Proposition de directive DAC 8 : accord politique du Conseil ECOFIN

Le 16 mai 2023, le Conseil de l’UE a annoncé être parvenu à un accord sur la proposition de directive « DAC 8 ».

Contexte

Pour rappel, cette 8e révision de la Directive relative à la coopération administrative (DAC 8), vise à inclure les cryptoactifs et la e-monnaie dans le champ de l’échange d’informations entre États membres.

A titre liminaire, il convient de noter que la proposition de directive est adossée au projet de règlement européen sur les marchés de cryptoactifs (MiCA) – tout récemment adopté par le Conseil de l’UE, pour une entrée en vigueur en 2024. Elle est en effet alignée sur les définitions figurant dans le règlement MiCA et s’appuie sur l’obligation d’agrément qu’il a introduite.

Elle est également cohérente par rapport au cadre de déclaration des cryptoactifs de l’OCDE (cadre international pour l’échange d’informations en matière de cryptoactifs, publié le 10 octobre 2022). D’ailleurs, les propos liminaires du texte invitent les Etats membres à s’y référer lors de la mise en œuvre de la directive dans leur droit interne (source d’illustration et d’interprétation).

Notons que le texte a aussi pour objectif d’encadrer l’échange de décisions fiscales anticipées (rescrits) en matière transfrontière concernant des personnes physiques. Il tire également les conséquences de la décision rendue par la CJUE le 8 décembre 2022 (décision C-694/20 – directive DAC 6 et secret professionnel de l’avocat).

Echange automatique obligatoire d’informations communiquées par les « prestataires de services sur cryptoactifs »

Champ d’application

Qui doit déclarer ?

Seraient concernés, en 1er lieu, par l’obligation de déclaration, les « prestataires de services sur cryptoactifs », c’est-à-dire les personnes fournissant des services sur cryptoactifs à titre professionnel, ayant leur siège dans un Etat membre de l’UE, et ayant obtenu l’agrément spécifique prévu dans le cadre du règlement MiCA.

On notera que la notion de « services sur cryptoactifs » est vaste, puisqu’elle englobe les services suivants :

  • La conservation et l’administration de cryptoactifs pour le compte de tiers
  • L’exploitation d’une plateforme de négociation de cryptoactifs 
  • L’échange de cryptoactifs contre de la monnaie officielle ayant cours légal 
  • L’échange de cryptoactifs contre d’autres cryptoactifs 
  • L’exécution d’ordres sur cryptoactifs pour le compte de tiers 
  • Le placement de cryptoactifs 
  • La réception et la transmission d’ordres sur cryptoactifs pour le compte de tiers 
  • La fourniture de conseils en cryptoactifs

Seraient également concernés, de manière résiduelle, les « opérateurs de cryptoactifs », c’est-à-dire, en pratique, les prestataires de services sur cryptoactifs qui ne remplissent pas les conditions pour obtenir l’agrément prévu par le règlement MiCA.

Ces « opérateurs de cryptoactifs » seraient tenus à l’obligation déclarative, qu’ils soient ou non situés dans l’UE, dès lors qu’ils ont des utilisateurs dans l’UE. Il leur faudra alors s’enregistrer dans le pays membre de l’UE de leur choix.

Quelles sont les opérations déclarables ?

Devraient être déclarées toutes les transactions portant sur des cryptoactifs au sens du règlement MiCA.

Le règlement MiCA retient une définition très large de la notion de cryptoactif, puisqu’est considérée comme un cryptoactif toute « représentation numérique d’une valeur ou de droits pouvant être transférée et stockée de manière électronique, au moyen de la technologie des registres distribués ou d’une technologie similaire », à l’exception notable des monnaies digitales de banques centrales et de la monnaie électronique. Il est précisé dans les propos introductifs de la directive que les cryptoactifs émis de manière décentralisée ainsi que les « stablecoins », y compris les jetons de monnaie électronique et certains jetons non fongibles (NFT), sont inclus dans son champ d’application.

Les transactions déclarables sont les échanges (cryptoactif contre cryptoactif ou conversion d’un cryptoactif contre de la monnaie officielle), ainsi que les transferts de cryptoactifs.

Il importe peu que ces transactions interviennent entre des personnes physiques ou des personnes morales – des exceptions sont toutefois prévues, notamment en faveur des transactions effectuées par certaines institutions financières, les sociétés cotées, les prestataires de services sur cryptoactifs eux-mêmes, les banques centrales, les organisations internationales ou encore les entités gouvernementales.

