Intégration fiscale et délais de réclamation

Le Conseil d’État rappelle que la tête d’un groupe intégré ne peut contester dans le délai spécial de réclamation prévu à l’article R. 196-3 du LPF, que les impositions correspondant au résultat individuel de la société membre du groupe ayant fait l’objet de la procédure de rectification considérée.

Rappel

Dans le cadre du délai général de réclamation (LPF, art. R. 196-1, a, b et c), les réclamations peuvent être présentées par le contribuable jusqu’au 31 décembre de la 2e année suivant celle, selon le cas :

  • de la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d’un avis de mise en recouvrement ;
  • du versement de l’impôt contesté si cet impôt n’a pas donné lieu à l’établissement d’un rôle ou à la notification d’un avis de mise en recouvrement ;
  • de la réalisation de l’évènement qui motive la réclamation.

En application du délai spécial de réclamation (LPF, art. R. 196-3), le contribuable qui a fait l’objet d’une procédure de reprise ou de rectification de la part de l’administration fiscale, dispose d’un délai égal à celui de l’Administration pour présenter ses propres réclamations.

Le Conseil d’État a apporté plusieurs précisions sur les modalités d’application de ce délai spécial au sein d’un groupe d’intégration fiscale.

Il a ainsi jugé que la proposition de rectification adressée à une société membre du groupe interrompt la prescription à l’égard de la société mère en tant que redevable de l’IS dû sur le résultat d’ensemble (CE, 13 décembre 2013, n°338133), mais que cette interruption ne vaut que pour les seules impositions correspondant au résultat individuel de la société membre du groupe ayant fait l’objet d’une procédure de reprise (CE, 26 janvier 2021, n°438217, SA Vicat).

Autrement dit, une société mère ne peut contester dans ce délai les impositions afférentes aux bénéfices d’une autre société membre du groupe que celle ayant fait l’objet de la procédure de rectification considérée.

L’histoire

Un groupe d’intégration fiscale est constitué en France avec à sa tête, l’établissement stable français d’une société britannique.

Une des filiales membre du groupe intégré fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2010 et 2011, à l’issue de laquelle l’Administration procède à un redressement par une proposition de rectification datée d’avril 2014.

La tête d’intégration fiscale a entendu bénéficier du délai spécial prévu par l’article R. 196-3 du LPF, ouvert par cette proposition de rectification, pour demander, en octobre 2017, la correction du montant des crédits d’impôt forfaitaires attachés aux redevances de source chinoise perçues par d’autres filiales du groupe et imputés sur la cotisation d’IS dont elle s’était acquittée au titre de l’exercice clos en 2010, en application des dispositions de l’article 223 O du CGI.

On notera qu’elle demandait, à cet égard, à se voir appliquer la méthode de calcul dégagée par le Conseil d’État pour l’imputation des crédits d’impôt forfaitaires afférents aux intérêts de source chinoise dans le cadre de la convention franco-chinoise de 1984 (ancienne version).

Dans ce cadre, la haute juridiction avait jugé que l’entreprise percevant des intérêts provenant de Chine bénéficie d’un crédit d’impôt conventionnel forfaitaire calculé sur le montant brut des intérêts perçus, c’est-à-dire incluant le montant de l’impôt chinois, imputable sur son IS français (CE, 10 décembre 2021, n°449637, Société BNP Paribas  et CE, 31 mai 2022, n°461519, HSBC PLC Paris Branch).

La décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État confirme la tardiveté de la réclamation et rappelle qu’une tête d’intégration fiscale ne peut pas, dans le délai spécial de l’article R. 196-3 du LPF, contester les impositions afférentes aux bénéfices d’une autre société membre du groupe que celle ayant fait l’objet de la procédure de rectification considérée.

Aussi, la tête de groupe était tenue par le délai de réclamation général de l’article R. 196-1 b du LPF, expirant, dans le cas d’espèce au 31 décembre 2012.

Le Conseil d’Etat ne se prononce pas, en revanche, sur l’extension de sa jurisprudence Société BNP Paribas précitée à l’hypothèse des redevances de source chinoise (ce que les juges d’appel semblaient avoir admis, au plan des principes, CAA Paris, 20 octobre 2023, n°21PA01399).

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.