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Report déficitaire et identité d’entreprise

La CAA de Nancy juge qu’une société qui cède 2 branches d’activité, entraînant la diminution de plus de 50 %, tant de son chiffre d’affaires, que de son effectif salarié et de ses éléments d’actif immobilisé, ne saurait faire échec à la qualification de changement d’activité réelle, au seul motif qu’elle conserverait une activité résiduelle à l’issue de ces opérations.

Rappel

Le changement de l’objet social ou de l’activité réelle d’une société emporte cessation d’entreprise ce qui entraîne, notamment, une imposition immédiate de ses bénéfices d’exploitation non encore taxés et une perte du droit au report de ses déficits antérieurs à la cessation d’entreprise (CGI, art. 221, 5).

Un changement d’activité réelle peut notamment résulter de l’abandon ou du transfert, même partiel, d’une activité, dès lors que cette opération entraîne une diminution de plus de 50 % soit du chiffre d’affaires, soit de l’effectif moyen du personnel et du montant brut de l’actif immobilisé, par rapport à l’exercice précédant celui de l’abandon ou du transfert (CGI, art. 221, 5, b).

Un tel abandon ou transfert peut, en pratique, découler d’opérations telles que des scissions, des apports partiels d’actifs, la filialisation d’activités opérationnelles ou encore la cession ou la cessation d’une ou plusieurs activités.

L’Administration précise toutefois qu’une simple diminution du volume d’activité ne suffit pas à caractériser un changement d’activité, dès lors que les activités de la société continuent d’être exercées et qu’aucun abandon ou transfert identifiable ne peut être constaté (BOI-IS-CESS-10, 2 août 2017, n°340).

Par dérogation, lorsque les opérations d’abandon ou de transfert d’activité sont indispensables à la poursuite de l’activité à l’origine des déficits et à la pérennité des emplois, la cessation d’entreprise peut être évitée moyennant l’obtention d’un agrément ministériel préalable.

L’histoire

Une société exerçant une activité d’agence immobilière depuis 1994 a, en 2015, cédé à 2 sociétés tierces, respectivement, le fonds de commerce de gestion, location et administration de biens rattachés à plusieurs de ses établissements, et le fonds de commerce de transactions immobilières rattaché à ces mêmes établissements.

A la suite de ces opérations, elle n’a conservé que des activités de transactions immobilières et de gestion locative de bâtiments commerciaux.

A l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2015 à 2017, l’Administration a considéré que ces 2 cessions devaient être regardées comme ayant entraîné un changement d’activité réelle de la société, générant la perte du droit au report des déficits constatés avant ces opérations.

Elle se fondait sur les éléments (objectifs) suivants :

  • Baisse du CA de près de 82 % entre 2014 et 2015 ;
  • Baisse de l’effectif moyen du personnel de 96 % sur la même période – et de 100 % en 2016 ;
  • Diminution de l’actif immobilisé de 99,64 % sur la même période de référence.

La décision de la CAA de Nancy

Devant la Cour, la société tentait de s’opposer à la qualification de changement d’activité réelle, en arguant qu’elle avait conservé, à la suite des deux cessions, son activité de transactions immobilières, de sorte que les diminutions de chiffre d’affaires, d’effectif salarié, et des éléments d’actif immobilisé, ne s’inscrivaient que dans le cadre d’une simple réduction du volume d’activité, due à des difficultés économiques.

Elle considérait qu’elle pouvait continuer à imputer ses déficits, lesquels provenaient, selon elle, exclusivement de l’activité conservée.

La CAA de Nancy ne souscrit toutefois pas à cette analyse et juge que :

  • Il ressort de la baisse (très significative), du chiffre d’affaires, de l’effectif salarié et des éléments d’actif immobilisé, que les cessions litigieuses ont entraîné l’abandon de 2 branches d’activité exercées, et non pas une simple réduction de leurs volumes, alors même que les clauses contractuelles souscrites ne lui interdisaient pas de reprendre des activités identiques ;
  • L’appréciation du changement d’activité réelle doit s’effectuer globalement au niveau de l’entreprise, alors même que plusieurs branches d’activité ont été abandonnées ou transférées totalement ou partiellement (reprise de la précision doctrinale figurant au BOI-IS-CESS-10, 2 août 2017, n°350) ;
  • La société n’a pas sollicité l’agrément prévu à l’article 221, 5, c, 2°.

Elle conclut au changement d’activité réelle et à l’impossibilité pour la société de solliciter le report de ses déficits constatés préalablement aux opérations de cession.

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    Alice de Massiac

    Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à…

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    Clara Maignan

    Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique…