Présidentielle 2017 : retour sur les propositions des candidats en matière de recherche et d’innovation

Alors que la campagne présidentielle s’est peu intéressée aux questions de recherche et d’innovation, il est utile de faire un point factuel sur les différentes propositions des candidats en la matière.

Les Etats en Europe comme dans le reste du monde sont engagés dans une concurrence vive pour attirer les entreprises innovantes. Chacun met en avant ses atouts comme dans un défilé : position géographique favorable, vaste marché intérieur, infrastructures de qualité ou dynamisme économique. Plus précisément, de nombreux Etats, dont la France, mettent en place des dispositifs d’incitation à la recherche, outils indispensables pour attirer les centres de recherche. Ainsi, les propositions des candidats sont vitales pour le futur du pays.

Si certains candidats souhaitent adapter le poids et le calibrage de certains dispositifs, la grande majorité d’entre eux reconnaissent que la recherche, aussi bien publique que privée, s’inscrit dans le temps long et que les politiques publiques l’encadrant doivent être stables.

Il faut à ce titre saluer le consensus politique qui a émergé sur le sujet ces dix dernières années et qui a permis la stabilisation et la sanctuarisation des dispositifs en faveur de la Recherche & Développement (R&D) qui a conduit à la production de résultats remarquables aussi bien en termes de rapprochement public/privé, d’emplois scientifiques crées et de haut niveau de technicité des produits industriels français, véritable clef de voûte des exportations.

Quelle est la vision stratégique des candidats ?

Quelque peu écartées des débats et des programmes, les questions liées à la recherche et à l’innovation n’ont pas été complètement oubliées par les candidats.

Tandis que François Fillon parle de « renouer avec l’excellence de la recherche française » et de rapprocher prise de décision publique et innovation et qu’Emmanuel Macron déclare croire  » à la recherche partenariale » sur la base du public-privé, Nicolas Dupont-Aignan souhaite lui l’émergence d’un « Etat stratège ».

Les autres candidats ne sont pas en reste : Marine Le Pen qui partage l’idée d’un Etat plus impliqué dans la recherche souhaite « faire de la France une terre d’innovation » et Jean-Luc Mélenchon tout comme Benoît Hamon veulent réinvestir massivement dans le secteur. Le candidat socialiste se distingue notamment par son souhait de soutenir une section « Economie et société » au Conseil National des Université afin de former des économistes capables d’imaginer des politiques ouvrant le secteur de la recherche et l’économie « sur le monde ».

Quels sont les objectifs de dépenses que se fixent les candidats pour la R&D publique et privée ?  

Dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, les pays membres de l’Union européenne avaient convenu en 2000 de parvenir au chiffre de 3 % du PIB consacré à la R&D en 2010, objectif renouvelé pour 2020. La France qui n’y consacre aujourd’hui que 2,24 % de son PIB est encore loin d’avoir atteint cet objectif et nous nous retrouvons en retard par rapport à certains de nos voisins. En effet, l’Allemagne et l’Autriche ont un niveau de dépense se rapproche de 2,8 % du PIB tandis que le Danemark, la Finlande et la Suède ont déjà atteint l’objectif de Lisbonne.

Les candidats sont conscients qu’un effort doit être réalisé. Emmanuel Macron, Nicolas Dupont-Aignan, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon annoncent vouloir atteindre les 3 % de Lisbonne à la fin de leur quinquennat alors que Marine Le Pen et François Fillon visent un niveau de dépense équivalent à 2,5 % du PIB.

Quelles sont les mesures prévues pour favoriser la recherche privée ?

Afin qu’il soit efficace, le soutien à la recherche privée doit être adapté à la réalité des filières industrielles et à leurs besoins stratégiques, tout en étant contrôlé de manière rigoureuse par l’administration.

Le Crédit d’impôt recherche (CIR), outil puissant qui soutient les entreprises en pointe de la compétition mondiale, le développement de l’emploi scientifique privé et l’attraction des entreprises étrangères en France ne fait pourtant pas l’unanimité (cf tableau ci–après).
 

   CIRProgramme/déclarationsCIIJEI
M. Le PenMaintien sur
TPE/PME
Faire de la France une terre d’innovation : recentrer le Crédit Impôt Recherche vers les PME et les startips, diriger une part de l’assurance-vie (2 %) vers le capital-risque et les startups et inciter les grands groupes à créer leur propre fonds dans les entreprises innovantes??
F. FillonMaintienUne stabilité garantie de la politique sur le Crédit Impôt Recherche assortie de la mise en place d’un mécanisme qui permettra à ce CIR de profiter aux laboratoires et non aux seules entreprises??
E. MacronMaintien

Objectif : 3 % du PIB à la recherche

E. Macron croit « beaucoup à la recherche partenariale » public-privé et souhaite « soutenir le développement d’entreprises de taille intermédiaire, entre PME et grands groupes, qui innovent et qui sont capables de tirer l’ensemble de la recherche ».

