avances de trésorerie rémunérées.

A la clôture des exercices clos le 31 décembre 2014 et le 30 juin 2015, la société française comptabilise des provisions pour risque de non-recouvrement de ces créances. La filiale allemande a ensuite fait l’objet d’une liquidation amiable avec effet au 31 octobre 2015.

Le redressement de l’Administration

A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’’Administration a remis en cause la déduction des provisions pour risque de non-recouvrement des créances.

Pour ce faire, elle s’est implicitement appuyée sur la jurisprudence selon laquelle la déductibilité d’une provision est – outre les conditions légales de déduction fixées à l’article 39,1-5° du CGI – subordonnée à la condition que la perte ou la charge couverte soit-elle-même déductible de l’assiette de l’impôt.

Or, comme rappelé précédemment, les aides à caractère financier ne sont, sauf exceptions, plus déductibles pour les exercices clos depuis le 4 juillet 2012.

On observera que ce n’est pas la première fois que l’Administration s’oppose à la déduction de telles provisions en recourant au texte spécial de l’article 39,13 du CGI (voir notamment CAA Nancy, 18 mars 2021, n°19NC02656, CE (na) 6 décembre 2021).

La décision de la CAA de Lyon

La CAA de Lyon pose en premier lieu le principe selon lequel une provision pour risque de non-recouvrement de créance ne constitue pas, en elle-même, une aide à caractère financier au sens de l’article 39,13 du CGI.

Elle vient confirmer, en cela, une décision isolée (et définitive) du TA de Montreuil (30 octobre 2017, n°1607367) et préciser que tel est le cas « à supposer même qu’à la date de leur inscription, la société requérante ait déjà eu l’intention avérée d’abandonner ultérieurement les créances correspondantes ».

La Cour procède ensuite à une analyse des avances octroyées.

Elle rappelle que peut revêtir un caractère normal, pour assurer le développement commercial d’un groupe à l’étranger, une aide apportée par une société mère à sa filiale implantée à l’étranger pour des raisons commerciales en relation avec l’implantation de produits sur un nouveau marché étranger, en particulier dans un contexte marqué par une difficulté de pénétration de ce marché.

Analyse au titre des exercices 2008-2011 (pré-2e LFR 2012)

Au cas d’espèce, la filiale allemande a bien été créée pour tenter de pénétrer le marché allemand, jugé particulièrement porteur. En outre, le chiffre d’affaires de la filiale allemande, quoique toujours nettement plus faible que les avances de trésorerie, a été en progression constante de 2008 à 2011.

La CAA juge que les aides litigieuses n’avaient pas pour seul objet de permettre la survie de la filiale allemande et avaient bien été consenties dans l’intérêt du développement commercial à l’étranger de la société mère française.

Elle en conclut que ces aides ne présentaient pas le caractère d’acte anormaux de gestion, et que, dès lors que le risque de non-recouvrement des créances n’était pas en litige, les provisions étaient bien déductibles. Elle rappelle que les dispositions de l’article 39,13 du CGI, applicables seulement aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012, ne faisaient pas obstacle à cette déductibilité.

Analyse au titre des exercices clos à compter de 2012

Pour les aides consenties au titre des exercices clos à compter de 2012, la situation était un peu différente : d’abord, les dispositions de l’article 39,13 du CGI devenaient applicables. Ensuite, c’est à compter de 2012 que le chiffre d’affaires de la filiale allemande a commencé à s’éroder et que l’on a pu observer la persistance de résultats comptables négatifs.

Ces éléments ne modifient toutefois pas l’analyse de la CAA de Lyon, qui juge que ces avances avaient néanmoins également été consenties dans l’intérêt du développement commercial de la société française à l’étranger – et qu’elles avaient été rémunérées de manière satisfaisante.

Elle écarte ainsi à la fois la qualification d’acte anormal de gestion, et d’aide à caractère financier au sens de l’article 39,13 du CGI.

La solution mériterait d’être confirmée par le Conseil d’État devant lequel un pourvoi a été formé.    

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.