Le Conseil d’Etat se prononce sur le traitement fiscal des revenus provenant d’un trust en application de la convention fiscale franco-américaine

Il pose le principe selon lequel les trusts ne peuvent être considérés comme transparents pour l’application de la loi française, et ne peuvent davantage être assimilés à des partnerships. Les revenus qu’ils distribuent à un citoyen américain résident français sont imposés comme des revenus mobiliers.

Rappel

On sait que les produits distribués par un trust tel que défini à l’article 792-0 bis du CGI, sont imposables dans la catégorie des revenus de valeurs mobilières étrangères, quelle que soit la consistance des biens ou droits placés dans le trust (CGI, art. 120, 9°), et sans qu’il soit tenu compte, le cas échéant, des particularités du trust.

En conséquence, du seul fait qu’il s’agit de produits d’un trust constitué à l’étranger, l’ensemble de ces produits est passible de l’impôt sans que l’Administration ait à établir que ces revenus proviennent, en tout ou partie, de valeurs mobilières étrangères ou de créances étrangères (BOI-RPPM-RCM-10-30-10-10, n°130, 30 juin 2022, n°130).

Le bénéficiaire résident de France est donc traité comme s’il recevait des revenus de valeurs mobilières versés par le trustee (imposition au PFU au taux de 30 %, sauf option globale pour le barème progressif de l’IR – sans bénéfice de l’abattement de 40 %).

Peu de conventions fiscales envisagent expressément le sort des revenus de trusts, à l’exception notable de la convention franco-américaine.

Avant la signature de l’avenant du 13 janvier 2009, certains types de trusts pouvaient être considérés comme des résidents, dans la mesure où leurs revenus étaient soumis à l’impôt américain en tant que revenus d’un résident, soit au niveau d’un trust, soit au niveau de ses bénéficiaires ou constituants.

Désormais, la convention fiscale amendée ne fait plus mention que des trusts de « retraite » (article 4§2 b).

En revanche, elle pose, en son article 4§3, un principe de transparence en faveur de certaines entités. Il est ainsi prévu « qu’aux fins d’application de la présente convention, un élément de revenu, bénéfice ou gain perçu par l’intermédiaire d’une entité considérée comme fiscalement transparente en vertu de la législation fiscale de l’un ou de l’autre des Etats contractants, et qui est constituée ou organisée (…) dans l’un ou l’autres des Etats contractants (…) est réputé perçu par un résident d’un Etat contractant dans la mesure où cet élément de revenu est traité, par la loi fiscale de cet Etat, comme le revenu, bénéfice ou gain d’un résident ».

La question se posait de savoir si les trusts – non spécifiquement visés par ces dispositions – pouvaient néanmoins bénéficier de ce principe de transparence, à l’instar des partnerships.

C’est, en substance, la question qu’a adressée le ministre de l’Economie au Conseil d’Etat.

L’avis rendu par le Conseil d’Etat

Le ministre de l’Economie a saisi le Conseil d’Etat d’une demande d’avis, portant sur le point de savoir si les dispositions de l’article 4§3 de la convention franco-américaine font obstacle à ce que les revenus d’un trust révocable et non discrétionnaire constitué aux Etats-Unis soient regardés comme directement appréhendés par les citoyens américains qui l’ont constitué, l’administrent et en sont les bénéficiaires, dans le cas particulier où ceux-ci sont résidents français – autrement dit, si l’on peut appliquer à ces trusts un principe de transparence fiscale. 

Le Conseil d’Etat répond par la négative, et juge que, loin de remettre en cause le traitement fiscal des trusts découlant des dispositions de l’article 120, 9° du CGI, l’article 4§3 de la convention franco-américaine s’en remet au contraire expressément à la loi fiscale de l’Etat de résidence du bénéficiaire des revenus, en l’occurrence la France, pour déterminer s’il y a lieu de considérer un trust comme fiscalement transparent.

Il rappelle qu’en application des dispositions de l’article 120, 9° du CGI, les revenus provenant de valeurs mobilières versées à un trust constitué aux Etats-Unis ne peuvent pas être regardés comme directement appréhendés par des citoyens américains résidents français, et doivent être traités, au titre de l’IR, dans la mesure où ils sont distribués, comme des revenus de valeurs mobilières émises hors de France.

Il écarte par ailleurs toute assimilation, au titre de la loi française, des trusts à des partnerships de droit américain, tant sur le fondement des stipulations conventionnelles (l’article 7§4 de la convention visant strictement les partnerships), que sur le terrain de la doctrine administrative (les trusts ne figurant pas au nombre des entités assimilées à des partnerships au § 20 du BOI-INT-CVB-USA-10-20 du 12 septembre 2012).

L’avis des praticiens : Orianne Achéritéguy et Sarah Gabaly

Sans grande surprise, le Conseil d’État confirme dans cet avis le refus de la loi fiscale française de considérer les trusts comme fiscalement transparents. Ainsi, les revenus desdits trusts ne sont pas directement appréhendés par leurs bénéficiaires.

Selon l’article 120, 9° du CGI, les produits d’un trust constitué à l’étranger et distribués à un résident fiscal de France sont imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, et ce, abstraction faite de la nature même du revenu (loyers, dividendes, intérêts, gains en capital, etc.) et des caractéristiques du trust (révocable, discrétionnaire, etc…). Le traitement fiscal et social des produits distribués d’un trust en faveur d’un bénéficiaire résident fiscal de France sont bien toujours imposés au PFU de 30%.

Corrélativement et toujours en application du droit interne français, les revenus non distribués par le trust ne font donc pas l’objet d’une imposition en France tant qu’ils ne sont pas distribués.

Le Conseil d’État souligne dans cet avis qu’aucune stipulation de la convention franco-américaine du 31 août 1994 n’est de nature à faire obstacle à l’application du régime prévu à l’article 120, 9° du CGI aux produits effectivement versés par un trust constitué aux États-Unis à un citoyen américain résident fiscal de France.

Les revenus distribués par le trust seront donc imposés en France dans la catégorie des revenus de valeurs mobilières émises hors de France.

Cet avis laisse tout de même réfléchir sur la question de savoir quelles sont les méthodes d’élimination de la double imposition concernant un revenu qui serait imposé aux Etats-Unis en application de son droit interne dans la catégorie du revenu sous-jacent alors que ce même revenu est imposé en France dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers en vertu de l’article 120, 9° du CGI.

 

Orianne Achéritéguy

Orianne conseille les entreprises et les particuliers dans un contexte international sur les enjeux juridiques et fiscaux d’equity, de rémunération des dirigeants et de gouvernance. Elle accompagne notamment ses clients […]

Sarah Gabaly

Sarah a rejoint Deloitte Société d’Avocats en 2016 en tant que conseiller fiscal du département Global Rewards. Elle conseille les entreprises et les particuliers dans le domaine de la fiscalité […]