La CAA de Nancy rappelle les conditions dans lesquelles l’Administration peut revendiquer le bénéfice du délai spécial de reprise de 10 ans prévu à l’article L. 188 C du LPF.
Rappel
Même si les délais de reprise de droit commun sont écoulés, les omissions ou insuffisances d’imposition révélées par une procédure judiciaire, par une procédure devant les juridictions administratives ou par une réclamation contentieuse, peuvent être réparées jusqu’à la fin de l’année suivant celle de la décision qui a clos l’instance et, au plus tard, jusqu’à la fin de la 10e année qui suit celle au cours de laquelle l’imposition est due (LPF, art. L. 188 C).
L’application de ce délai spécial est subordonnée à la condition que les omissions ou insuffisances d’imposition aient été « révélées » par l’instance ou la réclamation. Le Conseil d’État a déjà jugé que lorsque l’Administration dispose d’éléments suffisants lui permettant d’établir des omissions ou insuffisances d’imposition dans le délai normal de reprise, celles-ci ne peuvent pas être regardées comme révélées ultérieurement par une instance devant les tribunaux (CE, 29 avril 2009, n°299949, Aubry et 15 octobre 2015, n°364527). Il en est de même dans le cas où l’Administration a disposé de ces éléments après l’expiration du délai normal de reprise (CE, 23 décembre 2013, n°350967, Patenôtre).
L’histoire
À la suite du contrôle sur pièces d’une EURL, l’Administration a mis à la charge de son associé et gérant, par une proposition de rectification datée de 2014, des rehaussements portant sur les années 2004 à 2009, découlant notamment de la mise en œuvre de la procédure de l’abus de droit.
L’Administration entendait, dans ce cadre, faire jouer le délai spécial de reprise de l’article L. 188 C du LPF, le contribuable ayant fait l’objet d’une procédure pénale de 2007 à 2012.
Le contribuable arguait, lui, que l’Administration n’était pas fondée à se prévaloir de ce délai, dès lors que :
- la procédure pénale dont il avait fait l’objet ne portait pas sur les années 2004 à 2006 concernées par le délai étendu de reprise ;
- avant même l’engagement de cette procédure pénale, l’Administration disposait en tout état de cause de tous les éléments nécessaires lui permettant d’établir à son encontre les impositions litigieuses – l’EURL avait en effet fait l’objet de vérifications de comptabilité au cours des années 2006 et 2007.
La décision de la CAA de Nancy
La CAA de Nancy rappelle d’abord la règle bien établie selon laquelle, pour apprécier si l’Administration est fondée à se prévaloir du délai prévu à l’article L. 188 C du LPF, le juge doit rechercher, si elle disposait, avant l’ouverture de l’instance, dans le délai normal de reprise ou même après son expiration, d’éléments suffisants pour lui permettre, par la mise en œuvre des procédures d’investigation dont elle dispose, d’établir les insuffisances ou les omissions d’impositions.
Elle juge cependant qu’au cas d’espèce, l’enquête judiciaire a bien mis en lumière des éléments de fait antérieurs à l’année 2007, et qu’en outre, au cours des vérifications de comptabilité effectuées au titre des années 2006 et 2007, l’Administration n’avait pas été en mesure de s’assurer du caractère réel de l’activité de l’EURL, le contribuable ayant alors délibérément produit des pièces destinées à créer une apparence trompeuse (factures fictives notamment).