Sommes versées en exécution d’une clause de garantie de passif : qualification et traitement fiscal chez le cédant

La CAA de Paris confirme que les sommes versées par la société cédante en exécution d’une clause de garantie de passif constituent, pour elle, une charge déductible.

Rappel

Les clauses de garantie de passif permettent, en cas de cession de parts ou d’actions, de prémunir l’acquéreur contre l’apparition, postérieurement à la cession, d’un événement dont la cause est antérieure à la cession et qui se traduirait par un accroissement du passif ou une diminution de l’actif (ce qui pourrait être le cas d’un redressement fiscal).

Lorsque le risque se réalise et en fonction des termes du contrat, l’indemnisation peut être versée soit à l’acquéreur des titres, soit à la société dont les titres ont fait l’objet de la transaction.

L’histoire

Le 1er juillet 2014, une société a cédé les titres de plusieurs filiales.

Cette cession s’est accompagnée de la signature d’une convention de garantie, aux termes de laquelle la société cédante a octroyé une garantie spécifique au titre de certaines créances, détenues par une des sociétés cédées, non encore réglées au jour de la cession, si ces dernières s’avéraient irrévocablement irrécouvrables en l’absence de paiement 6 mois après la cession.

Les créances n’ayant pas été payées à l’échéance convenue, la cédante a versé, en application de la garantie spécifique, les sommes correspondantes à la société cessionnaire et a déduit la charge correspondante de son résultat imposable.

A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’Administration a remis en cause cette déduction, estimant que les sommes en question devaient s’analyser comme des frais inhérents à la cession des titres, venant en déduction du prix de cession servant à la détermination du montant de la plus-value imposable.

La décision de la CAA de Paris

La CAA de Paris écarte la qualification retenue par l’Administration et juge, au contraire, que les sommes litigieuses devaient bien être regardées comme versées en exécution d’une garantie de passif.

Elle relève, à cet égard que :

  • L’Administration n’établissait pas que les créances de la société cédée couvertes par la garantie auraient dû être regardées comme irrécouvrables à la date de la signature de la convention ;
  • En raison de cet aléa, les sommes litigieuses ne pouvaient pas, en tout état de cause, être regardées comme des frais inhérents à la cession des titres.

La Cour précise, de plus, que dès lors que les sommes litigieuses avaient été versées en application d’une convention de garantie – et alors même que cette convention conditionnait l’opération de cession des titres – elles n’étaient pas assimilables à une révision du prix de cession des titres.

Elle en conclut que ces sommes constituaient bien une charge déductible pour la cédante.

Cette solution est en ligne avec de précédentes décisions des juges du fond ayant conclu à la déduction, chez la société cédante, des sommes versées en exécution d’une clause de garantie de passif (CAA Paris, 10 juin 1993, n°91-973 et CAA Douai, 31 juillet 2012, n°11DA00407).

S’agissant du régime applicable du côté du cessionnaire, le Conseil d’État a posé de longue date le principe selon lequel les sommes reçues en exécution d’une clause de garantie de passif sont imposables dans les conditions de droit commun (CE, 24 avril 1981, n°18346).

L’Administration a, toutefois, récemment précisé que l’imposition d’un tel versement pouvait être écartée, s’il est effectué au profit de la société cédée pour compenser une charge non déductible – telle qu’un redressement d’IS (RM Romain Grau, JOAN, 9 février 2021, question n°28652).

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.