Teneur de la déclaration

Le prestataire de services sur cryptoactifs ou l’opérateur de cryptoactifs devrait notamment déclarer les éléments suivants :

  • Nom, adresse, Etat membre de résidence, numéro d’identification fiscale, date et lieu de naissance s’il s’agit d’une personne physique (dans le cas d’une personne morale, des éléments d’informations complémentaires pourraient être demandés en cas de contrôle par une personne devant elle-même faire l’objet d’une déclaration) 
  • Nom, adresse, numéro d’identification fiscale et « Global Legal Entity Identifier» de l’entité déclarante 
  • Des informations, présentées sous format agrégé, par nature de cryptoactif ayant fait l’objet de transactions au titre de l’année civile (nombre de transactions, valeur de la transaction – calculée selon des modalités différentes selon qu’il s’agit d’un échange, d’une conversion ou d’une vente)

Modalités de déclaration

Ces informations devraient être communiquées annuellement par le prestataire de services sur cryptoactifs ou l’opérateur de cryptoactifs, dans l’année calendaire suivant celle au titre de laquelle les transactions déclarables ont été effectuées, soit auprès de l’Etat membre dans lequel il est agréé (cas du « prestataire de services sur cryptoactifs » au sens du règlement MiCA) soit auprès de l’Etat membre dans lequel il s’est enregistré aux fins d’application de la règlementation DAC 8 (cas de l’opérateur sur cryptoactifs non agréé).

Ces informations feraient ensuite l’objet d’un échange automatique entre Etats membres.

Sous conditions, ces informations pourraient également être communiquées aux autorités fiscales d’un Etat tiers.

Sanctions

Les Etats membres disposeraient d’une marge de manœuvre pour fixer les sanctions applicables en cas de non-respect de l’obligation de déclaration.

Celles-ci devraient, en tout état de cause, présenter un caractère effectif, proportionné et dissuasif. Le texte est dans ce cadre très similaire à celui retenu dans la Directive DAC6.

On notera que, contrairement au projet de texte initialement présenté par la Commission européenne, le texte de compromis ne comporte pas de pénalités minimales.

Entrée en vigueur

Les Etats membres devront la transposer au plus tard le 31 décembre 2025, pour une 1re application à compter du 1er janvier 2026 (en pratique, donc, les 1res déclarations devront intervenir à compter de 2027).

Echange de décisions fiscales anticipées (rescrits) en matière transfrontière concernant des personnes physiques

La directive DAC 8 prévoit par ailleurs d’étendre l’échange automatique d’informations aux décisions fiscales anticipées (rescrits) en matière transfrontière, relatives à des personnes physiques, lorsque le montant de la transaction (ou série de transactions) qui fait l’objet du rescrit est supérieur à 1,5 m€, lorsque le montant de la transaction est explicitement indiqué dans le rescrit.

Les rescrits dont l’objet est de déterminer si une personne physique est ou non résidente de l’EM qui émet le rescrit entrent également dans le champ de la directive DAC 8.

En revanche, l’échange d’informations sur les décisions fiscales anticipées en matière transfrontière, relatives à des personnes physiques, n’inclut pas les rescrits rendus en matière de retenue à la source sur salaires, jetons de présence versés à des administrateurs, ou pensions perçues par des non-résidents.

Il convient de relever que seuls les rescrits rendus, modifiés ou renouvelés après le 1er janvier 2026 sont concernés par l’échange automatique d’informations.

Directive DAC 6 et secret professionnel 

Pour mémoire, la CJUE a récemment jugé que l’obligation pesant sur un avocat non délié de son secret professionnel par son client, de notifier sans retard à tout autre intermédiaire les obligations déclaratives qui lui incombent, en application de la directive DAC 6, était contraire au droit de l’UE (8 décembre 2022, décision C-694/20).

Tirant les conséquences de cette décision, le projet de directive DAC 8 précise dorénavant que les intermédiaires non déliés de leur secret professionnel et donc dispensés de leur obligation déclarative seraient uniquement tenus de notifier à leurs clients l’étendue de leur obligation déclarative en application de la directive DAC 6.

Prochaine étape

La proposition de directive DAC 8 est soumise à la procédure dite de consultation. En application de cette procédure, le projet de texte ne peut être définitivement adopté qu’après consultation du Parlement européen (avis consultatif seulement) et accord du Conseil de l’UE.

Si le Conseil de l’UE est parvenu à un accord sur le projet de directive DAC 8 à l’issue du Conseil ECOFIN du 16 mai dernier, l’avis du Parlement européen se fait encore attendre (le Parlement pourrait émettre son avis lors de la séance plénière prévue le 10 juillet 2023).

La directive entrera en vigueur le 20e jour suivant sa publication au JOUE.

Photo de Alice de Massiac
Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

Photo de Clara Maignan
Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.