Le Conseil d’État juge que la réponse du supérieur hiérarchique du vérificateur ou de l’interlocuteur départemental, dont la saisine est garantie par la Charte du contribuable vérifié, n’a ni pour objet ni pour effet de modifier la base légale des rectifications envisagées par le vérificateur.
Rappel
Lorsque l’Administration envisage de modifier les bases d’imposition d’un contribuable, elle doit lui adresser une proposition de rectification. Le contribuable dispose alors d’un délai de 30 jours (pouvant être étendu de 30 jours supplémentaires) pour lui faire parvenir son acceptation ou ses observations. L’administration fiscale est ensuite tenue de répondre aux observations du contribuable, et le cas échéant, de motiver les raisons qui justifient le rejet de ces observations, sans être encadrée par un délai (LPF, art. L. 11, art. L. 57, art. R.57-1).
Si, à l’issue de ces échanges, le vérificateur maintient, totalement ou partiellement, les rectifications envisagées, le contribuable peut solliciter des discussions supplémentaires auprès de l’inspecteur divisionnaire ou principal. Si des divergences importantes subsistent, le contribuable peut faire appel à l’interlocuteur (départemental ou régional) spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur.
Cette possibilité offerte au contribuable de saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur, puis l’interlocuteur, en cas de persistance d’un désaccord sur le bien-fondé des rectifications envisagées est une garantie (substantielle) inscrite dans la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié, opposable à l’Administration en application de l’article L. 10 du LPF.
L’affaire
Une société a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle l’Administration a remis en cause la déductibilité de la totalité de la TVA supportée, considérant que cette dernière était hors du champ d’application de la taxe en application des articles 256 et 256 A du CGI.
En appel, la CAA de Lyon a toutefois jugé que la procédure d’imposition avait été irrégulière, dès lors que le fondement légal des rectifications envisagées initialement par l’administration fiscale, dans sa proposition de rectification, avait été modifié au stade des réponses du supérieur hiérarchique du vérificateur/de l’interlocuteur interrégional (qui se basait sur l’article 271 du CGI), sans que l’Administration ne notifie à la société une nouvelle proposition de rectification lui ouvrant un nouveau délai de 30 jours pour faire valoir ses observations.
La décision
Devant le Conseil d’État, le contentieux s’est cristallisé autour de la question de savoir si l’intervention du supérieur hiérarchique du vérificateur / de l’interlocuteur départemental pouvait effectivement modifier le fondement juridique d’un redressement.
Dans un premier temps, le Conseil d’État rappelle que lorsque l’Administration modifie la base légale des rectifications qu’elle envisage, à la suite d’une 1re proposition de rectification et avant mise en recouvrement, elle doit à peine d’irrégularité de la procédure d’imposition, en informer le contribuable par la notification d’une nouvelle proposition de rectification (voir en ce sens CE, 30 décembre 2009, n°297274, Sté Haussmann Promo Ile-de-France ; CE, 8 novembre 2010, n°307520, Sté Saur) – de manière à lui permettre de formuler ses observations complémentaires ou de faire connaître son acceptation dans un nouveau délai de 30 jours.
Il juge néanmoins que la réponse écrite fournie au contribuable vérifié par le supérieur hiérarchique du vérificateur ou par l’interlocuteur interrégional n’a, quant à elle, pas pour objet ni pour effet de modifier la base légale figurant dans la proposition de rectification.
En effet, si la Charte du contribuable vérifié lui garantit le droit de saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur puis l’interlocuteur départemental, en cas de divergences persistantes, elle ne lui garantit pas le droit de « poursuivre avec ces derniers un dialogue contradictoire de même nature que celui qui s’est achevé avec la notification de la réponse aux observations du contribuable ».
Il casse donc en ce sens l’arrêt de la CAA de Lyon et lui renvoie l’affaire.
Notons que le rapporteur public, dans ses conclusions sous la décision, relève ainsi que :
« […] la possibilité de solliciter un échange avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, puis l’interlocuteur départemental, fonctionnaire de « rang plus élevé », s’apparente à une forme de recours hiérarchique. Valider l’arrêt [de la CAA de Lyon], dans son principe, irait un peu plus loin dans cette voie, en permettant que la réponse de l’un ou de l’autre puisse se substituer à la proposition de rectification. » […]
« La jurisprudence nous semble pour l’instant dessiner un dispositif où, en parallèle des étapes procédurales très précisément prévues et encadrées par les dispositions du LPF, est ouverte au contribuable la possibilité d’un dialogue moins formel avec des interlocuteurs autres que le vérificateur lui-même, qui a comme objectif premier d’expliquer, autrement et dans un autre cadre, le redressement proposé par le vérificateur, dans une logique de prévention du contentieux. »