Mécanismes de restitution de certaines RAS acquittées par des sociétés non-résidentes : commentaires administratifs

L’Administration a publié le 29 juin 2022 au BOFiP ses commentaires relatifs aux différents mécanismes de restitution et d’exonération de retenues à la source en faveur des non-résidents, instaurés au fil des dernières lois de finances (LF 2020 et 2022).

On observera que l’Administration se borne, pour l’essentiel, à décrire les mécanismes nouveaux et n’apporte que peu de précisions inédites.

Nous vous proposons de faire le point sur les apports les plus significatifs de ces commentaires administratifs.

Mécanisme de restitution temporaire de RAS pour les entités étrangères déficitaires (CGI, art. 235 quater, LF 2020 & 2022) – BOI-RPPM-RCM-30-30-10-90, 29 juin 2022

Rappel

Pour mémoire, la LF 2020 a instauré, à compter du 1er janvier 2020, un mécanisme permettant à certaines sociétés étrangères déficitaires de bénéficier d’une restitution temporaire de RAS (ou de prélèvement), résultant de l’application des articles 119 bis, 182 A bis, 182 B, 244 bis, 244 bis A et 244 bis B du CGI.

Puis, ce dispositif a été aménagé par la LF 2022, qui est venue modifier le délai dans lequel la demande de restitution doit être opérée, allonger le délai de production de l’état de suivi et préciser l’ordre dans lequel les impositions deviennent exigibles lorsqu’une société redevient bénéficiaire et que le report d’imposition prend fin.

Précisions nouvelles

Résultat fiscal déficitaire

Pour qu’une société non-résidente puisse bénéficier du mécanisme de restitution temporaire, son résultat fiscal doit être déficitaire au titre de l’exercice au cours duquel les revenus et profits de source française sont perçus. Le résultat déficitaire s’entend de celui calculé selon les règles fiscales applicables dans l’État ou le territoire où est situé le siège ou l’établissement stable avec quelques ajustements.

Ainsi, l’Administration rappelle que le résultat fiscal doit inclure les revenus et profits dont l’imposition fait l’objet d’une demande de restitution. Ainsi, dans le cas où les revenus et profits de source française donnant lieu à l’application d’une retenue ou d’un prélèvement à la source ne sont pas compris dans le résultat fiscal déterminé selon les règles de l’État ou du territoire où est situé le siège ou l’établissement stable, ils doivent y être ajoutés afin d’apprécier le caractère déficitaire du résultat fiscal de référence.

Doivent également être ajoutés au résultat fiscal de référence les revenus et profits non inclus au titre d’exercices antérieurs et ayant ouvert droit à une restitution, lorsque le report d’imposition est toujours en cours (§ 40).

L’Administration indique qu’afin d’assurer une égalité de traitement entre entités résidentes et non-résidentes, il convient de permettre à ces dernières de demander à bénéficier de la restitution à raison des revenus et profits qui n’auraient pas été soumis à l’IS en France si elles y avaient été établies.

Ainsi, lorsque le résultat initial est déficitaire et qu’au terme des retraitements prescrits, il s’avère bénéficiaire, les RAS sont alors restituées pour la fraction correspondant à la différence entre les revenus et profits de source française soumis à ces retenues et le montant du bénéfice ainsi déterminé (§ 50).

Exemple (§ 60) :

Une société non-résidente perçoit des revenus de source française d’un montant de 100 k€, sur lesquels est prélevée une RAS de 25 k€.

Le résultat fiscal de la société est de <70 k€>. Les revenus de source française ne sont pas inclus dans ce résultat, car exonérés dans l’État de résidence. Après retraitement, le résultat fiscal de cette société est donc de + 30 k€.

La société pourra dès lors présenter une demande de restitution temporaire à hauteur de 17,5 k€, soit (100 k€ – 30 k€) x 25% (sous réserve du respect des autres conditions).

En revanche, dans le cas particulier où la société bénéficierait également du mécanisme de restitution définitive de la différence entre la RAS prélevée et la RAS calculée à partir d’une base nette des charges réelles supportées pour l’acquisition et la conservation des revenus prévue à l’article 235 quinquies du CGI, alors la demande de restitution temporaire devra être diminuée du montant de la restitution définitive (§ 80).

Evénements entraînant la fin du report

Pour mémoire, il est mis fin au report d’imposition dans 3 hypothèses :

  • La société redevient bénéficiaire ;
  • La société n’a pas respecté ses obligations déclaratives ;
  • La société fait l’objet d’une opération entraînant sa dissolution sans liquidation.

