Irrégularité de la procédure d’imposition en cas de refus de débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur

La CAA de Douai juge que la réunion organisée par le vérificateur, sur proposition de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, en présence de son supérieur hiérarchique, ne saurait être assimilée au recours hiérarchique de 1er niveau, prévu par la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié.

Rappel

Pour mémoire, l’Administration doit, avant l’engagement d’une vérification de compatibilité, remettre au contribuable la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dont les dispositions lui sont opposables (LPF, art. L.10).

Celle-ci prévoit notamment que si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent être fournis au contribuable par l’inspecteur divisionnaire ou principal (recours hiérarchique de 1er niveau). Si, après ces contacts, des divergences importantes subsistent, le contribuable peut faire appel à l’interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur (recours hiérarchique de 2nd niveau).

Il est également possible, dans la plupart des cas, de soumettre le désaccord à l’avis d’organismes de médiation indépendants, notamment la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires.

L’histoire

Une société a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2009 et 2010, à l’issue de laquelle l’Administration a notamment remis en cause le caractère de charge déductible de plusieurs dépenses, au motif qu’il n’était pas suffisamment établi que ces dépenses avaient été exposées dans l’intérêt de ladite société.

Le différend persistant entre l’Administration et la société, cette dernière a demandé à ce que soit saisie la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires.

Cette dernière a prescrit, par un 1er avis émis le 11 mars 2014, un supplément d’instruction. À cette occasion, le vérificateur a proposé, à la demande de la commission, à la société de rencontrer ses représentants, dans les bureaux du service, et en présence de son supérieur hiérarchique direct.

Par un 2nd avis du 14 octobre 2015, la commission a préconisé une réduction des suppléments d’impôts, avis suivi par l’Administration.

La société a alors demandé à bénéficier du recours hiérarchique prévu par la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié. L’Administration lui a proposé de rencontrer l’interlocuteur fiscal interrégional (recours hiérarchique de 2nd niveau).

Estimant qu’elle avait été privée du recours hiérarchique de 1er niveau prévu par la Charte, la société a porté le litige devant le TA d’Amiens, puis devant la CAA de Douai.

La décision de la CAA de Douai

La Cour juge que la rencontre organisée sur proposition de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, en présence du vérificateur et de son supérieur hiérarchique, ne saurait être assimilée à un recours hiérarchique de 1er niveau.

Elle relève notamment que :

  • Cette rencontre a été organisée à l’initiative du vérificateur, sur proposition de la commission ;
  • La société n’avait pas encore connaissance de la position prise par l’Administration sur les différends les opposant ;
  • Elle n’avait pas encore formulé, de son propre chef, la demande de bénéficier des voies de recours hiérarchiques, ce qui lui était, en tout état de cause, loisible de faire jusqu’à la mise en recouvrement des impositions ;
  • Il importe peu à cet égard que les représentants de la société aient pu s’entretenir, dans le cadre de l’exercice du recours hiérarchique de 2nd niveau, avec l’interlocuteur fiscal interrégional.

Dès lors, la Cour juge que la société a été privée de la garantie substantielle ouverte par la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié, tenant à pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de rectification, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, sur l’ensemble des chefs de rectification notifiés.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.