Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (« CBAM »)

A l’occasion de la publication le 17 août dernier par la Commission européenne du règlement d’exécution établissant les modalités de mise en œuvre du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières durant sa phase transitoire, nous revenons sur les contours de ce mécanisme applicable à compter du 1er octobre 2023.

Contexte et objectifs du dispositif

La mise en place du Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF ou, en anglais, CBAM « carbon border adjustment mechanism) s’inscrit dans le cadre de l’objectif de l’UE de réduire ses émissions de carbone de 55 % par rapport aux niveaux de 1990, d’ici 2030.

La philosophie générale du mécanisme est de prévenir les risques de « fuite de carbone » résultant de la tentation des entreprises européennes de :

  • Déplacer leur production à forte intensité de carbone en dehors de l’UE afin de profiter de normes plus flexibles (ou laxistes) d’Etats tiers ;
  • Remplacer des produits made in UE par des importations nées de productions à plus forte intensité de carbone.

L’épure du nouveau dispositif est de compléter le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (SEQE). L’UE était déjà pionnière en la matière en établissant ce SEQE en 2003. Le SEQE fixe actuellement le prix des émissions de gaz à effet de serre au sein de l’UE. Il définit un plafond pour la quantité de gaz à effet de serre pouvant être rejetée par les producteurs de certaines marchandises au sein de l’UE. Des quotas doivent être achetés sur un marché d’échange, mais en parallèle des quotas gratuits ont également été distribués afin d’éviter les fuites de carbone.

L’ambition majeure du nouveau CBAM est de supprimer ces quotas gratuits tout en prévenant ces risques de fuite de carbone.

En deux mots, le CBAM se fondera sur un système de certificats afin de couvrir les émissions intégrées dans les produits importés ultérieurement dans l’UE.

Calendrier du dispositif

Le règlement européen 2023/956 du 10 mai 2023 établit le fondement juridique du CBAM. Il entre en vigueur dès le 1er octobre 2023.

La nouvelle règlementation est mise en place en 2 temps :

  • Une période transitoire du 1er octobre 2023 jusqu’au 31 décembre 2025 : pendant cette période, les importateurs concernés seront tenus par une nouvelle obligation déclarative trimestrielle mais sans devoir payer d’ajustement financier.
  • Puis une période de croisière à compter du 1er janvier 2026 : à compter de cette date, les importateurs concernés seront soumis à une nouvelle obligation déclarative annuelle et devront s’acquitter le cas échéant d’une contribution financière.

La Commission européenne a adopté et publié le 17 août 2023 un acte d’exécution accompagné d’annexes sur la teneur des obligations déclaratives, le contenu du registre temporaire, la méthode de calcul provisoire des émissions intrinsèques de la production des marchandises visées, tels qu’applicables pendant la période transitoire.

Champ d’application

Le règlement s’applique aux importations dans l’UE de marchandises dont la fabrication a pu donner lieu à de fortes émissions, directes et indirectes, de gaz à effet de serre (par exemple le ciment, l’électricité, les engrais, la fonte, le fer, l’acier, l’aluminium et l’hydrogène). Notons que ce champ d’application a vocation à être étendu par la suite.

Les importations visées devront provenir des Etats tiers à l’exception, notamment, des marchandises en provenance d’Islande, du Liechtenstein, de Norvège ou de Suisse.

Création d’un statut de « déclarant autorisé »

A compter du 1er janvier 2026, les importations de marchandises entrant dans le champ du règlement ne pourront être effectuées que par des importateurs ayant obtenu le statut de « déclarant autorisé ». Les demandes d’obtention de ce statut pourront être effectuées à compter du 1er janvier 2025.

Economie générale

Obligation déclarative

A compter du 1er octobre 2023 et pendant la période transitoire, les importateurs de marchandises entrant dans le champ du règlement sont tenus à une obligation déclarative limitée : au titre de chaque trimestre, ils devront présenter à la Commission européenne un rapport contenant des informations sur les marchandises importées et ce, au plus tard un mois après la fin du trimestre.

