Imposition dans la catégorie des traitements et salaires de l’indemnité versée à un dirigeant, dans le cadre d’une procédure « fictive » de licenciement dont il a fait l’objet, au motif que cette dernière avait pour objectif de dissimuler un départ volontaire à la retraite.
En 2011, un salarié cadre dirigeant d’une entité d’un groupe est mis à la disposition d’une autre société, JV avec un autre groupe, pour occuper la fonction de directeur de l’établissement Atlantique. Un an après, il est licencié pour motif personnel et dispensé d’effectuer son préavis.
Il lui était reproché d’entraver volontairement le bon fonctionnement de la région dont il avait la responsabilité et d’avoir eu une attitude de résistance inacceptable et préjudiciable à l’image de la communauté managériale du groupe. Il était ainsi critiqué pour :
- avoir manifesté publiquement, de manière répétée, son désaccord relatif à la réorganisation de la région Atlantique
- avoir considéré que son périmètre de responsabilité était réduit
- avoir refusé d’obtempérer et de signer les lettres de délégation qui lui étaient normalement destinées
L’intéressé a contesté le bien-fondé de ce licenciement et a obtenu dans le cadre d’une transaction, le versement d’une indemnité transactionnelle en réparation de ses préjudices économique, personnel et de carrière. Le dirigeant licencié n’a pas déclaré la somme ainsi perçue au titre de ses revenus de l’année 2012.
Pour mémoire, sont exonérées sans limitation de montant les indemnités allouées en vertu d’une transaction qui sanctionnent le défaut de respect de la procédure de licenciement, le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la nullité du licenciement notamment pour motif discriminatoire ou pour violation d’une liberté fondamentale ou encore le non-respect de la procédure prévue en cas de licenciement collectif pour motif économique ou de la priorité de réembauche (Cons. const. 20-9-2013 n°2013-340 QPC).
L’administration fiscale a néanmoins imposé cette indemnité en mettant en œuvre la procédure d’abus de droit. Tout d’abord, elle lui restitue le caractère d’indemnité de départ volontaire à la retraite en raison du caractère fictif de la procédure de licenciement et de la transaction déguisant un départ volontaire à la retraite. Ensuite, en application de l’article 80 duodecies, 1 du CGI, elle l’impose dans la catégorie des traitements et salaires.
Elle a ainsi estimé que le licenciement pour motif personnel à l’origine du versement de l’indemnité réparatrice prévue par la transaction, était contredit par la persistance des liens unissant l’intéressé au groupe.
Après le rejet de sa réclamation, le contribuable porte l’affaire devant les juridictions. Il sollicite la décharge de cette imposition auprès du TA d’Orléans, qui rejette sa demande.
La CAA de Nantes relève les éléments suivants :
- Le contribuable a été licencié et dispensé de la période de préavis et, 5 jours après la signature de la transaction, il a fait l’objet d’un nouveau recrutement dans le cadre d’un cumul emploi-retraite avec la société auprès de laquelle il avait été mis à disposition
- Dès lors, si le contribuable soutient que ce recrutement résulte d’une démarche personnelle du PDG de ladite société, réalisée en toute autonomie, et produit une attestation en ce sens, de son côté, l’administration fiscale fait valoir que ce PDG était également DG adjoint et membre du comité exécutif du groupe initial. Il ne pouvait donc ignorer la procédure de licenciement dont le contribuable faisait l’objet et embaucher sans le savoir sur un poste stratégique de conseiller, nécessitant les qualités d’un homme de confiance, un cadre licencié peu de temps avant en raison d’un comportement déloyal vis-à-vis de la société qui le rémunérait. D’autant que, selon les termes de la transaction le contribuable était, dans l’exercice de ses missions de directeur de la région Atlantique (soit à l’époque de sa mise à disposition), placé sous l’autorité directe du PDG de la société et DG adjoint du groupe
- Par ailleurs, alors qu’il était dispensé d’effectuer son préavis, le contribuable a assuré des fonctions de représentation. Or, quand bien même l’intéressé n’a pas été sollicité au-delà de ces inaugurations, sa seule présence lors de ces 2 manifestations entre en contradiction avec les motifs du licenciement, notamment celui relatif à une attitude préjudiciable à l’image de la communauté managériale du groupe
- Enfin, en contradiction avec les dispositions de la transaction, le contribuable n’a pas démissionné de l’ensemble des mandats qu’il détenait dans les sociétés et les filiales du groupe
Par conséquent, la Cour juge que toutes ces contradictions témoignent du caractère fictif du licenciement et que l’administration fiscale apporte la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé des redressements notifiés. Elle rejette dès lors la demande du contribuable.