Rappel
Pour mémoire, l’article 123 bis du CGI prévoit l’imposition des avoirs détenus à l’étranger par une personne physique fiscalement domiciliée en France, par l’intermédiaire d’une entité établie hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié et dont les actifs sont principalement financiers. Les bénéfices et les revenus positifs de cette entité sont réputés acquis par la personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu’elle détient dans cette entité et soumis à l’impôt sur le revenu sur une assiette majorée de 25 %.
Ce mécanisme anti-abus s’applique en cas de détention, directe ou indirecte, de 10 % dans l’entité étrangère. La détention de 10 % est présumée lorsque l’entité considérée est située dans un ETNC.
La LF 2022 est venue créer une nouvelle présomption de détention de 10 % pesant sur le constituant ou le bénéficiaire réputé constituant d’un trust au sens de l’article 792-0 bis du CGI.
Rappelons qu’il s’agit toutefois d’une présomption réfragable, pouvant être utilement combattue par le contribuable.
Les contribuables ne pourront cependant se prévaloir à cet effet du seul caractère « irrévocable » du trust et du pouvoir « discrétionnaire » de gestion de son administrateur (rédaction très inspirée d’une décision du Conseil constitutionnel, n°2017-679 QPC du 15 décembre 2017, s’agissant de l’ancienne présomption de propriété du constituant du trust pour l’ISF).
Les commentaires publiés au BOFiP
L’Administration se borne, pour l’essentiel, à reprendre le texte de l’article 123 bis, 4 ter a du CGI, et n’apporte malheureusement aucune précision sur la nature des éléments de preuve pouvant être considérés comme probants, et comme permettant de renverser la présomption (BOI-RPPM-RCM-10-20-20-10, § 215).
Par ailleurs, la loi ne précisait pas quelle était, dans ce cas, l’assiette imposable.
Comme l’on pouvait s’y attendre, les commentaires au BOFiP indiquent que la mise en œuvre de la présomption de détention minimale de 10 % autorise l’Administration à imposer la totalité des bénéfices ou revenus positifs du trust entre les mains du contribuable constituant ou bénéficiaire réputé constituant de ce trust.
L’intéressé dispose toutefois de la faculté d’établir, dans le cadre du débat oral et contradictoire, la proportion exacte des actions, parts ou droits qu’il détient dans l’entité – et sera dans ce cas imposé dans cette proportion (BOI-RPPM-RCM-10-30-20-20, § 385).
On observera qu’il s’agit ici de la transposition de la solution doctrinale existant déjà pour la présomption de détention minimale de 10 % applicable aux entités situées dans un ETNC (BOI-INT-DG-20-50-20, § 120).
Enfin, on relèvera que l’Administration s’est saisie de l’occasion pour actualiser ses commentaires relatifs à la notion de régime fiscal privilégié par référence à l’article 238 A du CGI (BOI-RPPM-RCM-10-30-20-10, § 290), et pour intégrer formellement à sa doctrine les clauses de sauvegarde dégagées par le Conseil constitutionnel pour l’application du régime de l’article 123 bis du CGI (BOI-RPPM-RCM-10-30-20-10, § 300).
L’avis du praticien
En pratique, nous pouvons nous réjouir que les commentaires de l’administration s’alignent avec les règles déjà applicables concernant la présomption que la condition de détention de 10% pour les entités localisées dans des ETNC soit satisfaite. Nous pouvons y voir un souci de simplification des régimes applicables.
Toutefois, en s’alignant de la sorte, l’Administration ajoute une difficulté pratique certaine aux contribuables, qu’ils soient constituants ou bénéficiaires réputés constituants d’un trust.
Afin de mieux cerner cette difficulté, il convient de rappeler la particularité du trust, et toute la question de leur personnalité morale. Les trusts sont des entités juridiques sans capital social. Les biens placés dans le trust sortent du patrimoine du constituant, pour être administrés par le trustee, avant qu’ils ne bénéficient ultimement aux bénéficiaires désignés dans la convention établissant le trust.
Or, si le contribuable ne peut se prévaloir ni du seul caractère révocable, ni du pouvoir discrétionnaire de gestion de l’administrateur, pour combattre utilement la présomption de détention de 10%, nous voyons difficilement de quelle autre preuve ou particularité inhérente au trust il pourrait se prévaloir.
En l’absence encore de jurisprudence sur ce point, il semblerait que le contribuable se retrouve face à devoir prouver l’impossible.