L’Administration confirme que, dans le cas où il est mis fin au report en raison de la déclaration d’un résultat bénéficiaire, le montant des revenus au titre desquels il est mis fin au report est limité au montant dudit bénéfice (§ 100).

À contrario, cela signifie que dans les 2 autres hypothèses, l’imposition portera sur l’ensemble des revenus et profits sans plafonnement.

L’Administration distingue 3 situations de dissolution sans liquidation de l’entité non-résidente selon que l’opération entraîne ou non un transfert des déficits de la société. On notera qu’en l’absence de transfert des déficits à l’entité absorbante/bénéficiaire des apports, la restitution de la RAS est définitivement acquise.

Délai de dépôt de la demande de restitution

Initialement, les sociétés non-résidentes devaient former leur demande de restitution dans un délai de 3 mois suivant la clôture de l’exercice qui suit le versement des revenus.

La LF 2022 est venue allonger ce délai. Les sociétés non-résidentes déficitaires doivent désormais formuler leur demande dans « le délai prévu pour les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts locaux » (soit celui prévu à l’article R.196-1 du LPF).

L’Administration ne commente malheureusement pas plus avant ce point, alors même que la question est (désormais) susceptible de soulever des difficultés.

Pour mémoire, le délai prévu par les dispositions de l’article R. 196-1 du LPF court jusqu’au 31 décembre de la 2e année suivant celle du versement de l’impôt contesté. Le même article prévoit un délai plus court s’agissant des RAS, expirant le 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle elles ont été opérées.

Cela étant, le Conseil d’État avait jugé, dans une décision de principe, que ce délai spécial présentait seulement un caractère subsidiaire par rapport au délai général (CE, 5 juillet 2010, n°310945, Serater).

Le rapporteur de la Commission des finances du Sénat indiquait, d’ailleurs, que la demande de restitution devrait donc être déposée au plus tard le 31 décembre de la 2e année suivant celle du versement de l’impôt.

Cela étant, à la lumière de la récente décision du Conseil d’État revenant sur sa jurisprudence Serater (CE, 2 février 2022, n°441511, S Sofina), il est permis de s’interroger sur la durée du délai applicable à la demande de restitution temporaire d’une retenue à la source.

Extension de l’exonération de retenue à la source pour les sociétés en liquidation judiciaire (CGI, art. 119 quinquies, aménagé par la LF 2020) – BOI-RPPM-RCM-30-30-20-80 RPPM, 29 juin 2022

La LF 2020 a étendu le mécanisme spécifique de l’article 119 quinquies (exonération de RAS pour les sociétés non-résidentes déficitaires et en liquidation judiciaire), initialement réservé à la RAS de l’article 119 bis, 2, aux RAS et prélèvements des articles 182 A, 182 A bis, 182 B, 244 bis, 244 bis A e 244 bis B du CGI – sous réserve du respect de conditions tenant au pays d’implantation des sociétés.

L’Administration actualise ses commentaires au BOFiP en conséquence, sans précisions nouvelles.

Création d’un abattement forfaitaire de charges de 10 % appliqué immédiatement lors du prélèvement de la RAS de l’article 182 B (LF 2022) – BOI-IR-DOMIC-10-20-20-50, 29 juin 2022

On rappelle que la LF 2022 a instauré, au profit des personnes morales et organismes non-résidents établis dans l’UE ou l’EEE qui perçoivent des revenus de source française entrant dans le champ de l’article 182 B du CGI, un abattement forfaitaire de charges de 10 %, appliqué immédiatement lors du prélèvement de la RAS.

Ce dispositif est repris – sans précisions nouvelles – au § 70.

Faculté pour les bénéficiaires des produits soumis aux RAS des articles 182 B, 182 A bis et 119 bis du CGI de demander la restitution de la différence entre la RAS prélevée et la RAS calculée à partir d’une base nette des charges réelles supportées pour l’acquisition et la conservation des revenus (CGI, art. 235 quinquies, LF 2022) – BOI-RPPM-RCM-30-30-10-100, 29 juin 2022

Rappel

La LF 2022 a instauré la faculté, pour le bénéficiaire des produits et sommes soumis aux RAS de l’article 119 bis, 2, de l’article 182 A bis ou de l’article 182 B du CGI de demander qu’une quote-part de la RAS versée lui soit restituée à hauteur de la différence entre la RAS versée et celle calculée sur une base nette des charges d’acquisition et de conservation directement rattachées à ces produits et sommes, dès lors que les conditions suivantes sont réunies :

