Abandon de créances assorti d’une clause de retour à meilleure fortune activée postérieurement à la TUP de la bénéficiaire de l’abandon : charge déductible chez la société confondante

Le Conseil d’État écarte la théorie du prix d’acquisition et juge que le remboursement, par la société confondante, d’un abandon de créance assorti d’une clause de retour à meilleure fortune dont avait bénéficié la société confondue, postérieurement à une opération de « TUP », constitue une charge déductible du résultat imposable de la société confondante.

Rappel

La théorie prétorienne du prix d’acquisition repose sur le principe selon lequel les charges et dettes nées chez la société absorbée ont nécessairement été prises en compte pour le calcul de la rémunération des apports, de sorte qu’elles sont analysées pour la société absorbante comme un élément du coût d’acquisition de l’actif net de la société absorbée.

Dès lors, ayant déjà été déduites de la valeur d’acquisition de la société absorbée, elles ne peuvent être admises en déduction des résultats de la société absorbante (voir notamment CE, 25 septembre 2013, n°356382, Sté Oddo et Cie).

Si des juges de 1re instance avaient pu juger par le passé que la théorie du prix d’acquisition s’appliquait également aux confusions de patrimoine (TA Montreuil, 18 janvier 2018, n°1701374), cette décision a ensuite été infirmée par les juges d’appel (CAA Versailles, 6 octobre 2020, n°18VE00960).

L’histoire

En 2011, une société française a acquis la totalité des titres d’une société britannique puis a procédé à sa dissolution par transmission universelle de patrimoine (« TUP »), placée sous le régime spécial des fusions prévu à l’article 210 A du CGI.

Antérieurement à cette opération de TUP, la société britannique a bénéficié d’un abandon de créances de sa société mère néerlandaise. Cet abandon de créance était assorti d’une clause de remboursement en cas de retour à meilleure fortune qui pouvait notamment être activée en cas de transfert de l’actif et du passif de la société britannique à une société autre que la société néerlandaise.

En application de cette clause, la société confondante française a donc procédé au remboursement de l’abandon de créance postérieurement à la TUP, et a déduit la charge correspondante de son résultat imposable.

L’administration fiscale a refusé la déduction de cette charge sur le fondement de la théorie jurisprudentielle du prix d’acquisition.

La décision

Le Conseil d’Etat confirme l’arrêt rendu par la CAA de Versailles reconnaissant la position de la société.

Il juge qu’en l’absence de rémunération versée par la société confondante en contrepartie de la transmission de l’actif net de la société confondue et en considération de l’objectif de neutralité fiscale du régime de faveur, les charges supportées par la société confondante postérieurement à la TUP sont déductibles, quand bien même ces charges correspondraient à des passifs latents de la société confondue. Il ajoute qu’est à cet égard sans incidence la circonstance que les titres de la société confondue ont été acquis par la société confondante en tenant compte, à la date de cette acquisition, de la valeur réelle de l’actif net de la société, y compris, le cas échéant, de ses engagements hors bilan.

Il confirme qu’il n’y avait pas lieu, pour apprécier le caractère déductible chez la société confondante des dettes et charges en lien avec l’activité de la société confondue, de tenir compte du prix d’acquisition des titres de la société confondue détenus par la société confondante.

Il précise de plus qu’à supposer même qu’il y ait lieu de tenir compte de ce prix d’acquisition, la société française était en droit de déduire la charge résultant de la mise en œuvre de la clause de retour à meilleure fortune dès lors :

  • d’une part, que cette charge n’était née que postérieurement à la TUP et,
  • d’autre part, qu’elle ne constituait pour la société qui avait bénéficié de l’abandon de créance qu’un simple engagement hors bilan n’ayant donné lieu ni à l’inscription d’une dette, ni à la constitution d’une provision.

Pour un raisonnement analogue voir notamment les décisions CAA, Nantes 7 janvier 2022, n°20NT02887, Sté Malherbe Transports (à propos d’une TUP) et CE, 30 décembre 2015, n°369215 (concernant une fusion).

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]