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B. Hamon? ??
J-L. MélenchonSuppression

Abandon du Crédit Impôt Recherche (CIR) remplacé par un conditionnement des prêts de la BPI aux PME et/ou des subventions sur projet avec droit de regard.

Suppression de l’Agence nationale de la recherche (ANR), et versement des fonds qui lui sont alloués aux organismes de recherche

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Tous les candidats ne souhaitent pas revenir sur le dispositif, loin de là. François Fillon et Nicolas Dupont-Aignan souhaitent d’ailleurs renforcer le CIR, Emmanuel Macron veut le « sanctuariser » et Benoît Hamon a rappelé qu’il était très efficace en matière de création d’emplois et d’innovation. Pourtant, malgré une efficacité reconnue, Marine Le Pen affirme vouloir recentrer le CIR sur les PME et les startups alors que Jean-Luc Mélenchon envisage tout simplement de l’abandonner et de le remplacer par un conditionnement des prêts de la Banque Publique d’Investissement aux PME et/ou des subventions avec droit de regard.

Alors que Donald Trump a annoncé pendant sa campagne qu’il souhaitait abaisser de 20 points l’imposition sur les sociétés et que la Chine accroît d’année en année ses dépenses en R&D, le CIR  a un rôle croissant à jouer dans l’attractivité du territoire français et devrait faire l’objet d’un consensus transpartisan.

Quelles sont les mesures proposées par les candidats pour encourager l’innovation ?

Afin d’encourager le développement de l’innovation, François Fillon envisage de simplifier les mécanismes de valorisation de la recherche complétée par un encouragement de l’entreprenariat alors que Marine Le Pen souhaite inciter les grands groupes à créer leur propre fonds dans les entreprises innovantes. Cette dernière propose par ailleurs une vision protectionniste de l’innovation et souhaite la « fixer » en France en empêchant en cas de subvention publique que la société soit cédée à une société étrangère pendant une période de dix ans. Ambitieux, Emmanuel Macron envisage la création d’un Fonds pour l’industrie et l’innovation chargé de « financer l’industrie du futur » et doté de 10 milliards d’euros issus des actions d’entreprises possédées de manière minoritaire par l’Etat.

En matière de formation on peut également évoquer le fait que François Fillon souhaite encourager le doctorat comme marqueur de la qualité scientifique et permettre aux docteurs l’accès aux plus éminentes responsabilités non seulement dans le secteur privé mais également dans l’administration. Il souhaite également donner aux chercheurs la possibilité de passer des contrats de travail adaptés aux contraintes et spécificités temporelles de la recherche. Au-delà, il recommande davantage d’évaluation a posteriori de projets plutôt que de multiples contrôles en amont. Emmanuel Macron de son côté souhaite faire bénéficier aux spécialistes étrangers de formalités d’accueil accélérées.

Les termes « recherche » et « innovation » n’ont été employés que trop rarement par les candidats lors de cette campagne. Si certains candidats ont réalisé des propositions concrètes, on peut notamment regretter que les sujets liés au prolongement ou au renforcement des mesures spécifiques aux startups n’aient pas été traité en profondeur dans les programmes.

Détail des propositions des principaux candidats

Nous avons compilé ci-après les propositions précises des principaux candidats (au 6 mars 2017) par ordre alphabétique :

Nicolas Dupont-Aignan

Nicolas Dupont-Aignan a l’objectif de « Faire de la France le paradis des chercheurs » :
 

« Mieux rémunérer les chercheurs et les doctorants pour éviter la fuite des cerveaux »

« Bâtir un Etat stratège qui ciblera les technologies les plus cruciales des 30 prochaines années »

« Franchir le seuil des 3 % de ratio de dépenses en R&D/PIB dès 2019 »

« Préserver et étoffer le dispositif existant du crédit d’impôt recherche (CIR) »

« Accompagner les futurs ingénieurs et chercheurs pour breveter et valoriser leurs découvertes »

François Fillon

François Fillon expose un long (3 pages) projet en matière de recherche. Quelques extraits :
 

Encourager le doctorat comme marqueur de la très haute qualité scientifique et permettre aux docteurs l’accès aux plus éminentes responsabilités non seulement dans le secteur privé mais encore dans l’administration.
 

