La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a introduit à l’article L. 229-61 du Code de l’environnement, entré en vigueur le 25 août 2022, une interdiction de « la publicité relative à la commercialisation ou faisant la promotion des énergies fossiles ».
Cet article énonce également qu’ « un décret en Conseil d’Etat précise la liste des énergies fossiles concernées et les règles applicables aux énergies renouvelables incorporées aux énergies fossiles » ainsi que « les modalités d’application du présent article ».
Si les professionnels du secteur ont bel et bien identifié cette nouvelle interdiction, l’absence de publication, à ce jour, du décret d’application précisant les énergies fossiles concernées et les modalités d’application concrète de cette interdiction laissent ces derniers dans une situation de grande incertitude depuis presque un an.
A ce jour, seul un projet de décret a été publié le 25 février 2022, qui a fait l’objet d’une consultation publique clôturée le 18 mars 2022. Tant le projet de décret que la synthèse des réponses à la consultation publique sont accessibles au public : lien.
Ce projet prévoit notamment que l’interdiction devrait s’appliquer :
- aux produits et énergies suivants (avec quelques exceptions concernant les énergies fossiles en partie biosourcées) :
- les produits énergétiques pétroliers
- le gaz naturel, au sens de l’article L. 400-1 du Code de l’énergie, d’origine fossile
- les énergies issues de la combustion du charbon minier
- l’hydrogène carboné
- la chaleur issue majoritairement des produits listés ci-dessus
- et à tous supports publicitaires.
Le projet de décret précise néanmoins que seraient notamment exclus du champ d’application de l’interdiction :
- la publicité financière
- les actions de communication effectuées dans le cadre d’opérations de parrainage ou de mécénat
- les communications institutionnelles
Une définition au cœur des enjeux
Il ressort de la synthèse de la consultation publique que les contributeurs ont demandé l’ajout d’une définition de la notion de « publicité » ainsi qu’une liste des supports non-autorisés.
La synthèse réalisée par le Ministère de la Transition énergétique précise à cet égard que la notion de publicité doit notamment être entendue au sens donné :
- à l’article L. 581-3 du Code de l’environnement selon lequel : « constitue une publicité, à l’exclusion des enseignes et des pré enseignes, toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images étant assimilées à des publicités» ; et
- dans la directive 2006/114/CE du 12 décembre 2006 qui définit la publicité comme étant « toute forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou de services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations».
Ainsi, selon le Ministère de la Transition énergétique, il est préférable de ne pas prévoir une définition de la notion de publicité dans le décret d’application. On observera cependant que, nulle part, il est prévu que le décret renvoie à ces dispositions (art L.581-3 du Code de l’environnement, directive 2006/114/CE).
Une sanction aux contours flous
Le projet de décret précise également les conditions de mise en œuvre de la sanction prévue par le Code de l’environnement en cas de violation de cette interdiction de publicité. Il est en effet stipulé que les agents habilités à procéder aux contrôles mettront en demeure l’annonceur de se conformer à l’interdiction. En cas d’absence de mise en conformité avec ladite mise en demeure dans le délai déterminé, l’agent pourra ordonner le paiement de l’amende prévue à l’article L. 229-63 du Code de l’environnement. Ce texte, introduit par la loi du 22 août 2021, dispose que l’amende encourue est de 20 000 € pour une personne physique et de 100 000 € pour une personne morale ; il est également indiqué que ces montants pourront être portés « jusqu’à la totalité du montant des dépenses consacrées à l’opération illégale ». Cette aggravation peut susciter une certaine perplexité car les termes utilisés sont d’une grande imprécision. La formule employée, sans autre précision, interdit de déterminer spécifiquement et sans arbitraire ce que sont les « dépenses consacrées à l’opération illégale », en méconnaissance flagrante du principe de légalité des délits et des peines.
Un appel à la vigilance
Depuis l’entrée en vigueur de l’interdiction de publicité des énergies fossiles le 25 août 2022, et près d’un an et demi après la communication du projet de décret, ainsi que la fin de la consultation publique y afférente, le décret n’a toujours pas été publié laissant ainsi dans l’incertitude l’ensemble des opérateurs du secteur.
