Régime des distributions au sein d’un groupe : publication de nouveaux commentaires au BOFiP

Dans une mise à jour datée du 26 juin 2024, l’Administration amende – à la marge, pour l’essentiel – ses commentaires au BOFiP pour tenir compte des aménagements issus de la loi de finances pour 2024, ainsi que des décisions « Axa » et « QBE Insurance Europe Limited », rendues par le Conseil d’État, respectivement, le 5 juillet 2022 et le 20 juin 2023.

Hors intégration Fiscale – Aménagement du régime des distributions provenant de filiales européennes (LF 2024, art. 52)

La loi de finances pour 2024 est venue mettre en conformité le régime fiscal applicable aux dividendes reçus par une société non-membre d’une intégration fiscale par choix, d’une filiale européenne, aux fins de tirer les conséquences des décisions Manitou et SA Bricolage Investissement, rendues par la CJUE le 11 mai 2023 (aff. C-407/22 et C-408/22).

Dans le cadre de ces décisions, la CJUE avait jugé qu’était contraire à la liberté d’établissement la législation française en vigueur avant 2016 en ce qu’elle refusait le bénéfice de l’ancien mécanisme de neutralisation de la QPFC à une société mère, disposant en France de sociétés intégrables mais non intégrées par choix, à raison des dividendes qui lui sont distribués par ses filiales établies dans d’autres Etats membres satisfaisant aux critères d’éligibilité autres que la résidence.

Certes ces décisions concernaient le régime en vigueur avant 2016, mais leur transposition au régime pré-LF 2024 (substitution au mécanisme de neutralisation d’une QPFC au taux réduit de 1 % – versus 5 %) faisait toutefois peu de doute.

Extension du bénéfice de la QPFC de 1 % aux dividendes reçus par une société non-membre d’une intégration fiscale par choix d’une filiale européenne (BOI-IS-BASE-10-10-10-10, §1 ; BOI-IS-BASE-10-10-20, § 166 et s.)

Pour les exercices clos depuis le 31 décembre 2023, la QPFC au taux de 1 % s’applique désormais aux dividendes reçus par toute société française non intégrée (que cela résulte ou non d’un choix de sa part) de sa filiale européenne, pourvu qu’elle remplisse avec sa filiale européenne, depuis plus d’un exercice, les conditions pour appartenir à un groupe fiscalement intégré si cette société avait été établie en France (assujettissement à un impôt équivalent à l’IS français, conditions de détention satisfaites, coïncidence des dates d’ouverture et de clôture des exercices).

On rappellera, à cet égard, que le législateur s’est borné à tirer très strictement les conséquences des décisions Manitou et SA Bricolage Investissement, sans étendre le bénéfice de la QPFC de 1 % aux dividendes reçus par une société française non intégrée d’une filiale française qui remplirait elle-même les conditions pour former avec sa mère un groupe intégré – ce qui, à notre sens, est susceptible de soulever un sujet de discrimination à rebours (traitement plus favorable des dividendes versés par une société européenne que des dividendes versés par une société française).

L’Administration intègre ces aménagements au BOFiP, sans commentaire ou précision complémentaire. En particulier, elle ne se prononce pas sur la question d’une éventuelle discrimination à rebours découlant de l’exclusion du bénéfice de la QPFC à 1 % des distributions effectuées entre des sociétés françaises non intégrées, mais remplissant toutes les conditions pour être membres du même groupe d’intégration fiscale.

Extension du mécanisme de déduction de 99 % des produits de participation n’ouvrant pas droit au régime mère-fille reçus par une société non-membre d’une intégration fiscale (BOI-IS-BASE-10-15)

En cohérence, la loi de finances pour 2024 a également amendé – avec une application aux exercices clos depuis le 31 décembre 2023 – le mécanisme de déduction de 99 % des produits de participation n’ouvrant pas droit au régime mère-fille, pour permettre son application aux dividendes reçus :

  • Par toute société française non intégrée, que cela résulte ou non d’un choix, à raison d’une participation dans une filiale soumise à un impôt équivalent à l’IS dans un autre Etat de l’UE/EEE ;
  • Dès lors que ces sociétés remplissent, depuis plus d’un exercice, les conditions pour constituer un groupe (à l’exception de l’établissement de la société distributrice en France).

Là encore, l’Administration intègre ces aménagements à ses commentaires au BOFiP sans précision particulière. On soulignera qu’elle propose néanmoins 2 nouveaux exemples chiffrés (§ 60 et § 70).

