Par 4 décisions en date du 29 décembre 2020, le Conseil d’État juge que le transfert de propriété, qui détermine la date de la plus-value immobilière imposable, et a fortiori le point de départ du délai à prendre en considération au titre des abattements pour durée de détention, est réputé avoir lieu à compter de la signature de la promesse synallagmatique (ou le cas échéant à la date de levée de ses conditions suspensives). Les stipulations d’un acte authentique ultérieur sont alors insusceptibles de remettre en cause la date de ce transfert de propriété.
Pour la détermination du montant imposable à l’IR, les plus-values réalisées par les particuliers lors de la cession de biens ou droits immobiliers sont réduites chaque année d’un abattement pour durée de détentions de ces biens/droits au-delà de la 5e année (CGI, art. 150 VC, I). Cet abattement est actuellement de 6 % par année de détention au-delà de la 5e et de 4 % au titre de la 22e année – soit une exonération d’IR acquise au-delà d’un délai de détention de 22 ans.
Soulignons que le montant de cet abattement pour durée de détention diffère de celui applicable aux prélèvements sociaux (art. L 136-7, VI-2 du Code de la sécurité sociale : 1,65 % pour chaque année de détention au-delà de la 5e et 1,60 % pour la 22e année de détention ; 9 % pour chaque année au-delà de la 2e – soit au total une exonération de prélèvements sociaux acquise au-delà d’un délai de détention de 30 ans). Pour la computation de l’abattement, la durée de détention est décomptée selon les modalités prévues pour l’IR (CGI, art. 150 VC, I, 1° à 3°).
En l’absence de dispositions spécifiques prévues par le CGI, l’Administration considère, dans ses commentaires au BOFiP, que le point de départ du délai de détention pour les acquisitions à titre onéreux est la date de l’acte constatant l’opération d’achat (BOI-RFPI-PVI-20-20-24/08/2018, n°40).
L’histoire
Dans ces affaires, une SCI a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2010 et 2011. À l’issue de celle-ci, l’Administration a remis en cause la plus-value immobilière réalisée par la SCI lors de la cession de terrains intervenue le 23 novembre 2011.
Alors que la SCI estimait être devenue propriétaire des terrains cédés dès la date de la signature des promesses synallagmatiques de vente avec le précédent propriétaire (en octobre 1998 et mars 1999) et a donc appliqué à la plus-value immobilière l’abattement pour durée de détention prévue à l’article 150 VC du CGI. De son côté, l’administration fiscale a considéré que la SCI n’était devenue propriétaire des terrains qu’ultérieurement, soit au moment de la signature de l’acte authentique de vente avec le précédent propriétaire (le 23 novembre 2011), elle-même antérieure de quelques heures seulement à la signature de l’acte authentique de cession du terrain par la SCI (soit le 23 novembre 2011 également).
L’Administration a dès lors remis en cause l’abattement pour durée de détention appliqué par la SCI à la plus-value immobilière dégagée lors de la cession des terrains le 23 novembre 2011.
La décision
Le Conseil d’État casse l’arrêt de la CAA qui s’était rangée du côté de l’Administration.
Il s’appuie en ce sens sur les fondements propres au droit civil, selon lesquels une promesse synallagmatique de vente sans condition suspensive révèle le consentement réciproque des parties sur la chose et le prix et emporte donc vente (C. civ. art. 1583 et 1589).
Ainsi, il juge que le transfert de propriété, qui détermine la date de réalisation de la plus-value immobilière imposable et a fortiori le point de départ du délai de détention de l’immeuble, est réputé intervenir au moment de la signature de la promesse synallagmatique de vente. Ce transfert de propriété ne peut, en tout état de cause, être remis en cause par les stipulations de l’acte authentique de vente signé ultérieurement.
À l’inverse, le Conseil d’État précise dans l’hypothèse d’une promesse synallagmatique de vente accompagnée de conditions suspensives, que le transfert de propriété est réputé intervenir non pas à la date de signature de la promesse, mais à la date à laquelle les conditions suspensives qu’elle fixe sont levées (voir en ce sens CE 11 avril 1973 n°81154, BOI-RFPI-PVI-20-20-24/08/2018, n°40).
On notera que le Conseil d’État retient ici la définition civiliste de la notion de vente parfaite (consentement réciproque des parties sur la chose et le prix, C. civ. art. 1583). S’il a fréquemment recours à cette approche dictée par le droit civil dans le contexte de cession de titres (voir notamment CE, 25 octobre 2017, n°392663 ; CE, 11 décembre 2008, n°296429, Gonnord, 12 mars 2014, n°3500443 ; CE 28 novembre 2011 n°327512, Blain), il nous semble bienvenu que le Conseil d’État se prononce également sur ce point en matière de plus-value immobilière.