Nous recommandons, pour les entreprises commercialisant des énergies fossiles, de prendre en compte cette règlementation lors du lancement de campagnes publicitaires et d’être vigilantes quant à la date de publication du décret d’application afin de pouvoir s’y conformer rapidement.
Plusieurs restrictions d’ores-et-déjà en vigueur à ne pas oublier
Si l’application de l’interdiction de la publicité des énergies fossiles est, à l’heure actuelle, suspendue à la publication de son décret d’application, d’autres restrictions ou limitations concernant la publicité sont quant à elles, bel et bien applicables : c’est notamment le cas des restrictions applicables aux publicités vantant la neutralité carbone des produits ou services dont il est fait la promotion.
Il est interdit d’affirmer qu’un produit ou un service est neutre en carbone, ou toute formulation de signification ou de portée équivalente, à moins d’être en mesure de documenter ces allégations
L’article L. 229-68 du Code de l’environnement, issu de la loi ayant instauré l’interdiction de publicité des énergies fossiles, encadre strictement ce qu’il nomme les « allégations environnementales ». Cette disposition, dont le décret d’application est entré en vigueur le 1er janvier 2023, interdit aux annonceurs « d’affirmer dans une publicité qu’un produit ou un service est neutre en carbone ou d’employer toute formulation de signification ou de portée équivalente », sauf à être en mesure de fournir au public les documents suivants permettant de prouver ces allégations (articles L. 229-68 et D. 229-107 à D. 229-109 du Code de l’environnement).
La preuve de telles allégations doit résulter des éléments suivants :
- Un bilan des émissions de gaz à effet de serre du produit ou du service couvrant l’ensemble de son cycle de vie et intégrant les émissions directes et indirectes. Ce bilan doit être réalisé conformément aux exigences de la norme NF EN ISO 14067 ou tout autre standard équivalent et être mis à jour tous les ans.
- Un rapport de synthèse, publié sur le site de communication au public en ligne ou à défaut sur l’application mobile de l’entreprise responsable de la communication, décrivant l’empreinte carbone du produit ou service dont il est fait la publicité et la démarche grâce à laquelle ces émissions de gaz à effet de serre sont prioritairement évitées, puis réduites, et enfin compensées. Le rapport doit comprendre trois annexes : la première présentant le bilan et sa méthodologie d’établissement, la deuxième établissant la trajectoire visée de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et la troisième détaillant les modalités de compensation des émissions résiduelles ;
- Les modalités de compensation des émissions de gaz à effet de serre résiduelles.
Sont également visées par cette interdiction les formules suivantes : « zéro carbone », « avec une empreinte carbone nulle », « climatiquement neutre », « intégralement compensé », « 100 % compensé », ou toute autre formulation de signification ou de portée équivalente (article D. 229-106 du Code de l’environnement).
Le Code de l’environnement précise que l’interdiction décrite ci-dessus est applicable aux supports publicitaires suivants (article D. 229-106 du Code de l’environnement) :
- correspondances publicitaires
- imprimés publicitaires
- affichages publicitaires
- publicités figurant dans les publications de presse
- publicités diffusées au cinéma
- publicités émises par les services de télévision ou de radiodiffusion et par voie de services de communication en ligne
- allégations apposées sur les emballages des produits
En cas d’infraction, le Ministre chargé de l’environnement peut sanctionner le non-respect de cette interdiction par un courrier à l’annonceur précisant qu’il dispose d’un délai d’un mois pour formuler des observations et le mettant en demeure de se conformer à ses obligations dans un délai déterminé (article R. 229-110 du Code de l’environnement).
En cas de non-mise en conformité passé ce délai, le Ministre chargé de l’environnement ordonne le paiement d’une amende de 20 000 € pour une personne physique et de 100 000€ pour une personne morale, et, là encore, il est indiqué ce montant pourra être porté « jusqu’à la totalité du montant des dépenses consacrées à l’opération illégale » (articles R. 229-110 et L. 229-69 du Code de l’environnement).
La répression des allégations environnementales dispose ainsi de textes plus précis, notamment en raison de l’adoption de son décret d’application.