Droit à l’oubli pour un passif maintenu à tort au bilan

Le Conseil d’État précise les modalités de calcul du délai septennal permettant de déroger au principe d’intangibilité du bilan d’ouverture du 1er exercice non prescrit (exception dite du « droit à l’oubli », CGI art. 38, 4 bis).

Rappel

La règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit (CGI, art. 38, 4 bis) a pour effet de limiter la portée de la correction symétrique des bilans et de permettre ainsi au service vérificateur de procéder à des rehaussements de bénéfices au titre du 1er exercice non prescrit à raison d’erreurs qui peuvent avoir été commises au cours d’un exercice prescrit.

Ce principe comporte toutefois des limites. En particulier, il ne s’applique pas lorsque l’entreprise établit que les erreurs ou omissions affectant l’évaluation de l’actif net ont été commises plus de 7 ans avant l’ouverture du 1er exercice non prescrit, soit depuis plus de 10 ans si l’on ajoute les 3 ans couverts par la prescription abrégée en matière d’impôt sur les sociétés (exception dite du « droit à l’oubli »).

Il convient de relever que le Conseil d’État (avis du 17 mai 2006, n°288511, SA Catimini) opère une distinction en matière de « droit à l’oubli » entre : 

  • d’une part, les erreurs ou omissions commises depuis plus de 10 ans qui affectent l’évaluation d’un élément toujours inscrit au bilan de l’entreprise au jour de son contrôle [possibilité de bénéficier du droit à l’oubli] ; et
  • d’autre part, celles qui relèvent de l’application répétée d’une méthode erronée et qui se traduisent par une évaluation incorrecte d’un même poste de bilan, de manière constante d’exercice en exercice, selon un principe identique, mais pour des montants variant en fonction de la composition effective de ce poste [droit à l’oubli pouvant uniquement concerner les éléments individualisés figurant dans le bilan de clôture d’un exercice clos depuis plus de 7 ans].

Plus récemment, le Conseil d’État a précisé qu’une erreur affectant de manière constante un élément de l’actif ou du passif, même reconduite de bilan en bilan, pouvait bénéficier du droit à l’oubli, dès lors que l’inscription initiale erronée n’a pas fait, et ne devait pas faire, comptablement, l’objet d’un réexamen depuis cette date (CE, 24 janvier 2018, n°397732, SARL Bar du Centre).

L’histoire

A l’issue de la vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2016 et 2017 d’une société, l’Administration a considéré que des montants figurant au débit du compte 467000 « autres comptes débiteurs et créditeurs divers » à l’ouverture du 1er exercice non prescrit (1er janvier 2016) devaient être regardés comme un passif injustifié.

En application de la règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture du 1er exercice non prescrit, la réintégration de ce passif injustifié s’est traduite par un rehaussement des bénéfices au titre de l’exercice 2016.

Devant la CAA de Paris, la société a sollicité le bénéfice du « droit à l’oubli » afin de déroger à la règle de l’intangibilité du bilan. Elle soutenait que ce passif injustifié figurait déjà au crédit de ce même compte 467000 à la clôture de l’exercice clos le 31 décembre 2009, et qu’aucun mouvement de ce compte au cours des 7 années suivantes n’avait eu pour effet de porter son solde à un montant inférieur.

La CAA de Paris a accueilli favorablement cette demande, avant que l’affaire ne soit portée devant le Conseil d’État.

La décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État rappelle d’abord qu’afin de bénéficier du mécanisme de correction symétrique des bilans, y compris du bilan d’ouverture du 1er exercice non prescrit, une erreur ou une omission affectant l’évaluation d’un élément quelconque de l’actif ou du passif du bilan d’un des exercices non prescrits doit avoir été commise au cours d’un exercice clos plus de 7 ans avant l’ouverture du 1er exercice non prescrit.

Il relève que l’exercice clos le 31 décembre 2009 n’a pas été clos plus de 7 ans avant l’ouverture du premier exercice non prescrit, le 1er janvier 2016.

Au cas d’espèce, en application des règles de calcul du délai septennal rappelées par le Conseil d’État, seules les erreurs ou omissions commises au cours de l’exercice clos le 31 décembre 2008 (ou antérieurement) auraient pu bénéficier du droit à l’oubli.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.

Agathe Saint Joanis

Agathe Saint Joanis a intégré Deloitte Société d’Avocats en 2019. Elle y a rejoint l’équipe du Comité Scientifique Fiscal.