Traitement fiscal de la prime d’option

Le Conseil d’État infirme la position retenue par les juges du fond dans l’affaire Sté Deutsche Bank AG, selon laquelle la prime d’option est intégralement déductible au titre de l’exercice au cours duquel elle a été versée.

Eléments de contexte

Pour mémoire, un contrat d’option confère, à l’acheteur de l’option, moyennant le versement d’une prime, la faculté d’acheter ou de vendre, au vendeur de l’option, une quantité déterminée d’un sous-jacent à un prix d’exercice convenu à l’avance, au terme d’une date (ou période) déterminée.

Fiscalement, l’article 38, 6-3° du CGI limite la déduction des pertes constatées sur des instruments financiers, lorsque l’entreprise a pris des positions symétriques, c’est-à-dire des positions dont la valeur ou le rendement varie de manière inverse et corrélée.

En pareille hypothèse, la perte latente sur une position n’est déductible des résultats imposables que pour la partie qui excède les gains non encore imposés sur la ou les positions prises en sens inverse (cette possibilité de déduction étant subordonnée à la condition que les positions symétriques aient été déclarées chaque année par l’entreprise dans le cadre de la déclaration des positions symétriques – pour mémoire, depuis la LF 2021, cette déclaration n’a plus à être transmise avec la liasse fiscale de l’entreprise mais doit être tenue à disposition pour être présentée à l’Administration dans le cadre des contrôles fiscaux).

L’histoire

Une société française a été créée en vue d’exercer une activité d’arbitrage sur des actions françaises. Dans ce cadre, elle détient des actions et leurs dérivés (options de vente de ces mêmes actions), caractérisant des positions symétriques.

Au titre de l’exercice 2010, elle a constaté, d’une part, des gains latents sur ses dérivés actions, et, d’autre part, des pertes latentes d’un montant supérieur, sur les actions constituant le sous-jacent des options.

Pour déterminer le montant de ces pertes latentes, la société a tenu compte au titre des gains latents, des primes payées au titre des contrats d’option.

L’Administration a remis en cause la prise en compte de ces primes et a rejeté la déduction des pertes latentes à hauteur du montant de ces primes au titre de l’exercice 2010.

Le contentieux a été porté, une première fois, devant le Conseil d’État, qui, à cette occasion, a pris position de manière inédite sur les modalités d’application des dispositions de l’article 38, 6 du CGI aux contrats financiers optionnels.

Il a jugé que le montant des gains non encore imposés au sens du 3° de l’article 38,6 du CGI doit s’entendre de la marge bénéficiaire qui résulterait de l’exercice de l’option et ne s’établit donc pas sous déduction de la prime versée au titre de l’option (CE, 19 décembre 2019, n°431066, Sté Deutsche Bank AG).

L’affaire a ensuite été renvoyée devant les juges du fond, à charge pour eux de se prononcer sur la question – non tranchée – de l’exercice de rattachement de la prime d’option.

La CAA de Versailles a alors jugé que la prime d’option était intégralement déductible au titre de l’exercice au cours duquel elle a été payée (CAA Versailles, 26 janvier 2021, n°19VE04194).

Elle considérait en effet que la prime d’option rémunère le seul engagement pris par le vendeur de l’option et que son montant, versé intégralement au cours de l’exercice où la promesse est accordée, n’est pas susceptible d’être révisé au cours du contrat, que l’option soit exercée ou non (en contradiction avec l’instruction administrative 4 A-4-88 du 20 avril 1988 n°40 et 41 reprise au BOFiP BOI-BIC-PDSTK-10-20-70-50, 12 septembre 2012, n°40 et 130).

Un nouveau pourvoi en cassation a été formé devant le Conseil d’État.

Décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État retient une analyse sensiblement différente de celle des juges du fond.

Il juge d’abord que la prime d’option a pour objet d’attribuer à l’acheteur le droit exclusif d’exercer l’option qui lui permettra d’obtenir l’avantage économique potentiel lié aux variations de la valeur de l’instrument financier sous-jacent.

La prime rémunère pour le vendeur du contrat d’option l’abandon irrévocable du même droit. Pour l’acheteur, cette prime a donc pour contrepartie l’acquisition du droit de bénéficier de cet avantage, qui a la nature d’un actif financier et ne saurait par conséquent constituer une charge déductible de l’exercice au cours duquel elle est acquittée.

Le Conseil d’État juge qu’en l’absence de règles comptables en disposant autrement (nb : en 2010, il n’existait pas de règles comptables contraignantes sur le traitement des primes d’option), cet actif peut, pour la fraction de sa valeur qui se déprécie de manière irréversible avec le temps, donner lieu à amortissement selon un mode linéaire ou actuariel. Il peut, le cas échéant, donner lieu à la constatation de provisions.

Il convient alors de distinguer plusieurs hypothèses :

  • Lorsque l’option est exercée : la valeur résiduelle de la prime constitue, dans le cas d’une option d’achat, un élément du prix d’acquisition de l’actif sous-jacent et vient, dans le cas d’une option de vente, en déduction du prix de cession.
  • En l’absence d’exercice de l’option à la date de son échéance : une perte peut être constatée à concurrence de cette valeur résiduelle.

Rappelons qu’entretemps, le droit comptable a été modifié à la suite de l’entrée en vigueur au 1er janvier 2017 du règlement ANC 2015-05 du 2 juillet 2015.

L’article 628-12 du PCG dispose désormais que les primes d’options prises en couverture peuvent être, au choix de l’entreprise, soit étalées dans le compte de résultat sur la période de couverture, soit constatées en résultat de manière symétrique à l’élément couvert, c’est-à-dire au même rythme que l’effet de la couverture.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.