RAS sur avantages occultes mises à la charge d’une société étrangère déficitaire à l’issue d’un redressement sur le terrain de l’article 57

La CAA de Paris conclut à l’absence de contrariété à la liberté de circulation des capitaux.

L’histoire

Une société française – exerçant une activité de fabrication de composants pour les véhicules électriques et hybrides – a conclu, en 2011, avec sa filiale canadienne, une convention de compte-courant, stipulant expressément que les sommes mises à disposition de la filiale canadienne dans ce cadre ne seraient pas productives d’intérêts.

Conformément à cette convention, la société française a consenti à sa filiale canadienne des avances, n’ayant pas fait l’objet d’une rémunération, au titre des exercices 2012 à 2014.

A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’Administration a considéré que l’absence de rémunération perçue par la société française au titre des avances consenties caractérisait un transfert indirect de bénéfices au sens de l’article 57 du CGI, constitutif d’un avantage occulte au sens de l’article 111, c, du CGI, passible de la RAS prévue à l’article 119 bis (30 % à l’époque, 25 % aujourd’hui).

La décision de la CAA de Paris

Sur l’existence d’un transfert indirect de bénéfices au sens de l’article 57

On sait que l’Administration bénéficie d’une présomption de l’existence d’un transfert indirect de bénéfices par une société assujettie à l’IS en France vers l’étranger à condition qu’elle ait établi, d’une part, l’existence de liens de contrôle ou de dépendance entre cette société et des entreprises situées hors de France, et, d’autre part, l’octroi d’avantages consentis par cette société à ces entreprises (CGI, art. 57).

Ces avantages peuvent notamment prendre la forme de majorations ou de minoration du prix de vente, mais également d’avantages « par nature », c’est-à-dire des « cas d’avantage qui, par nature, déclenchent le jeu de la présomption de transfert indirect de bénéfices, sans qu’il soit besoin de procéder à une quelconque forme de comparaison avec des opérations réalisées par des entreprises comparables exploitées normalement » (analyse du rapporteur public Romain Victor dans ses conclusions sous CE, 19 septembre 2018, n°405779, Sté Philips France).

La société peut toutefois renverser la présomption de transfert indirect de bénéfices hors de France si elle est en mesure d’établir l’existence d’une contrepartie justifiant l’octroi de l’avantage litigieux.

Au cas d’espèce, ni l’existence de liens de dépendance, ni l’existence d’un avantage, ne faisaient sérieusement débat.

La société française tentait de faire valoir que cet avantage était justifié par la situation de dépendance industrielle et technologique vis-à-vis de sa filiale canadienne, qui était son unique fournisseur de batteries en lithium, sans lesquelles elle n’aurait pu respecter ses engagements contractuels auprès de ses propres clients.

La CAA écarte l’argument (il existait d’autres fournisseurs sur le marché, et la société canadienne n’était titulaire d’aucun brevet) et relève, par ailleurs, que la situation financière de la société française était plus dégradée que celle de sa filiale canadienne, laquelle avait, par le passé, pu rémunérer sans difficulté les avances qui lui avaient été consenties par son précédent actionnaire.

Elle conclut donc à l’absence de toute contrepartie pour la société française – et donc à l’existence d’un transfert indirect de bénéfices à l’étranger.

Sur la qualification d’avantage occulte

La société française tentait d’écarter la qualification de distributions occultes au sens de l’article 111, c, en indiquant que la renonciation à percevoir des intérêts avait été expressément stipulée par les parties dans la convention d’avances en compte-courant.

Or, on sait que l’inscription en comptabilité (ce qui n’était au demeurant pas le cas en l’espèce) ne suffit pas à écarter une telle qualification, si elle ne révèle pas, par elle-même, la libéralité (CE, 28 février 2001, n°199295, Thérond, CE, 7 septembre 2009, n°309786, Simon-Bigard).

La Cour confirme dès lors la qualification d’avantage occulte, susceptible d’être soumis à la retenue à la source de l’article 119 bis du CGI.

Sur la conformité des retenues à la source pratiquées à la liberté de circulation des capitaux (caractère déficitaire de la société canadienne)

En tout dernier lieu, la société française arguait que la retenue à la source ainsi prélevée (par application combinée des dispositions des articles 111, c et 119 bis du CGI) était contraire à la liberté de circulation des capitaux dans l’hypothèse où la société étrangère serait déficitaire.

Elle tentait ici d’obtenir l’extension de la portée de la jurisprudence Sofina, dans le cadre de laquelle la CJUE avait jugé, en 2018, que la RAS sur dividendes versés à une société non-résidente déficitaire était incompatible avec la liberté de circulation des capitaux (aff. C-575/17, 22 novembre 2018, Sociétés Sofina, Rebelco et Sidro SA – à l’issue de laquelle le législateur a introduit un mécanisme de restitution temporaire de RAS en faveur des non-résidents se trouvant en situation déficitaire, LF 2020 art. 42, article 235 quater du CGI).

La Cour refuse de procéder à une telle extension, et juge que les revenus de la société canadienne imposés en France (correspondant aux intérêts que la société française a renoncés à percevoir en sa faveur) ne peuvent être regardés comme des investissements effectués dans ce pays par le contribuable dans l’exercice de sa liberté de circulation des capitaux.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.