Activité occulte : applicabilité du délai spécial de réclamation quel que soit le délai de reprise utilisé par l’Administration

Le Conseil d’Etat confirme qu’un contribuable qui exerce une activité occulte peut bénéficier du délai de réclamation étendu de 10 ans, alors même que l’administration fiscale a mis en œuvre son droit de reprise dans le délai de droit commun de 3 ans.

Rappel

Délai général de réclamation

En application de l’article R. 196-1 du LPF (délai général de réclamation), le contribuable peut présenter des réclamations à l’Administration dans un délai expirant le 31 décembre de la 2e année suivant la mise en recouvrement de l’impôt, ou, à défaut, de son versement, ou de l’évènement motivant la réclamation.

Délai spécial de réclamation

Par exception, l’article R. 196-3 du LPF (délai spécial de réclamation) prévoit que lorsqu’il fait l’objet d’une procédure de reprise ou de rectification, le contribuable dispose d’un délai égal à celui de l’Administration pour présenter ses propres réclamations. Le point de départ de ce délai spécial s’entend de la date de notification (régulière) de la proposition de rectification – pour le calcul de ce délai, peu importe l’intervention postérieure de la mise en recouvrement (CE, 26 janvier 2021, n°437802, Société Accor).

En matière d’IR et d’IS, le droit de reprise dont dispose l’administration fiscale s’exerce jusqu’à la fin de la 3e année suivant celle au cours de laquelle l’imposition est due. Néanmoins, par exception, le droit de reprise de l’Administration s’exerce jusqu’à la fin de la 10e année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due en cas d’activité occulte du contribuable lui-même ou lorsqu’il est bénéficiaire de revenus distribués par une personne morale exerçant une activité occulte (LPF, art. L. 169).

L’histoire

A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’Administration a mis en évidence l’exercice, par un résident fiscal suisse, d’une activité occulte en France. Par une proposition de rectification datée du 30 novembre 2010, elle a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d’IR au titre des années 2007 et 2008, assorties des intérêts de retard, et de la majoration de 80 % pour activité occulte, mises en recouvrement le 30 avril 2012.

Le 19 décembre 2018, le contribuable a adressé à l’Administration une réclamation préalable, afin d’obtenir la décharge de ces impositions.

L’Administration, confortée en cela par les juges du fond, a considéré que cette réclamation était tardive.

La décision

Le Conseil d’Etat juge qu’en vertu des dispositions combinées des articles R. 196-3 et L. 169 du LPF, un contribuable qui a fait l’objet d’une procédure de reprise ou de rectification dispose, pour présenter ses propres réclamations, d’un délai égal à celui fixé par l’Administration pour établir l’IR et l’IS et lorsque le contribuable exerce une activité occulte, au 31 décembre de la 10e année suivant celle au cours de laquelle la proposition de rectification lui a été régulièrement notifiée.

Il importe peu, à cet égard, que l’Administration n’ait pas elle-même fait usage de ce délai de reprise prolongé (au cas d’espèce, l’Administration avait notifié les rectifications dans le délai normal de reprise).

Dans la lignée de sa jurisprudence antérieure, le Conseil d’Etat retient donc ainsi le délai tel que prévu par la loi (CE, 5 octobre 1973, n°83169 ; CE, 22 juillet 2022, n°451206 – en matière de TVA), et non le délai tel qu’effectivement mis en œuvre par l’administration fiscale.

Photo de Alice de Massiac
Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

Photo de Clara Maignan
Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.