Pas d’application du régime mère-fille aux dividendes versés par un « limited partnership » de droit écossais

Le TA de Paris juge qu’un fonds constitué sous la forme d’un « limited partnership » de droit écossais doit être assimilé à une société de Libre Partenariat (structure créée par la loi dite « Macron » du 6 août 2015). En conséquence, les dividendes reçus par ses associés n’ouvrent pas droit au régime mère-fille.

L’histoire

En 2017, une société française perçoit un dividende en provenance de la société Mezzanine Management Fund IV – un fonds constitué sous la forme d’un « limited partnership » de droit écossais.

Après avoir initialement considéré ce dividende comme intégralement soumis à l’impôt au taux standard et acquitté l’impôt correspondant, la société française a finalement formé une réclamation en 2019, en demandant à bénéficier du régime mère-fille au titre de ce dividende.

Le litige s’est alors cristallisé autour du point de savoir à quel type de structure française le fonds étranger devait être assimilé, afin de déterminer si la distribution pouvait ou non bénéficier du régime mère-fille.

La décision du TA de Paris

Reprenant le considérant de principe dégagé par le Conseil d’État dans sa décision « Artémis » (24 novembre 2014, n°363556, Sté Artémis, assimilation d’un « general partnership » constitué au Delaware à une société de personnes), le TA de Paris rappelle que, saisi d’un litige portant sur le traitement fiscal d’une opération impliquant une société de droit étranger, le juge de l’impôt doit identifier au regard de l’ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable, afin de déterminer le régime applicable à l’opération par la loi fiscale française (théorie dite « de l’assimilation »).

Au cas d’espèce, la société française arguait que le fonds étranger devait être assimilé à une société en commandite simple, pour laquelle la part du bénéfice correspondant aux droits des associés commanditaires est nécessairement soumise à l’IS au nom de la société elle-même (CGI, art. 206, 4).

Le TA de Paris, après avoir examiné les statuts du fonds écossais (traduction française réalisée par des experts à l’appui), confirme l’analyse retenue par la société requérante, en relevant notamment que :

  • Le fonds dispose de la personnalité morale ;
  • Les associés désignés comme « limited partners» (ou « associés commanditaires » dans la version traduite en français), dont fait partie la société requérante, ne sont responsables qu’à hauteur de leurs apports.

En revanche, il pousse l’analyse un cran plus loin, et juge que si le fonds étranger doit bel et bien être assimilé à une société en commandite simple, il doit, dès lors qu’il exerce une activité de fonds d’investissement, plus précisément être regardé, au sein de cette catégorie, comme une société de Libre Partenariat.

Rappelons que la société de Libre Partenariat, instaurée par la loi du 6 août 2015, dite « Loi Macron », désigne un fonds professionnel spécialisé prenant la forme juridique d’une société en commandite simple (l’idée étant de permettre la création en France de fonds d’investissements équivalents aux limited partnerships américaines ou britanniques).

En application des dispositions de l’article 1655 sexies A du CGI, ces sociétés de Libre Partenariat sont assimilées, pour l’imposition de leurs bénéfices et celle de leurs associés, à un fonds professionnel de capital investissement constitué sous la forme d’un fonds commun de placement. Or, les distributions réalisées par les fonds communs de placement sont imposables entre les mains des porteurs des parts en application de l’article 137 bis du CGI.

Après avoir relevé qu’aucune des stipulations de la convention franco-britannique ne s’opposait à l’imposition en France du dividende litigieux, le TA de Paris écarte dès lors toute application du régime mère-fille.

  • Voir TA Paris, 9 juin 2022, n°2010825/2-3, Sté Invest Conseils
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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.