Nouvelle assiette pour le calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles du CE

Par deux arrêts du 7 février 2018, la Cour de cassation opère un important revirement de jurisprudence en abandonnant le compte 641 du PCG comme assiette de calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles, lui substituant la notion de « gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale » figurant à l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale.

Abandon de la référence au compte 641

Pour mémoire, le Code du travail dispose que la subvention de fonctionnement versée par l’employeur au Comité d’Entreprise (CE) est déterminée en fonction de la « masse salariale brute », et que la contribution versée pour le financement des Activités Sociales et Culturelles (ASC) est déterminée en fonction du « montant global des salaires payés », ce qui correspond en pratique à la masse salariale brute (articles L.2325-43 et L.2323-86 du Code du travail).

Jusqu’à présent, la Cour de cassation considérait que la masse salariale brute servant au calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles devait correspondre au compte 641 « Rémunérations du personnel » du Plan Comptable Général (PCG) (Cass, soc. 30 mars 2011, n°10-30.080).

Or en pratique, beaucoup d’entreprises ne retenaient pas cette assiette de calcul, et se référaient à la Déclaration Annuelle des Données Sociales (DADS), devenue Déclaration Sociale Nominative (DSN), plutôt qu’au compte 641 du PCG. Or, la différence entre ces deux assiettes pouvait être de taille car la DADS (ou DSN) ne reprend pas tous les éléments figurant au PCG, et ne comprend pas ainsi les provisions pour congés payés, les indemnités de licenciement, les indemnités transactionnelles et les indemnités de fin de carrière.

Cette différence d’assiette avait donné lieu à de nombreux contentieux et débats jurisprudentiels. La Cour de cassation était alors venue apporter certains correctifs à sa définition en déduisant de l’assiette de calcul certains éléments du compte 641 du PCG, et notamment les remboursements de frais, les indemnités dues au titre de la rupture du contrat autres que les indemnités légales et conventionnelles de licenciement, de retraite et de préavis, et les indemnités transactionnelles pour leur part excédant celle correspondant aux indemnités légales et conventionnelles (Cass. soc. 20 mai 2014, n°12-29.142 et Cass. soc. 31 mai 2016, n°14-25.042).

Mais face à l’abondance du contentieux et au nombre important des exceptions faites à l’application du compte 641, source majeure d’insécurité juridique, la Cour de cassation s’est résolue à opérer, par deux arrêts du 7 février 2018, un revirement de jurisprudence, en abandonnant le compte 641 du PCG comme assiette de calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles, lui substituant la notion de « gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale » figurant à l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale (Cass. soc. 7 février 2018, n°16-24.231 et n° 16-16.086) :

« Attendu que l’évolution de la jurisprudence, qui a exclu de l’assiette de référence du calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles diverses sommes figurant au compte 641 mais n’ayant pas la nature juridique de salaires, conduit à priver de pertinence le recours à ce compte pour la mise en œuvre des dispositions des articles L. 2325-43 et L. 2323-86 du Code du travail ;
Attendu que, sauf engagement plus favorable, la masse salariale servant au calcul de la subvention de fonctionnement comme de la contribution aux activités sociales et culturelles, s’entend de la masse salariale brute constituée par l’ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale en application de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ».

La Cour de cassation précise également dans ses arrêts que les sommes attribuées en application d’un accord d’intéressement, qui n’ont pas la nature juridique de salaire, n’ont pas à être incluses dans la masse salariale. De même, les rémunérations versées aux salariés mis à disposition par leur employeur n’ont pas à être incluses dans la masse salariale de l’entreprise utilisatrice.

Il ressort de cette nouvelle jurisprudence que l’assiette de la subvention de fonctionnement du CE et de la contribution aux activités sociales et culturelles est désormais celle de la DADS ou DSN. Les indemnités légales et conventionnelles de licenciement, les indemnités de retraite, les provisions pour congés payés, les rémunérations versées aux salariés mis à disposition par une entreprise extérieure, les sommes versées au titre de l’intéressement, et toutes les sommes qui ne figurent pas dans la DADS ou DSN, n’ont pas à être incluses dans cette assiette.

Nouvelle définition de l’assiette de calcul issue de l’Ordonnance Macron

Cette nouvelle jurisprudence anticipe la nouvelle définition de la masse salariale pour le calcul de la subvention de fonctionnement et la contribution aux activités sociales et culturelles dues au nouveau Comité Social et Economique (CSE).

En effet, le Code du travail tel qu’il résulte de l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 vient définir la masse salariale brute au sens de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles du nouveau Comité Social et Economique (CSE) comme : « l’ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale en application des dispositions de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale (…), à l’exception des indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée. (L.2315-61 et L.2312-83 du Code du travail) ».

La nouvelle définition retenue par la Cour de cass ation de l’assiette de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles ne correspond pas, toutefois, en tous points, à celle retenue par le Code du travail.

En effet, la Cour de cassation fait désormais entrer dans l’assiette de calcul toutes les indemnités de rupture, dès lors qu’elles figurent dans la DADS ou DSN, et notamment l’indemnité de préavis, l’indemnité de congés payés, et l’indemnité transactionnelle excédant les plafonds d’exonération de cotisations de sécurité sociale. En revanche, une lecture stricte du Code du travail exclut de l’assiette de calcul toutes les indemnités de rupture, quelle que soit leur nature et leur montant. A notre avis, cette interprétation littérale devrait cependant être écartée au profit de l’approche retenue en dernier lieu par la Cour de cassation.

A noter pour finir que le projet de loi de ratification des ordonnances adopté par le Sénat le 14 février 2018, et en cours de publication au Journal Officiel, a supprimé l’obligation d’inclure les sommes distribuées aux salariés en application d’un accord d’intéressement ou de participation dans l’assiette de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles du CSE.

Photo de Malik Douaoui
Malik Douaoui

Malik Douaoui, Avocat Associé, possède une expérience de plus de 20 ans en droit social. Il conseille ses clients dans la gestion des relations individuelles et collectives de travail ainsi […]

Elsa Durand

Elsa était avocate au sein du département Droit social du cabinet Deloitte Société d’Avocats. Elle conseillait les sociétés et groupes français et étrangers dans la gestion des relations individuelles et […]