Opposabilité de la doctrine lorsque l’imposition a été spontanément déclarée et acquittée ?

Un contribuable ayant déclaré et acquitté spontanément une imposition ne perd pas nécessairement le droit de se prévaloir de l’opposabilité d’une instruction, dans le cadre d’une réclamation ultérieure (cas particulier de la résolution d’une vente).

Garantie contre les changements de doctrine

On sait que les dispositions de l’article L. 80 A du LPF protègent les contribuables des changements de l’interprétation des règles fiscales formellement admises par l’Administration. Elles leur permettent, d’une part, de s’opposer au rehaussement d’une imposition antérieure conforme à l’interprétation formellement admise par l’Administration et en vigueur à la date de mise en recouvrement (1er alinéa) et, d’autre part, à l’établissement d’une imposition primitive ou rectificative, contraire à l’interprétation publiée par l’Administration et appliquée par le contribuable (3e alinéa).

L’histoire

En 2014, un contribuable cède les titres qu’il détient dans une société et réalise, à cette occasion, une plus-value qu’il déclare. Il s’acquitte ensuite spontanément de l’imposition correspondante.

En 2016, la vente est résolue en application des stipulations du contrat, faute pour l’acheteur de s’être acquitté de la dernière tranche du prix d’acquisition prévue par l’échéancier de paiement.

Par une réclamation contentieuse, le cédant demande le dégrèvement total des impositions mises à sa charge au titre de la plus-value constatée lors de la cession.

L’Administration n’accède que partiellement à sa demande, à concurrence seulement de la part de la plus-value correspondant à la fraction du prix de vente non payée par l’acheteur.

Le contribuable s’est alors prévalu de la doctrine administrative – plus favorable que la lettre du texte (application combinée des articles 150-0 A du CGI et 1583 du Code civil) – laquelle prévoit que « la plus-value ayant en principe été soumise à l’IR au titre de l’année de la conclusion de la transaction, si ultérieurement le contrat est annulé, résolu ou rescindé, le contribuable peut obtenir, sur réclamation, une restitution partielle ou totale des droits indûment versés. La demande de dégrèvement de l’imposition initialement établie peut être présentée dans un délai dont le point de départ est constitué par la date d’annulation, de la rescision ou de la résolution de la vente, et qui expire le 31 décembre de la 2e année suivante ».

L’Administration – confortée en cela par les juges du fond – a refusé de faire droit à sa demande, dès lors que le contribuable avait été imposé sur la plus-value litigieuse conformément à sa déclaration, sans faire l’objet d’un redressement.

Autrement dit, elle considérait que dès lors qu’elle n’avait ni établi, ni rehaussé d’impôt, le contribuable ne pouvait se prévaloir de la protection de la doctrine administrative (cf., dans une affaire distincte, CAA Marseille, 18 février 2020, n°18MA02365).

La décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État ne souscrit pas à cette analyse et juge qu’eu égard à l’objet des commentaires administratifs invoqués, le contribuable ne pouvait faire application de ces derniers que par voie de réclamation présentée postérieurement à la résolution de la vente, ce qu’il a fait dans sa réclamation contentieuse.

Pour favorable qu’elle soit, il est permis de se demander dans quelle mesure la solution ici retenue pourra être étendue dans d’autres hypothèses.

 

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.