  1. Le bénéficiaire des produits et sommes :
  • est une personne morale ou un organisme dont les résultats ne sont pas imposés à l’impôt sur le revenu entre les mains d’un associé ; et
  • dont le siège (ou l’ES dans le résultat duquel les produits et sommes sont inclus) est situé dans un État membre de l’UE ou dans un autre État partie à l’accord sur l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et n’étant pas non-coopératif au sens de l’article 238-0 A du CGI
    OU pour la RAS prévue à l’article 119 bis, 2 du CGI : dans un État non membre de l’UE ou qui n’est pas un État partie à l’accord sur l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, sous réserve (i) que cet État ne soit pas non coopératif au sens de l’article 238-0A du CGI et (ii) que la participation détenue dans la société ou l’organisme distributeur ne permette pas au bénéficiaire de participer de manière effective à la gestion ou au contrôle de cette société ou de cet organisme ;
  1. Les charges d’acquisition et de conservation de ces produits et sommes seraient déductibles si le bénéficiaire était situé en France ;
  2. Les règles d’imposition dans l’État de résidence ne permettent pas au bénéficiaire d’y imputer la RAS.

Précisions nouvelles

Charges déductibles (§ 40)

Il est tenu compte des charges directement engagées pour l’acquisition ou la conservation des produits et sommes soumis à la RAS, sous réserve que ces charges puissent être considérées comme déductibles dans les conditions de l’article 39 du CGI, si le bénéficiaire était situé en France.

L’Administration précise que les dépenses sont prises en compte pour leur montant réel et justifié.

Pour être déductibles au titre d’un exercice donné, elles doivent avoir été effectivement engagées au cours dudit exercice et avoir fait naître à la charge du contribuable une dette certaine dans son principe et dans son montant.

S’agissant de la RAS prévue à l’article 119 bis, 2 du CGI (RCM), l’Administration renvoie, pour la détermination des charges déductibles, à ses commentaires au BOFiP relatifs aux modalités d’imposition à l’IR des RCM (BOI-RPPM-RCM-20-10-20-70, 20 décembre 2019, § 20 à 70).

Il s’agit, notamment des :

  • frais de garde des titres ;
  • frais d’encaissement des coupons ;
  • commissions de vérification des tirages ;
  • frais de location de coffres ;
  • primes d’assurances relatives aux valeurs mobilières dans la mesure où l’objet du contrat n’est pas de couvrir le risque de dépréciation;
  • salaires versés à un employé pour les opérations de perception des revenus (sous conditions).

S’agissant des RAS prévues aux articles 182 A bis et 182 B, sont visés – sans davantage de précisions – les frais engagés aux fins de réaliser les prestations donnant lieu à rémunération.

Condition tenant à l’impossibilité d’imputer la RAS dans l’État de résidence du bénéficiaire (§ 50)

L’Administration rappelle que les règles d’imposition dans l’État de résidence du bénéficiaire ne doivent pas lui avoir permis d’y imputer la RAS.

Elle précise qu’en pratique, la possibilité d’une telle imputation résulte des stipulations de la convention fiscale conclue entre la France et l’État de résidence du bénéficiaire.

Ainsi, est éligible à la demande de restitution le bénéficiaire qui se trouve privé définitivement de toute possibilité d’imputer la RAS dans son État de résidence.

Elle admet, en revanche, que si l’imputation dans l’État de résidence est partielle, le bénéficiaire pourra obtenir une restitution au titre de la quote-part de la RAS définitivement non-imputable dans cet État, en justifiant des démarches qu’il y a réalisées.

Délai (§ 70)

Comme dans le cadre du mécanisme de restitution temporaire de RAS en faveur des sociétés non-résidentes déficitaires, la demande de restitution doit être formulée dans le délai prévu pour les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts locaux (LPF, art. R.196-1).

Là encore, il est permis de déplorer l’absence de précisions de l’Administration sur ce point (voir nos observations ci-avant).

Articulation avec le dispositif de restitution temporaire de la RAS en faveur des sociétés non-résidentes déficitaires prévu à l’article 235 quater du CGI (§ 90)

L’Administration indique que dans le cas où la société a déjà bénéficié du dispositif de l’article 235 quater, la demande formulée ultérieurement au titre des mêmes RAS en application du dispositif de l’article 235 quinquies n’entraîne aucune restitution supplémentaire.

En revanche, le montant de la nouvelle imposition mise en report à la suite de la restitution de ces mêmes retenues est diminué du montant de la restitution demandée au titre de l’article 235 quinquies du CGI.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.