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Renforcement du contrôle des prix de transfert des entreprises multinationales (LF 2024) : publication de commentaires au BOFiP

L’Administration a publié au BOFiP, le 10 décembre 2025, ses commentaires relatifs aux mesures issues de la LF 2024, visant à renforcer les modalités de contrôle des prix de transfert.

Eléments de contexte

La LF 2024 est venue mettre en musique une partie des mesures annoncées dans le plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques, dévoilé par le Gouvernement en mai 2023.

Dans ce cadre, la LF 2024 a (i) élargi le champ d’application de l’obligation de tenue d’une documentation prix de transfert, en renforçant les sanctions encourues et la portée de cette obligation et (ii) étendu le délai de reprise dont dispose l’Administration pour les transferts d’actifs incorporels difficiles à évaluer.

Les commentaires au BOFiP

On notera que l’Administration se borne, pour l’essentiel, à intégrer dans ses commentaires au BOFiP les dispositions issues de la LF 2024, sans précisions particulières.

Baisse du seuil au-delà duquel les groupes sont tenus de présenter une documentation de leur politique de prix de transfert (BOI-IS-BASE-80-10-40, 10 décembre 2025)

Pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2024, sont tenues de préparer, en application des dispositions de l’article L.13 AA du LPF, les sociétés établies en France :

  • Dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes ou l’actif brut figurant au bilan est supérieur ou égal à 150 m€ (versus 400 m€ avant l’intervention de la LF 2024) ;
  • Ou qui détiennent à la clôture de l’exercice, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital ou des droits de vote d’une entité juridique dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes ou l’actif brut figurant au bilan est supérieur ou égal à 150 m€ ;
  • Ou qui sont détenues dans les mêmes conditions par une telle entité ;
  • Ou qui appartiennent à un groupe intégré comprenant au moins une entité satisfaisant à l’une des 3 conditions susmentionnées.

Les établissements stables français des sociétés étrangères sont également visés, dans les mêmes conditions.

Renforcement des sanctions en l’absence de communication de la documentation prix de transfert (BOI-CF-INF-20-10-40, 10 décembre 2025)

Pour mémoire, si l’entreprise vérifiée ne produit pas la documentation prix de transfert prévue aux articles L. 13 AA et L. 13 AB du LPF, ou produit une documentation partielle dans le délai de 30 jours suivant la réception de la mise en demeure, elle est passible, pour chacun des exercices couverts par la vérification, d’une amende minimale de 50 k€ (10 k€ avant l’intervention de la LF 2024), qui peut être portée au plus élevé des 2 montants suivants, selon la gravité des manquements (CGI, art. 1735) :

  • 0,5 % du montant des transactions concernées par les documents ou compléments qui n’ont pas été mis à la disposition de l’Administration après mise en demeure ;
  • 5 % des rectifications du résultat fondées sur l’article 57 du CGI, appréciées à l’issue du contrôle et afférentes aux transactions concernées par les documents ou compléments qui n’ont pas été mis à la disposition de l’Administration après mise en demeure.

L’Administration confirme l’application de ce relèvement de l’amende minimale à compter du 1er janvier 2024.

Opposabilité de la documentation prix de transfert (BOI-BIC-BASE-80-20, § 365)

Dans l’hypothèse où la méthode de détermination des prix de transfert d’une entreprise s’écarte de celle mise à la disposition de l’Administration en application des dispositions des articles L. 13 AA et L. 13 AB du LPF (obligation de présentation d’une documentation prix de transfert en cas de contrôle pesant sur les plus grandes entreprises), l’écart constaté entre le résultat et le montant qu’il aurait atteint si cette documentation avait été respectée est désormais réputé constituer un transfert indirect de bénéfices à l’étranger au sens de l’article 57 du CGI.

Autrement dit, l’Administration se trouvera dispensée d’établir l’existence d’un avantage anormal.

Il s’agit toutefois d’une présomption simple, que la société pourra combattre en apportant la preuve que les prix qu’elle pratique ne traduisent pas un transfert par voie de majoration ou de diminution ou par tout autre moyen.

L’Administration précise que, lorsqu’il ne sera pas démontré que les avantages accordés à l’entreprise étrangère résultant de l’écart entre la méthode de détermination des prix de transfert pratiquée et la documentation mise à disposition de l’administration ont reçu une juste contrepartie, cet écart sera directement rapporté au résultat accusé par la comptabilité de l’entreprise française (§ 390).

