Abandon de créance avec clause de retour à meilleure fortune et TUP

Selon la CAA de Nantes, une société confondante peut déduire la charge découlant de la mise en œuvre d’une clause de retour à meilleure fortune qui lui a été transmise par la société confondue.

Rappel

Pour mémoire, les abandons de créance peuvent être assortis d’une clause de retour à meilleure fortune, laquelle prévoit que l’aide devra être remboursée en cas de retour à une meilleure santé financière du débiteur. Les conditions de remboursement peuvent dépendre de différents paramètres, qui doivent être précisés dans l’acte constatant l’octroi de l’abandon.

Lorsque le retour à meilleure fortune est caractérisé, il entraîne, pour le créancier, la constatation d’une créance certaine dans son principe et son montant, imposable au titre de l’exercice de cette constatation, à proportion des sommes déduites lors de l’exercice d’abandon.

Du côté du débiteur, le retour à meilleure fortune entraîne la constatation d’une charge déductible, dans la limite des sommes imposées lors de l’exercice d’abandon.

L’histoire

En 2010, une société a consenti à sa sous-filiale (détention indirecte à 100 %) un abandon de créance, en raison des difficultés financières que cette dernière traversait. Cet abandon de créance était assorti d’une clause de retour à meilleure fortune, laquelle ne pouvait être activée que dans des conditions bien spécifiques (retour à meilleure fortune dans un délai de 7 ans, par reconstitution des capitaux propres au 31 décembre de chaque année à hauteur de la capacité financière nécessaire à l’activité de transport et de sous-traitance, sans recours à une garantie bancaire notamment).

L’abandon avait été considéré comme déductible chez la société ayant constaté la charge et imposable chez la bénéficiaire.

En mai 2012, la sous-filiale a fait l’objet d’une transmission universelle de patrimoine au profit de sa société mère, laquelle a, en décembre, fait jouer la clause de retour à meilleure fortune et donc remboursé la société mère à l’origine de l’abandon de créance. Cette charge a été déduite fiscalement.

L’Administration a toutefois refusé cette déduction (incidences tant en matière d’IS que de CVAE), en se fondant notamment sur la théorie du prix d’acquisition.

La décision de la CAA de Nantes

Confirmation de l’application de la théorie du prix d’acquisition aux TUP

La théorie prétorienne du prix d’acquisition repose sur le principe selon lequel les charges et dettes nées chez la société absorbée ont nécessairement été prises en compte pour le calcul de la rémunération des apports, de sorte qu’elles sont analysées pour la société absorbante comme un élément du coût d’acquisition de l’actif net de la société absorbée. Dès lors, ayant déjà été déduites de la valeur d’acquisition de la société absorbée, elles ne peuvent être admises en déduction des résultats de la société absorbante (voir notamment CE, 25 septembre 2013, n°356382, Sté Oddo et Cie).

Si des juges de première instance avaient pu juger par le passé que la théorie du prix d’acquisition s’appliquait également aux confusions de patrimoine (TA Montreuil, 18 janvier 2018, n°1701374), cette décision a ensuite été infirmée par les juges d’appel (CAA Versailles, 6 octobre 2020, n°18VE00960).

La CAA de Nantes juge ici de manière claire que la théorie du prix d’acquisition a bien vocation à s’appliquer tant aux fusions qu’aux TUP.

Déduction de la charge découlant de la mise en œuvre de la clause retour à meilleure fortune

La Cour rappelle que le passif qui doit être regardé comme un élément du coût d’acquisition de l’actif reçu ne saurait comprendre que les dettes et charges qu’il était possible de connaître ou de prévoir lors de l’opération, compte tenu des diligences normales incombant à la société issue de la fusion ou bénéficiaire de l’apport.

Elle écarte donc l’application de cette théorie en l’espèce, dès lors que la dette litigieuse n’était ni connue, ni prévisible, à la date de l’opération de TUP (application des principes dégagés par le Conseil d’État dans sa décision du 9 janvier 1974, n°89157).

Elle relève, en outre, que la société confondue n’avait pas constitué de provision à ce titre et que la charge ne figurait que dans un engagement hors bilan.

La clause de retour à meilleure fortune ayant été transférée dans le patrimoine de la société confondante, celle-ci était en droit, lorsque les conditions financières du retour à meilleure fortune ont été remplies, de comptabiliser en charge les sommes résultant du remboursement de l’abandon de créance.

On observera que cette décision vient conforter une ancienne jurisprudence de la CAA de Paris (15 juin 2005, n°00PA01225, Sté Alphacan), ainsi que, partiellement, une décision plus récente de la CAA de Versailles (6 octobre 2020, n°18VE00960).

Rappelons également que les abandons de créance à caractère autre que commercial accordés au cours d’une exercice clos depuis le 4 juillet 2012 ne sont – sauf hypothèses limitées – plus déductibles pour la détermination de l’IS.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.