Le Conseil d’Etat juge que la conclusion d’une transaction et la réception d’un AMR, portant tous 2 sur des exercices distincts de ceux concernés par la réclamation, ne constituent pas un évènement de nature à rouvrir le délai de réclamation.
Rappel
En application de l’article R. 196-1 du LPF, le contribuable peut présenter des réclamations à l’Administration dans un délai expirant le 31 décembre de la 2e année suivant la mise en recouvrement de l’impôt, ou, à défaut, son versement, ou l’évènement motivant la réclamation (délai général de réclamation – applicable aux impôts autres que les impôts directs locaux).
Le Conseil d’Etat juge de longue date que seuls sont de nature à (r)ouvrir le délai de réclamation les événements qui ont une incidence sur le principe même de l’imposition, son régime ou son mode de calcul (voir CE, 30 janvier 1976, n°96173 ; CE, 5 octobre 2007, n°294318, Sté Média Compo ; CE, 15 juin 2016, n°379852, SAS Festina France et CE, 11 janvier 2019, n°424819, SCI Maximoise de création, qui retient, lui, la notion d’incidence « directe »).
L’histoire
Une société exerçant une activité de lotisseur a acquis des terrains dans le cadre d’une convention prévoyant le versement d’un prix complété par une obligation de faire, consistant pour l’acheteur à réaliser des travaux de viabilisation sur des parcelles restant la propriété des vendeurs.
Au titre de cette obligation de faire, la société a comptabilisé une dette fournisseur qu’elle a apuré au rythme de la réalisation des travaux, sans influence ni sur son résultat comptable ni sur son résultat fiscal. A l’achèvement des travaux, elle a soldé le compte en constatant un profit ou une perte en fonction de la différence entre l’estimation des travaux et leur coût de réalisation.
A l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2013 et 2014, l’Administration a remis en cause la comptabilisation retenue par la société.
L’Administration a considéré que la société aurait dû comptabiliser d’une part, lors de l’achèvement des travaux, en produit le prix convenu avec le vendeur au titre des travaux à réaliser, et en charges les coûts de réalisation des travaux de viabilisation au rythme de leur exécution.
L’Administration a en conséquence rehaussé le résultat des exercices 2013 et 2014, et mis à la charge de la société des suppléments d’IS et des rappels de TVA.
Une transaction a été conclue en août 2016, dans le cadre de laquelle la société a reconnu le bien-fondé des rectifications issues du contrôle en contrepartie d’une réduction des pénalités et des intérêts de retard.
L’AMR correspondant a été émis en septembre 2016.
Puis, en juin 2017, la société a déposé une réclamation, considérant que les rectifications effectuées au titre des exercices 2013 et 2014 avaient mis en évidence une surimposition des années 2006 à 2012, la société ayant retenu le même modus operandi que celui remis en cause par l’Administration au titre des années contrôlées.
Dans ce cadre, la société considérait que la transaction conclue en août 2016 et/ou l’AMR émis en septembre 2016 devaient s’analyser comme des événements de nature à rouvrir le délai de réclamation au titre des exercices 2006 à 2012.
La décision du Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat ne souscrit pas aux arguments avancés par la société et juge que ne constituent un événement de nature à rouvrir le délai de réclamation :
- ni la conclusion de la transaction entre l’Administration et la société requérante dans la mesure où cette dernière l’avait acceptée et signée (en tout état de cause, ladite transaction se rapportait à des exercices distincts) ;
- ni la réception de l’AMR se rapportant à des exercices distincts.
Il relève, à cet égard, que les rectifications opérées au titre des exercices 2013 et 2014 ne se limitaient pas à remettre en cause l’exercice de rattachement des charges, mais invalidaient l’ensemble de la méthode de comptabilisation des opérations réalisées par la société, de sorte qu’elle n’était pas de nature à avoir une incidence directe sur le principe même des impositions faisant l’objet de la réclamation, leur régime ou leur mode de calcul.
Rappelons enfin que le Conseil d’Etat juge de longue date que la découverte d’erreurs ayant entraîné un trop-versé d’impôt ne constitue pas un évènement permettant de rouvrir le délai de réclamation (CE, 10 avril 1991, n°107683, Goiot).