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Les dirigeants et associés de SCI/SNC peuvent désormais demander l’occultation des informations relatives à leur domicile personnel

Le décret n° 2025-840 du 22 août 2025, publié au Journal officiel et entré en vigueur depuis le 25 août 2025, permet désormais à certaines personnes physiques – dirigeantes ou associées indéfiniment responsables d’une société, mentionnées au Registre du commerce et des sociétés (RCS) et au Registre national des entreprises (RNE) -, de demander l’occultation de leur adresse personnelle.

La mesure est avant tout une réponse aux enjeux de cybersécurité et d’usurpation d’identité, ainsi qu’aux risques de harcèlement et, même, d’agressions physiques, que l’accessibilité à ces données peut permettre. 

Mais, c’est également une mesure qui s’inscrit dans la droite lignée d’une année 2025 indiscutablement placée sous le signe juridique des « données personnelles des dirigeants ». En effet, le 3 avril 2025, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) jugeait que le nom et les coordonnées du représentant d’une personne morale constituaient des données à caractère personnel, de sorte que leur communication, sous quelle que forme que ce soit, était soumise aux dispositions du RGPD (CJUE n° 710/23, 3 avril 2025). La CJUE entend ainsi finaliser un mouvement qu’elle avait déjà amorcé en 2024, en jugeant que l’autorité en charge du registre du commerce ne peut pas s’opposer à la demande d’effacement des données personnelles d’un associé de société dès lors que ces informations ne sont pas exigées par la loi (CJUE n° 200/23, 4 octobre 2024).

C’est donc sans surprise que ce décret vise à apporter la réponse technique à ces enjeux d’accessibilité aux données personnelles des dirigeants.

Intérêts du texte

Jusqu’à présent, les informations relatives au domicile personnel des dirigeants et des associés de certaines sociétés figurant au RCS et au RNE de manière obligatoire, pouvaient être consultées par le grand public, notamment au travers de sites internet offrant un accès libre et gratuit aux informations juridiques des entreprises.

Désormais, l’article R123-54-1 du code de commerce offre expressément la possibilité de solliciter l’occultation des informations relatives à leur domicile personnel.

Les personnes concernées sont :

  • les personnes physiques représentants légaux de société (les gérants, présidents, directeurs généraux, directeurs généraux délégués, membres et président du directoire, directeur général unique) ;
  • les associés indéfiniment responsables de personnes morales (pour les SNC et les sociétés civiles) ;
  • les administrateurs président du conseil d’administration, président du conseil de surveillance, membres du conseil de surveillance ainsi que les commissaires aux comptes.

Désormais, ces personnes peuvent solliciter l’occultation de leur adresse personnelle sur l’extrait Kbis de leur société ainsi que sur des actes antérieurs et à venir de l’entreprise. Cette demande peut intervenir, à tout moment, auprès du guichet unique qui est géré par l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).

La demande d’occultation est obligatoire pour le greffe la recevant. Il n’a pas de marge d’appréciation et il doit traiter la demande dans un délai de cinq jours francs ouvrables à compter de sa réception. À défaut, le demandeur est en droit de saisir le juge commis à la surveillance du registre.

Cette mesure, qui était attendue, vise, ainsi, à mieux protéger la vie privée des dirigeants et des associés figurant au RCS et au RNE et à renforcer leur sécurité contre les différents risques auxquels ils sont exposés (usurpation d’identité, agressions physiques, harcèlement ou menaces).

Un dispositif à parfaire

Toutefois, et bien que ce décret marque une évolution favorable dans la protection des données personnelles des dirigeants, son efficacité semble encore limitée.

En premier lieu, l’adresse du domicile personnel reste, tout de même, accessible aux autorités et aux administrations publiques ainsi qu’aux représentants légaux de la société, aux associés et aux créanciers sous réserve de justifier d’une créance liée à l’activité professionnelle du dirigeant (code de commerce, article R123-54-2). Sans doute cela concerne-t-il un cercle restreint, et des personnes agissant à titre professionnel (et donc potentiellement dans le cadre d’une déontologie spécifique). Il n’en demeure pas moins que cela vise un nombre important de personnes ayant accès à l’information occultée.

Ensuite, ce dispositif ne concerne que les seuls RCS et RNE ; il ne s’applique donc pas aux supports habilités à recevoir des annonces légales, ni au registre des bénéficiaires effectifs.

On observe également que sa mise en œuvre pratique semble souffrir pour l’heure d’un formalisme qui complexifie les formalités d’usage.

Dans le cas d’une nouvelle société à immatriculer, deux jeux de statuts devront être rédigés et déposés au Guichet unique. Un exemplaire dit « classique » contenant les informations relatives à l’adresse personnelle des dirigeants et des associés inscrits au RCS et un exemplaire dans lequel les adresses des dirigeants et des associés sont occultées. Une déclaration spécifique à la demande d’occultation devra être déposée au Guichet unique et seule la version « occultée » des statuts sera publiée.

Dans le cas d’une société déjà immatriculée, il sera possible de demander l’occultation de l’adresse du dirigeant ou de l’associé au RCS et au RNE via une formalité spécifique pour laquelle nous ne savons pas encore si elle pourra être couplée à d’autres formalités.

À ce titre, il convient de relever que les entrepreneurs individuels inscrits au RCS dont l’adresse personnelle figure au RCS ne sont pas concernés par cette mesure à défaut d’être expressément visés par l’article R123-54 du code de commerce. Or, l’occultation est une exception à l’exigence légale de publication des coordonnées ; l’exception ne peut aller au-delà de ses prévisions expresses. Même si, dans ce cas, la différence de traitement n’est aucunement rationnelle.

Lorsqu’elle est permise, l’occultation est, par ailleurs, possible sur des actes antérieurement déposés et publiés au RCS en soumettant une nouvelle version de l’acte concerné dans laquelle la mention de l’adresse personnelle du dirigeant ou de l’associé est occultée. Le greffier devra substituer cette version au document original, lequel sera cependant conservé à titre de justificatif.

Il semblerait que la liste des souscripteurs – qui contient l’adresse des associés, même de ceux qui ne figurent pas obligatoirement au RCS ou au RN -, ne puisse pas bénéficier de ce dispositif dans la mesure où elle n’est pas expressément mentionnée par l’article R123-54 du code de commerce.

Enfin, il est important de souligner que cette mesure d’occultation ne s’applique qu’à l’adresse personnelle des dirigeants et des associés inscrits au RCS. Par conséquent, les informations relatives aux adresses professionnelles ou aux sièges sociaux demeurent publiques, ce qui réduit la portée de ce dispositif pour les dirigeants dont le domicile fait également office de siège social.

Si ce décret représente une avancée indéniable, il demeure perfectible dans sa version actuelle. Plusieurs améliorations et ajustements devront être apportés à l’avenir afin de créer un dispositif véritablement efficace et sécurisant répondant aux enjeux qui ont justifié son adoption.

  • Cécile Sertori

    Cécile est Directrice au sein du bureau de Montpellier et exerce en droit des sociétés/corporate avec une spécialisation « métiers » dans…

  • Anna Burtin

    Anna est juriste senior au sein du bureau de Montpellier. Elle est spécialisée dans deux domaines de spécialités : –…

  • Photo d'Arnaud Raynouard

    Arnaud Raynouard

    Professeur des Universités à l’Université Paris-Dauphine, Arnaud Raynouard anime le Comité Scientifique Juridique du cabinet Deloitte Société d’Avocats. Agrégé en…