Augmenter le financement de l’enseignement supérieur. Cela passe par l’augmentation de la part de l’Etat, le soutien du secteur privé mais aussi des ressources propres des universités. « La vérité des coûts et des prix » doit guider les établissements qui doivent désormais avoir la liberté de fixer les frais de scolarité applicables aux étudiants préparant les diplômes nationaux de master et de doctorat, dans le cadre d’une fourchette négociée avec l’Etat.
 

Redonner la priorité à la créativité et aux équipes. Financer leurs projets les plus innovants, en redonnant d’importants moyens à l’agence nationale de la recherche (ANR), en l’encourageant à donner la primeur à la prise de risque et à l’originalité dans tous les domaines de la science ; donner une nouvelle impulsion aux investissements d’avenir et au soutien dans la durée des projets d’excellence.
 

Donner aux chercheurs la possibilité de passer des contrats de travail qui correspondent aux contraintes et spécificités temporelles de la recherche et, au-delà, faciliter leur vie en simplifiant les procédures qui les concernent : davantage d’évaluation a posteriori de projets, plutôt que de multiples contrôles en amont.
 

Favoriser l’innovation : la poursuite de la simplification des mécanismes de valorisation sera complétée par un encouragement de l’entreprenariat, une stabilité garantie de la politique sur le crédit Impôt-Recherche assortie de la mise en place d’un mécanisme qui permettra à ce CIR de profiter aux laboratoires et non aux seules entreprises.
 

Renouer avec l’excellence de la recherche française : c’est aussi lui donner une véritable place dans la société, et vouloir inscrire cette dimension et les innovations qui en découlent au cœur de la décision publique.

Benoît Hamon

Le programme de Benoit Hamon ne propose ni objectif ni mesure générale, mais mentionne une mesure particulière pour l’économie :
 

« Je soutiendrai la création d’une nouvelle section « Economie et société » au Conseil National des Universités. A l’opposé de la « bien-pensance économique » qui nous a mené dans le mur avec la crise des subprimes, nous avons besoin d’économistes capables d’imaginer des politiques diverses, d’éclairer le débat public en ouvrant l’économie sur le monde et sur ses liens avec les autres sciences sociales. C’est avant tout un enjeu démocratique. »

Marine Le Pen

Marine Le Pen souhaite « faire de la France une terre d’innovation ». Pour cela :
 

« Recentrer le Crédit Impôt Recherche vers les PME et les startups »

« Diriger une part de l’assurance-vie (2 %) vers le capital-risque et les startups »

« Inciter les grands groupes à créer leur propre fonds dans les entreprises innovantes »,

« Fixer l’innovation en France en empêchant en cas de subvention publique que la  société soit cédée à une société étrangère pendant dix ans. »

« Promouvoir les secteurs stratégiques de la recherche et de l’innovation, en augmentant la déductibilité fiscale des dons ».

« Augmenter de 30 % le budget public de la recherche (pour le porter à 1 % du PIB). »

Emmanuel Macron

Le programme d’Emmanuel Macron rappelle dans ses déclarations Le candidat croit « beaucoup à la recherche partenariale » public-privé et souhaite « soutenir le développement d’entreprises de taille intermédiaire, entre PME et grands groupes, qui innovent et qui sont capables de tirer l’ensemble de la recherche ». Dans son programme :
 

« Nous ferons de la France le leader mondial de la recherche sur la transition environnementale. 

« Les spécialistes étrangers bénéficieront de formalités d’accueil accélérées. »

« Nous créerons un Fonds pour l’industrie et l’innovation, doté de 10 milliards d’euros issus des actions d’entreprises possédées de manière minoritaire par l’État , il servira à financer l’industrie du futur. »

Jean-Luc Mélenchon

Jean-Luc Mélenchon propose :
 

« L’abandon du Crédit Impôt Recherche (CIR) remplacé par un conditionnement des prêts de la BPI aux PME et/ou des subventions sur projet avec droit de regard »

« La suppression de l’Agence nationale de la recherche (ANR), et versement des fonds qui lui sont alloués aux organismes de recherche ».

La mention du prolongement ou renforcement des mesures spécifiques aux startups, comme le statut JEI, aurait aussi été la bienvenue dans ces programmes.

Lucille Chabanel

Lucille intervient depuis plus de 14 ans au sein du département Fiscalité des Entreprises. Rattachée à la ligne de services R&D depuis 2006, elle a développé une forte expertise dans […]