Ainsi, un importateur réalisant des importations dans le champ d’application du CBAM, devra présenter son premier rapport trimestriel avant le 31 janvier 2024 au titre des importations réalisées entre le 1er octobre 2023 et le 31 décembre 2023.

Chaque rapport trimestriel devra comporter :

  • La quantité de chaque type de marchandises importées ;
  • Les émissions intrinsèques réelles totales émises par tonne de chaque type de marchandises (les modalités de calcul sont précisées par le règlement d’exécution) ;
  • Les émissions indirectes totales ;
  • Le prix du carbone acquitté dans le pays d’origine pour les émissions intrinsèques des marchandises importées.

Le non-respect de cette nouvelle obligation déclarative pourra donner lieu à une amende dont le montant sera déterminé par l’autorité nationale compétente (dans la fourchette prévue par le texte entre 10€ et 50€ par tonne d’émissions CO² incorporée non déclarée). Des pénalités plus élevées pourront de plus être appliquées en cas de présentation de 2 rapports incorrects ou incomplets à la suite, ou en l’absence de déclaration pendant plus de 6 mois.

A compter du 1er janvier 2026 (i.e. à l’issue de la période transitoire), l’obligation trimestrielle pesant sur les importateurs devient annuelle. Ainsi, au plus tard le 31 mai de chaque année, les importateurs seront tenus, au titre de l’année civile précédente, de procéder à une déclaration contenant des informations relatives à la quantité totale de chaque type de marchandises importées, les émissions intrinsèques totales de ces marchandises, ainsi qu’au nombre de certificats CBAM à restituer.

Ainsi, un importateur réalisant des importations dans le champ d’application du CBAM, devra effectuer sa première déclaration annuelle au plus tard le 31 mai 2027 au titre des importations réalisées au cours de l’année 2026.

Obligation financière

Aucune obligation financière ne pèse sur les importateurs durant la période transitoire. En revanche, à compter du 1er janvier 2026, les importateurs devront, annuellement et au plus tard au 31 mai de chaque année, s’acquitter d’une redevance au titre des importations réalisées au cours de l’année civile précédente.

Cette redevance prendra la forme de la remise de « certificats CBAM », achetés, au préalable, par les importateurs à un prix aligné sur le prix moyen du carbone en vigueur au sein du SEQE de l’UE (les producteurs de marchandises au sein de l’UE et les importateurs de marchandises de même nature d’un Etat tiers vers l’UE seraient donc théoriquement soumis à une taxation équivalente).

Le défaut de remise du nombre adapté de certificats CBAM dans les délais pourra entraîner l’application d’une amende de 100 € par certificat non restitué.

Ainsi, avant le 31 mai de chaque année, les importateurs devront restituer un nombre de certificats CBAM correspondant à leurs émissions importées au titre de l’année civile précédente. On notera que le nombre de certificats restitués pourra être réduit, afin de tenir compte du prix du carbone payé dans le pays d’origine. En outre, dans certaines conditions, l’Etat membre dans lequel le déclarant CBAM est établi pourra procéder au rachat de l’excédent de certificats CBAM.

Le certificat CBAM sera introduit progressivement à compter du 1er janvier 2026, afin d’aligner sa mise en œuvre sur la suppression corrélative des quotas gratuits de SEQE (de 2026 à 2034) portant sur les mêmes marchandises.

L’objectif est ainsi de garantir des conditions de concurrence équitables entre les importateurs de marchandises soumis à une redevance en application du CBAM et les producteurs européens de marchandises équivalentes. La redevance correspond ainsi à la taxe carbone imposée aux industriels de l’UE qui sont dans le champ d’application du marché carbone.

Photo de Bertrand Jeannin
Bertrand Jeannin

Bertrand Jeannin, Avocat Associé, conseille des groupes français ou étrangers dans le cadre de leur stratégie de gestion de la TVA et de la fiscalité douanière en France et en […]

Photo de Alice de Massiac
Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

Photo de Clara Maignan
Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.