Cette mesure s’applique aux exercices ouverts depuis le 1er janvier 2024.

Extension du délai de reprise dont dispose l’Administration pour les transferts d’actifs incorporels difficiles à évaluer (BOI-BIC-BASE-80-10-10, 10 décembre 2025, § 232 et suivants)

Pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2024, l’Administration dispose de la faculté de redresser la valeur retenue dans le cadre d’un transfert d’un actif ou d’un droit incorporel difficile à évaluer (‘HTVI’) sur la base de résultats postérieurs à l’exercice au cours duquel a eu lieu la transaction (CGI, art. 238 bis-0 I ter).

Son droit de reprise pourra s’exercer jusqu’à la fin de la 6e année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.

Notons que la notion d’actif incorporel difficile à évaluer est définie par renvoi à la législation DAC 6 sur le marqueur E.2 (CGI, art. 1649 AH, II, E, 2°), qui vise les transferts entre entreprises associées d’actifs incorporels pour lesquels, au moment de leur transfert, il n’existe pas d’éléments de comparaison fiables et où, au moment où l’opération a été conclue, les projections concernant les futurs flux de trésorerie ou revenus attendus de l’actif incorporel transféré, ou les hypothèses utilisées pour évaluer cet actif incorporel sont hautement incertaines, de sorte qu’il est difficile de prévoir dans quelle mesure l’actif incorporel débouchera finalement sur un succès au moment du transfert.

Dans ses commentaires au BOFiP sur le marqueur E.2, l’Administration fait expressément référence aux Principes OCDE en matière de prix de transfert (§ 6.189 du 4 du chapitre VI des Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales, BOI-CF-CPF-30-40-30-20, 10 décembre 2025, § 420).

L’Administration ne sera toutefois pas en droit de remettre en cause la valeur retenue dans les différentes hypothèses suivantes :

  • Le contribuable, d’une part, fournit des informations détaillées sur les prévisions utilisées, au moment du transfert, pour déterminer les prix, notamment les modalités de prise en compte des risques et des événements raisonnablement prévisibles ainsi que leur probabilité de réalisation et, d’autre part, établit que la différence significative entre ces prévisions et les résultats réels est due soit à la survenance d’événements imprévisibles lors de la détermination du prix, soit à la réalisation d’événements prévisibles à condition que leur probabilité d’occurrence n’ait pas été sous-estimée ou surestimée de manière significative au moment de la transaction ;
  • Le transfert en cause est couvert par un accord préalable en matière de prix bilatéral ou multilatéral, en vigueur pour la période concernée, entre les Etats du cessionnaire et du cédant ;
  • L’écart entre la valorisation résultant des prévisions établies au moment de la transaction et celle constatée au vu des résultats réels est inférieur à 20 % ;
  • Une durée de commercialisation de 5 ans s’est écoulée après l’année au cours de laquelle l’actif ou droit a produit pour la 1re fois des revenus provenant d’une entité non liée au concessionnaire et, durant cette période, l’écart entre les prévisions établies au moment de la transaction et les résultats réels est inférieur à 20 %.

Par ailleurs, une nouvelle exception à la garantie de non-renouvellement de la vérification de comptabilité prévue à l’article L. 51 du LPF est prévue en la matière.

Ces mesures s’appliquent aux exercices ouverts depuis le 1er janvier 2024.

L’avis de praticien : Aymeric Nouaille-Degorce

La mise à jour du BOFIP était nécessaire afin d’adapter la doctrine administrative à de nombreuses dispositions légales qui pouvaient trouver leur application dès le 1er janvier 2024. Une partie des changement législatifs étaient simples : changement de seuil (passage de 400 m€ à 150 m€ pour le seuil documentaire) ou de pénalité (pénalité documentaire minimale qui passe de 10 000 euros à 50 000 euros). En revanche la notion d’incorporels difficiles à évaluer ou les cas de mise en œuvre de l’opposabilité de la documentation sont susceptibles de faire l’objet de questions d’interprétation. A défaut d’exemple ou de commentaire, force est de constater que la mise à jour du BOFIP n’apporte pas d’élément supplémentaire permettant de mieux apprécier la façon dont l’Administration se saisira de ces nouvelles dispositions.

  • Aymeric Nouaille-Degorce

    Aymeric Nouaille-Degorce, Avocat Associé, exerce au sein de l’équipe Prix de Transfert. Il a plus de 25 ans d’expérience en…

  • Photo de Clara Maignan

    Clara Maignan

    Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique…