Absence de déductibilité de la provision pour charges de restructuration générée par un PSE

Qu’importe le commencement du PSE, la CAA de Paris rejette la déduction d’une provision pour restructuration contenant une condition suspensive non levée à la clôture de l’exercice.

Rappel

Sur le plan comptable

D’un point de vue comptable, s’agissant des restructurations subordonnées à la réalisation d’une opération financière telle qu’une cession d’activité, les coûts de restructuration constituent un passif s’il existe notamment un accord irrévocable engageant l’entreprise (PCG, art. 322-11).

L’avis CNC 2000-01 précise ainsi qu’en présence d’une condition suspensive à la vente (par exemple, l’obtention d’une autorisation des pouvoirs publics), l’accord n’est à considérer comme irrévocable que si la condition est levée au plus tard à la date d’arrêté des comptes (Avis CNC 2000-01 § 1.3.3).

Selon certains auteurs, une provision devrait toutefois pouvoir être constituée comptablement, même en l’absence de levée de la condition :

  • si les autres conditions sont réunies (existence d’un plan formalisé et connu des salariés concernés) ;
  • et si les faits et circonstances propres à l’opération permettent de démontrer que la condition suspensive est plutôt de nature formelle.

Sur le plan fiscal

D’un point de vue fiscal, le fait générateur d’une provision doit être intervenu à la date de clôture de l’exercice (CGI art. 39, 1°-5 ; CE 7 juin 2000 n°194663 ; BOI-BIC-PROV-20-10-40 12/09/2012 n°50).

De même, en ce qui concerne les restructurations subordonnées à la réalisation d’une condition suspensive, le fait générateur de la provision, qui est en principe constitué par la levée de la condition suspensive, doit intervenir avant la clôture de l’exercice et non avant la date d’arrêté des comptes (CE, 31 mai 2000, n°179552, Sté Total Raffinage Distribution).

  • Des cas de divergences fiscalo-comptables peuvent donc se produire en pratique et certaines provisions comptables peuvent ne pas être déductibles fiscalement (Ex : condition suspensive levée à la date d’arrêté des comptes, mais non à la date de clôture de l’exercice correspondant ou appréciation du caractère formel de la condition suspensive).

L’histoire

Un établissement financier projetant de céder une de ses filiales en charge d’une activité de courtage, entre en négociation avec un repreneur. Début décembre 2012, la cession de la filiale est conclue avec le repreneur sous condition suspensive de l’obtention de l’accord des autorités de tutelle françaises et anglaises.

Dans le cadre de ce projet de cession, des restructurations étaient nécessaires pour ajuster la société cible au contexte du repreneur justifiant qu’à la clôture de l’exercice 2012 la société cible comptabilise des provisions couvrant les charges anticipées de restructuration. Elle déduit fiscalement ces provisions à l’exclusion du montant couvrant les indemnités de licenciement économique.

À l’issue d’une vérification de comptabilité, l’Administration remet en cause la déduction de ces provisions au motif que l’opération de cession comportait des conditions suspensives tenant à l’accord des autorités de tutelle, et que cet accord n’avait pas été donné à la date de clôture de l’exercice 2012.

Le TA de Montreuil suit la position de la société en jugeant que les provisions pour charges de restructuration générées par le projet de cession d’une entreprise pouvaient être déduites fiscalement, quand bien même les autorités de régulation pour la réalisation de l’opération de cession n’avaient pas encore donné leur approbation, dans la mesure où le contexte dans lequel s’inscrivait cette opération de cession rendait probable cet accord requis des autorités de régulation (TA Montreuil, 14 janvier 2021, n°1906619, Sté Crédit Agricole).

L’Administration relève dès lors appel du jugement.

La décision de la CAA de Paris

En dépit des faits et circonstances propres à l’opération (cf. notamment situation économique très dégradée de la filiale, avancement des discussions avec les autorités, début de mise en œuvre du PSE intervenu avant la clôture), la Cour annule l’approche pragmatique retenue par le TA et adopte une solution stricte pour refuser la déductibilité de la provision en litige.

Elle juge ainsi que, si certains événements étaient intervenus à la date de clôture des comptes de l’exercice 2012, notamment l’annonce du plan social, rendant probables les charges de restructuration, la cession était assortie d’une condition suspensive qui pouvait faire échouer l’opération. Ce n’est qu’à compter de la réalisation de cette condition, que la filiale se trouvait irrévocablement engagée à la mise en œuvre du PSE et qu’ainsi la restructuration prenait le caractère d’un « événement en cours à la clôture de l’exercice » rendant les charges de restructuration probables et de nature à justifier la constitution d’une provision (cf. CGI art. 39,1).

Nous attendrons la position du Conseil d’Etat sur le traitement fiscal de cette provision s’il est saisi de l’affaire.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]