Pas d’obligation pour l’administration fiscale de communiquer les documents obtenus auprès de tiers aux seules fins d’écarter l’application d’une doctrine administrative (LPF, art. L. 76 B)

La CAA de Paris juge que l’Administration n’est pas tenue de communiquer au contribuable les documents obtenus auprès de tiers qu’elle a utilisés pour écarter l’application d’une doctrine administrative, dès lors qu’elle ne s’est pas fondée dessus pour établir une imposition (LPF, art. L. 76 B).

Rappel

En cas de recours à des documents obtenus auprès de tiers, en application de l’article L. 76 B du LPF, l’Administration est tenue :

  • d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus auprès de tiers, sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition ;
  • de communiquer, sur demande du contribuable avant la mise en recouvrement des impositions, les documents qu’elle a ainsi invoqués (BOI-CF-PGR-30-10-20191030 n°200).

Ces 2 obligations sont distinctes mais liées.

Le non-respect par l’Administration de l’une ou l’autre des garanties prévues par l’article L. 76 B du LPF, qui sont attachées au respect des droits de la défense dans le cadre des opérations de contrôle, constitue une erreur substantielle qui entache la procédure d’irrégularité et entraîne la décharge des impositions fondées sur l’utilisation de ces renseignements et documents (BOI-CF-PGR-30-10-20191030 n°210).

L’histoire

Au cours de l’année 2013, des contribuables ont cédé les titres qu’ils détenaient dans deux sociétés. Lors du dépôt de leur déclaration de revenus, ils ont sollicité l’application de l’abattement pour durée de détention prévu par l’article 150-0 D ter du CGI aux plus-values de cession de titres réalisées à cette occasion.

A l’issue d’un contrôle sur pièce, l’Administration a remis en cause l’application de cet abattement au motif que les contribuables ne respectaient pas l’intégralité des conditions prévues par l’article 150-0 D ter du CGI. En l’espèce les contribuables n’avaient pas fait valoir leurs droits à la retraite dans les 24 mois suivant ou précédant les cessions de titres en cause.

Par la suite, les contribuables ont revendiqué l’application de la doctrine administrative (BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-40-20120912, paragraphe 270) qui prévoit que les dispositions de l’article 150-0 D ter du CGI peuvent s’appliquer, sous certaines conditions, aux gains nets de cession de titres ou droits de sociétés réalisés par les actionnaires ou associés co-fondateurs, quand bien même un seul des cédants co-fondateurs remplit l’ensemble des conditions prévues par cet article – dès lors qu’un associé cofondateur remplissait effectivement les conditions de l’article 150-0 D ter du CGI.

Se fondant sur des actes obtenus auprès de l’INPI, concernant la création et l’administration des sociétés objet des cessions, l’administration fiscale a remis en cause la qualité de co-fondateur des cédants et a écarté, dans sa réponse aux observations du contribuable, l’application du paragraphe 270 du BOFiP précité.

La décision

Devant la CAA de Paris, les requérants soutiennent que l’Administration a méconnu les dispositions de l’article L. 76 B du LPF en ne leur communiquant pas, malgré leur demande, les documents obtenus de tiers lui ayant permis de déterminer qu’un des associés ayant procédé aux cessions de titres en 2013 n’était pas un associé fondateur des sociétés dont les titres ont été cédés.

La CAA de Paris juge que l’Administration est uniquement tenue, sur le fondement des dispositions de l’article L. 76 B du LPF de communiquer au contribuable, qui en fait la demande, les éléments qu’elle a obtenus de tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition et non les documents qu’elle a utilisés pour écarter l’application d’un BOFiP invoqué par ce dernier.

Cette décision vient compléter une jurisprudence bien établie du Conseil d’Etat selon laquelle l’Administration n’est pas tenue d’informer le contribuable de l’origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers dans l’exercice de son droit de communication qu’elle a opposé en cours d’instance pour écarter l’invocation d’une doctrine administrative par ce dernier (CE, 1 décembre 2004, n°250344, Sté France Telecom Transpac).

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]