Licenciement pour motif économique d’un salarié protégé : possibilité de demander la réparation de son préjudice causé par la faute de l’employeur

Conseil d’État n° 473678, 4e-1re chambres réunies, 2 décembre 2024

Rappel des faits 

Une société faisant part de difficultés économiques a mis en place un PSE prévoyant la suppression de 75 des 115 postes. L’accord collectif correspondant a été validé par la DREETS.

L’inspection du travail autorise le licenciement des salariés protégés concernés par le PSE. Cette décision est validée au cours des recours effectués par ceux-ci. Les salariés protégés déplorent que les difficultés économiques soient dues aux choix de gestion de l’employeur.

Cependant, la cour administrative d’appel se contente d’examiner la réalité des difficultés économiques, justifiant ainsi l’autorisation de licenciement. Les choix de gestion de l’employeur échappent en effet au contrôle de l’administration.

Rappel de la règle 

Pour rappel, aux termes de l’article L. 1233-3 du Code du travail, le licenciement pour motif économique à la suite d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification d’un élément essentiel du contrat de travail refusée par le salarié, peut être notamment consécutif à des difficultés économiques. Celles-ci sont caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

En outre, il est rappelé qu’en présence d’un PSE, l‘accord collectif déterminant le contenu de celui-ci doit être validé par l’autorité administrative, selon l’article L. 1233-57-2 du Code du travail.

Lorsque le licenciement d’un salarié protégé pour motif économique est envisagé, l’inspecteur du travail ne peut autoriser celui-ci que si l’employeur justifie d’un motif économique réel et sérieux (CE 18 févr. 1977 n° 95354).

Il est important de préciser que la décision d’autorisation de licenciement prise par l’inspecteur du travail, à qui il n’appartient pas de rechercher si la cessation d’activité est due à la faute de l’employeur, ne fait pas obstacle à ce que le salarié demande réparation des préjudices que lui aurait causés une faute de l’employeur à l’origine de la cessation d’activité, y compris le préjudice résultant de la perte de son emploi (Cass. soc., 25 nov. 2020, n° 18-13.771).

Décision 

  • Le Conseil d’État s’aligne sur la solution de la cour administrative d’appel. Il rappelle qu’il n’incombe pas à l’autorité administrative de rechercher si les difficultés économiques, justifiant le licenciement pour motif économique du salarié protégé, sont imputables à la faute de l’employeur.
  • Cependant, le salarié peut demander réparation du préjudice causé par cette faute auprès du juge judiciaire.

Ainsi, le Conseil d’État étend la possibilité admise aux salariés protégés d’effectuer cette demande au cas de difficultés économiques de l’entreprise et non plus seulement à la cessation d’activité de celle-ci.

En rendant cette solution, le Conseil d’État procède à une harmonisation de sa jurisprudence avec celle de la Cour de cassation.

Notre avis

Cette décision rappelle que l’employeur a l’obligation de justifier de manière précise les licenciements pour motif économique en étant particulièrement transparent sur l’élément matériel, tout en faisant preuve de prudence dans la caractérisation de la faute.

Une gestion précautionneuse de l’entreprise est également nécessaire afin d’identifier et d’anticiper les fautes potentiellement commises.

De plus, il est conseillé à l’employeur d’analyser les risques de réparation en vue d’une éventuelle contestation de l’autorisation de licenciement par l’inspection du travail.

 

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Malik Douaoui

Malik Douaoui, Avocat Associé, possède une expérience de plus de 20 ans en droit social. Il conseille ses clients dans la gestion des relations individuelles et collectives de travail ainsi […]

Anaïs Queniat

Stagiaire au sein du département Droit Social de Deloitte Société d’Avocats.