Notion de société « passible de l’IS » pour l’application du régime de faveur des fusions

Une SCS participant à une fusion est susceptible de bénéficier du régime de faveur, même en l’absence d’option pour le régime des sociétés de capitaux, dès lors qu’elle est bien légalement passible de l’IS, sur la fraction de ses bénéfices correspondant aux droits des commanditaires, et ce même lorsque cette dernière est minime.

Dans le cadre de différentes opérations de restructuration, une société en commandite simple (SCS) avait sollicité le bénéfice de l’agrément prévu à l’article 209, II du CGI, aux fins d’obtenir le transfert des déficits des sociétés absorbées. L’Administration le lui a refusé, estimant que les conditions de délivrance de l’agrément n’étaient pas remplies. Elle considérait, en effet, que les opérations ne pouvaient être regardées comme bénéficiant du régime de faveur, celui-ci étant réservé, selon la lettre même du texte, aux sociétés « passibles de l’impôt sur les sociétés » (CGI, art. 210 C). Or, la SCS n’avait pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux.

Pour mémoire, à défaut d’avoir exercé une telle option (prévue à l’article 206, 3 du CGI), ses résultats sont imposés selon un régime mixte. Les associés commandités sont alors personnellement imposés en leur nom, à raison de la part des résultats correspondant à leurs droits, soit à l’IR soit à l’IS (régime des sociétés de personnes). En revanche, les associés commanditaires voient nécessairement la part des résultats correspondant à leurs droits assujettie à l’IS, par détermination des termes mêmes de la loi (CGI, art. 206, 4 : « même à défaut d’option, l’IS s’applique dans les SCS (…) à la part de bénéfices correspondant aux droits des commanditaires »).

L’Administration avait considéré que sont seuls « passibles » de l’IS, les organismes qui y sont soumis, par principe, par les dispositions du 1er alinéa de l’article 206 du CGI.

Confirmant la position des juges du fond, le Conseil d’Etat considère, au contraire, que même en l’absence d’option pour le régime des sociétés de capitaux, les SCS sont « légalement passibles » de l’IS, fût-ce pour une partie seulement de leurs bénéfices, correspondant aux droits des commanditaires et quelle que soit l’importance de cette part (en l’espèce, moins de 1 %). Il fait ainsi une lecture globale des différents alinéas de l’article 206 du CGI.

Il précise, en outre, que les dispositions de l’article 210 C ne réservent pas le bénéfice du régime de faveur des fusions aux personnes morales passibles de l’IS sur l’intégralité de leurs bénéfices.

Cette solution s’inscrit dans la lignée de – très – anciennes décisions (CE, 12 juillet 1969, n° 75248 et 28 janvier 1987, n° 55852, Sté Candelier Brumaire). On pouvait toutefois s’interroger sur le maintien de cette jurisprudence, alors qu’une toute récente décision de la CAA de Versailles, a refusé l’application du régime mère-fille à une SCS, faute « d’assujettissement à l’IS » (CE, 29 septembre 2016, n° 15VE00991, Sté Vorwerk).

En réitérant sa position de principe, le Conseil d’Etat rend une décision, dès lors, bienvenue. Cette décision conforte, de surcroît, le BOFiP relatif au champ d’application du régime de faveur incluant expressément les SCS parmi les personnes morales éligibles (BOI-IS-FUS-10-20-20, n° 10)

L’avis du praticien : Mathieu Gautier

On sait que malgré l’existence d’une doctrine administrative favorable, l’application du régime des fusions aux organismes partiellement soumis à l’IS a fait débat au sein de l’administration fiscale, notamment dans le cadre de demandes d’agrément liées à des restructurations. La décision du Conseil d’Etat clarifie ce point et devrait mettre un terme à la problématique.

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.