Intégration Fiscale – Bénéfice de la QPFC à 1 % conditionné à la détention depuis plus d’un exercice de la distributrice (BOI-IS-BASE-10-10-20 ; BOI-IS-BASE-10-15 ; BOI-IS-GPE-20-20-20-10).

Le législateur s’est également saisi de l’occasion pour rétablir la condition d’appartenance au groupe fiscal de la société distributrice depuis plus d’un exercice pour bénéficier de la QPFC au taux de 1 %.

Ainsi, pour les exercices clos depuis le 31 décembre 2023, pour bénéficier de la QPFC au taux de 1 %, il faut donc que la société distributrice appartienne au groupe fiscal depuis plus d’un exercice (cas d’une société française intégrée) ou remplisse depuis plus d’un exercice les conditions d’appartenance au groupe (cas d’une société européenne).

L’Administration amende ses commentaires au BOFiP en cohérence.

Incorporation au BOFiP de récentes décisions du Conseil d’État

QPFC sur dividendes : Précisions sur les modalités d’imputation des crédits d’impôts étrangers (BOI-IS-BASE-10-10-20, § 100)

Le Conseil d’État a annulé, au cours de l’été 2022, la partie du BOFIP mentionnant que la QPFC de 5 % sur les dividendes ouvrant droit au régime mère-fille « fixe un mode de calcul pour la réintégration des charges afférentes à des produits qui ne sont pas imposés et ne peut s’analyser comme conduisant à l’imposition d’une partie des dividendes » (BOI-IS-BASE-10-10-20 § 100 ancien).

Il a ainsi posé un principe très clair : les dispositions de l’article 216 du CGI doivent être regardées non comme ayant pour seul objet de neutraliser la déduction, opérée au titre de frais généraux, des charges afférentes aux titres de participation dont les produits sont exonérés d’IS, mais comme visant à soumettre à l’IS, lorsque le montant des frais est inférieur à cette quote-part forfaitaire, une fraction des produits de participation bénéficiant du régime des sociétés mères (CE, 5 juillet 2022, n°463021, Axa).

Puis, en avril 2023 (CE, 7 avril 2023, n°462709, sté A. Raymond et Cie), il est venu préciser que, lorsque le montant des frais réellement exposés pour l’acquisition ou la conservation des dividendes est inférieur à la QPFC de 5 %, l’impôt français dans la limite duquel est imputé le CI étranger correspondant à la RAS sur les dividendes est égal au produit du taux de l’impôt français et de la différence entre la quote-part forfaitaire et le montant des frais réellement exposés (i.e., taux de l’impôt français*[QPFC – frais réellement exposés]).

L’Administration reprend, sans davantage de précisions, les considérants de principe dégagés par le Conseil d’État dans ces 2 décisions. On regrettera qu’elle n’apporte pas plus d’éléments, notamment s’agissant des modalités de détermination et de justification des « frais réellement exposés ».

Sur l’éligibilité au régime mère-fille des dividendes alloués à une succursale et non-inscrits à son bilan (BOI-IS-BASE-10-10-10-10, § 90)

Enfin, l’administration fiscale vient tirer les conséquences de la décision société « QBE Insurance Europe Limited » (CE, 20 juin 2023, n°456719), dans le cadre de laquelle le Conseil d’État a jugé qu’une société étrangère peut bénéficier du régime fiscal des sociétés mères, dès lors qu’elle respecte les conditions de ce régime à son niveau, à raison des dividendes de filiales étrangères alloués à sa succursale française alors même que les titres n’auraient pas été inscrits au « bilan fiscal » de ladite succursale française.

L’Administration amende ses commentaires au BOFiP en conséquence, et supprime donc la condition tenant à ce que les titres de participation figurent à l’actif du « bilan fiscal » de la succursale française de la société étrangère.

En revanche, elle prend le soin de préciser que, pour l’application du régime mère-fille dans cette hypothèse, il faudra que les sommes allouées présentent effectivement le caractère d’un produit de participation, et qu’elles ne constituent pas un réemploi des ressources de la société non-résidente, ou le paiement d’un service rendu par la succursale.

De plus, elle semble introduire une forme de réserve quant à la portée de cette solution, en se référant expressément aux conclusions du rapport public sous la décision « QBE Insurance Europe Limited », pour souligner « qu’en raison de la règlementation spécifique applicable au secteur des assurances, la société non-résidente avait pu, dans les circonstances de cette décision du Conseil d’État, allouer directement à sa succursale française les dividendes correspondant à des titres de participation ne figurant pas au bilan fiscal de cette succursale, et que ces sommes avaient, dans la situation examinée, conservé le caractère de dividendes ».    

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.