Le contribuable non-résident en mesure de justifier de démarches restées infructueuses pour obtenir l’identité de l’établissement payeur peut toutefois assurer la recevabilité de sa réclamation en produisant des éléments permettant à l’Administration d’identifier celui-ci.
A peine d’irrecevabilité, une réclamation portant sur une imposition n’ayant pas donné lieu à l’établissement d’un rôle ou d’un avis d’imposition, telle une retenue à la source sur distribution, doit être accompagnée d’une pièce justifiant du montant de la retenue ou du versement (LPF, art. R. 197-3, d).
Faute de précision quant à la nature des pièces en question, le Conseil d’Etat juge de manière constante que le contribuable non-résident qui conteste la retenue à la source prélevée en application de l’article 119 bis, 2 du CGI sur les distributions effectuées par une société française peut produire toutes pièces permettant d’établir la date à laquelle a été opérée la retenue et l’identité de l’établissement payeur (CE, avis, 23 mai 2011, n° 344678, Sté Santander Asset Management et CE, 15 juin 2016, n° 381196, Sté Frères Bourgeois).
Lorsque le contribuable non-résident se trouve dans l’impossibilité de fournir ces informations mais peut justifier que ses demandes auprès du teneur de compte et de l’émetteur sont restées infructueuses, le Conseil d’Etat vient de juger que sa réclamation pourra néanmoins être recevable. Il lui faudra alors fournir un extrait de compte ou tout document équivalent émanant de l’établissement teneur de compte permettant l’identification suffisamment précise des titres en cause (notamment leur numéro international d’identification, la date de leur inscription en compte, la date de versement, le montant des revenus nets et bruts). Ces éléments vont alors permettre à l’Administration d’identifier l’établissement payeur, notamment par le biais de l’usage de son droit de communication auprès du débiteur des revenus (ou de ses intermédiaires successifs en France).
Il n’en ira toutefois différemment que dans l’hypothèse où l’établissement ayant produit l’extrait de compte ou le document équivalent n’est pas situé dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscales.
Le Conseil d’Etat explique de façon didactique cette solution fondée sur le fait que les établissements payeurs mentionnés à l’article 1672 du CGI sont tenus de recueillir des renseignements relatifs à l’identité des bénéficiaires des revenus en question. Dès lors, l’Administration dispose – sous réserve de connaître l’identité de l’établissement payeur – des moyens de contrôler le montant et le reversement effectif de la retenue à la source attachée aux revenus versés à un bénéficiaire non-résident. Il précise expressément que la preuve du reversement de la retenue à la source ne saurait peser sur ce dernier.
Avis du praticien – Hélène Alston
Une décision qui vient contraster la pratique de la DINR (Direction des Impôts des Non-Résidents). En effet, dans le cadre du contentieux Santander ou demandes équivalentes (conventionnelles, etc.), il est d’usage que soit exigée la preuve documentée de l’intégralité de la chaine de paiements (certificats de dividendes ou équivalents, y compris de l’agent payeur français). Cette décision vient alléger les obligations documentaires des réclamants. Reste à voir comment sera appréciée « l’impossibilité » de se procurer les informations requises et si la pratique de l’Administration permettra de s’affranchir de produire les documents de l’agent payeur.