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Mise à jour 2025 du Modèle de Convention OCDE (2/5) : l’établissement stable peut être enrichi d’une disposition pour régir les industries extractives

Le Conseil de l’OCDE a adopté, le 18 novembre 2025, la mise à jour du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE pour 2025. Cette nouvelle version introduit, à l’article 5 sur l’établissement stable, une disposition alternative inédite que les États pourront utiliser pour régir l’imposition des entreprises appartenant au secteur de l’industrie extractive. La publication du Modèle de Convention dans une version révisée et intégrale est annoncée pour 2026.

Grille de lecture

Antérieurement à la mise à jour de novembre 2025, les activités « d’extraction de ressources naturelles », visées au f) du paragraphe 2 de l’article 5 du Modèle de convention, suivaient le régime commun de l’établissement stable. Il convenait donc d’apprécier la fixité de l’installation pour qualifier un établissement stable.

En l’absence d’un seuil de durée clairement défini, de nombreuses conventions bilatérales ont adopté des protocoles additionnels afin de pallier cette incertitude (cf. convention franco-norvégienne dont le seuil est fixé à 30 jours sur une période de 12 mois ; convention franco-colombienne dont le seuil est fixé à 60 jours sur une période de 12 mois).

L’objectif poursuivi par l’OCDE, à travers la création d’une nouvelle disposition, est de mettre à disposition des États qui souhaiteraient l’adopter, une disposition, éventuellement alternative à celle existante, afin de fixer un seuil de déclenchement pour la reconnaissance d’un établissement stable, seuil spécifiquement réservé au secteur des activités d’exploration et d’exploitation de ressources naturelles extractibles.

La nouvelle disposition intitulée “Disposition relative aux activités liées à l’exploration et l’exploitation de ressources naturelles extractibles” figure au paragraphe 177 des nouveaux commentaires de l’article 5. Elle comprend 4 paragraphes.

Elle prévoit en particulier que “[…] 3.Lorsqu’une entreprise d’un État contractant exerce des activités pertinentes dans l’autre État contractant pendant une ou plusieurs périodes qui, au total, excèdent [période à convenir de manière bilatérale] au cours de toute période de douze mois commençant ou se terminant durant l’année fiscale considérée, les activités pertinentes exercées dans l’autre État sont réputées être exercées par l’intermédiaire d’un établissement stable de l’entreprise situé dans cet autre État. […]

Articulation de la disposition alternative avec les articles du Modèle de Convention OCDE

Le paragraphe 1 de la nouvelle disposition prévaut sur les dispositions des articles 5 et 13 de la Convention OCDE, portant respectivement sur l’établissement stable et sur les gains en capital. Deux situations doivent être distinguées :

  • Lorsque les articles 5 et 13 pourraient empêcher un État doté de ressources naturelles finies d’imposer certains revenus et gains provenant de l’exploration et de l’exploitation de ces ressources par un non-résident, la présente disposition s’applique ;
  • Lorsque l’État de la source conserve son droit d’imposition en vertu des articles 5 et 13, mais pas en vertu de cette disposition, ce droit d’imposition demeure applicable.

Dans un cas comme dans l’autre, le droit d’imposition dans l’État de la source est préservé.

Champ d’application

Le paragraphe 2 de la nouvelle disposition précise son champ d’application et donne une définition des “activités pertinentes”, élément clé pour la caractérisation de l’établissement stable. Deux modèles sont proposés, selon que les pays souhaitent cantonner son impact aux seules activités en mer ou l’étendre aux activités en mer et sur terre.

Cette distinction a des conséquences sur la définition des « activités pertinentes » :

  • Pour les activités en mer, le champ territorial couvre les eaux intérieures, eaux archipélagiques, mers territoriales ainsi que les zones au-delà dans lesquelles l’État source peut exercer ses droits souverains conformément au droit international. Cela exclut, par définition, les activités exercées sur terre, même si elles sont liées à l’exploration et à l’exploitation en mer.
  • Pour les activités en mer et sur terre, le champ territorial inclut également toutes les activités menées sur terre en lien avec l’exploration et l’exploitation en mer et sur terre. Le champ est étendu aux services connexes nécessitant une expertise particulière ou des équipements spécialisés (ex. la fourniture d’une connexion Internet à un exploitant minier – non spécialisé ; et la fourniture de services de technologies de l’information spécialement adaptés à la nature des opérations minières – spécialisé

Dans les deux cas, les navires ou aéronefs sont spécifiquement exclus dès lors qu’ils concourent à titre principal :

  • Au transport des fournitures ou du personnel ;
  • Au remorquage, ancrage ou à l’exploitation d’autres navires dont la fonction est auxiliaire à l’exploration ou à l’exploitation du lit de la mer, du sous-sol marin et de leurs ressources naturelles.

Tel n’est cependant pas le cas pour les navires exerçant des activités essentielles à l’exploitation de ressources naturelles : navires de production de pétrole, installations ou plateformes, navires de stockage, de production et de déchargement flottants utilisés pour les ressources en hydrocarbures, navires de dragage, navires de pose de conduites, navires d’études sismiques ou sous-marines et navires gros-porteurs.

La nouvelle disposition s’applique à toutes les étapes du processus d’extraction de ressources naturelles : exploration, développement, production et déclassement. Elle vise exclusivement les activités liées à des « ressources naturelles finies », sans couvrir la valorisation des ressources renouvelables.

La mise à jour OCDE prévoit la possibilité pour les États d’intégrer une clause prérédigée afin d’exempter les activités qui ne constituent pas un ES et qui sont visées au paragraphe 4 de l’article 5 de la convention (paragraphe 188).

Pour autant, toutes les activités exclues restent soumises à l’article 5 de la Convention OCDE et peuvent donc être imposées par l’État de la source malgré ces dispositions.

Seuil temporel pour le déclenchement du dispositif

Au sens du paragraphe 3 précité, les États qui adoptent la nouvelle disposition doivent fixer, de manière bilatérale, une période “seuil” à partir de laquelle un établissement stable est présumé exister dans l’État de la source.

Dès lors que ce seuil est dépassé, l’État de la source acquiert le droit d’imposer les bénéfices générés par l’entreprise non-résidente et attribuables à cet établissement stable. L’État de résidence doit alors éliminer la double imposition.

La mise à jour OCDE intègre la possibilité pour les États d’ajouter un paragraphe prérédigé afin d’anticiper le phénomène des fractionnements de contrat. Cette règle anti-abus n’impose pas que les “activités pertinentes” soient exercées au même endroit, mais uniquement que les activités pertinentes exercées par une ou plusieurs entreprises étroitement liées soient « substantiellement identiques », c’est-à-dire qu’elles s’appliqueraient au même type de ressources et à la même méthode d’exploration ou d’extraction (paragraphe 193).

Règles applicables aux différentes catégories de revenus des activités extractives

Le paragraphe 4 de la nouvelle disposition regroupe les règles applicables au traitement de chaque catégorie de revenus et de gains liés aux activités extractives. Tel qu’il est rédigé, le paragraphe traite uniquement des revenus d’entreprise. Sont ainsi visés :

  • Les gains d’un bien immeuble au sens de l’article 6 comprenant notamment les droits d’exploration et d’exploitation relatifs à des ressources naturelles. Un droit partiel étant considéré comme un droit à part entière, le terme englobe aussi les mécanismes tels que les accords d’affermage et d’amodiation par lequel l’amodiateur cède une partie de sa participation à l’amodiataire en contrepartie de certaines obligations ;
  • Les gains tirés de l’aliénation de biens mobiliers faisant partie de l’actif d’un établissement stable au sens du paragraphe 2 de la présente disposition (une double rédaction est proposée afin de permettre aux États de choisir d’appliquer cette règle uniquement aux activités exercées en mer ou bien aux activités exercées sur terre et en mer) ;
  • Les actions ou participations similaires qui, à tout moment au cours des 365 jours précédant l’aliénation, ont tiré directement ou indirectement plus de 50 % de leur valeur des biens mentionnés aux points précédents du présent paragraphe.

Les commentaires relatifs au paragraphe 4 suggèrent néanmoins que certains Etats pourraient souhaiter traiter la question des revenus d’emploi. Bien que ces situations relèvent en principe de l’article 15 de la convention, certaines circonstances peuvent s’avérer complexes. Ainsi, la mise à jour OCDE propose :

  • Soit l’introduction d’un paragraphe additionnel après le paragraphe 2 de l’article 15, permettant à l’État de la source d’imposer la rémunération d’un salarié non-résident même si l’employeur n’a pas d’établissement stable, lorsque la durée d’emploi excède le seuil conventionnellement fixé (paragraphe 199) ;
  • Soit la modification de l’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 15, pour remplacer le critère fondé sur la durée d’emploi par celui fondé sur la durée de séjour (paragraphe 201).

Dans tous les cas, ces règles requièrent une vigilance particulière des États signataires afin de prévenir les risques de double imposition ou de double non-imposition.


  • Béatrice Hingand

    Associée, Béatrice Hingand développe son expertise au sein du Comité scientifique fiscal, renforce l’éminence Deloitte et les liens avec l’administration.…