Activité occulte et possibilité pour le contribuable d’apporter la preuve d’une erreur

La CAA de Nancy précise les conditions dans lesquelles un contribuable peut écarter la présomption d’activité occulte en faisant valoir qu’il a commis une erreur, justifiant qu’il ne se soit acquitté d’aucune de ses obligations déclaratives.

Rappel

On sait qu’en cas de découverte d’une activité occulte, le droit de reprise de l’Administration s’exerce jusqu’à la fin de la 10e année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due.

L’activité est considérée comme occulte lorsque le contribuable n’a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu’il était tenu de souscrire, et qu’il n’a pas fait connaître son activité à un CFE ou au greffe du tribunal de commerce, ou qu’il s’est livré à une activité illicite (LPF, art. L. 169 et L. 174).

En outre, la découverte d’une telle activité est susceptible d’entraîner l’application d’une majoration de 80 % (CGI, art. 1728,3).

L’histoire

À la suite d’une vérification de comptabilité, l’Administration a considéré qu’une société portugaise exerçait en France une activité occulte par l’intermédiaire d’un établissement stable y étant situé au titre des années 2005 à 2014.

En conséquence, elle a entendu exercer son droit de reprise dans le délai de 10 ans prévu par l’article L. 169 du LPF et a assorti le redressement de la majoration de 80 % pour activité occulte.

Pour mémoire, la preuve du caractère occulte est présumée apportée dès lors que le contribuable ne s’est pas acquitté de ses obligations déclaratives, sans que l’Administration ne soit tenue de démontrer de surcroît que son comportement révélait son intention de dissimuler son activité (CE, 7 décembre 2015, n°368227, Frutas y Hortalizas SL).

Le contribuable peut toutefois renverser cette présomption, en faisant valoir qu’il a commis une erreur justifiant qu’il ne se soit acquitté d’aucune de ses obligations déclaratives (solution d’abord limitée à l’application de la majoration pour activité occulte, CE 7 décembre 2015, n°368227, Sté Frutas y Hortalizas Murcia SL, puis transposée à l’application du délai spécial de reprise de 10 ans, CE 21 juin 2018, n°411195).

Dans ce cas, la justification de l’erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d’imposition dans l’autre État, que des modalités d’échange d’informations entre les administrations fiscales des 2 États (pour une application récente, CE 18 mars 2021, n°410573, Sté Ediprint).

La société se prévalait en l’espèce d’une telle erreur, arguant qu’elle avait déclaré son activité au Portugal et y avait souscrit ses déclarations fiscales.

La décision de la CAA de Nancy

La Cour écarte l’existence d’une telle erreur, en se fondant notamment sur les éléments suivants :

  • La société portugaise a exercé pendant plus de 10 ans son activité en France et n’a déposé à ce titre aucune déclaration d’activité auprès d’un CFE ou d’un greffe de TGI, ni aucune déclaration en matière de bénéfices professionnels ou de TVA
  • Il existait une importante différence de niveau d’imposition entre la France (IS de 33,1/3 % à l’époque) et le Portugal (entre 23 % et 25 % selon les années considérées) ; la Cour précise à cet égard qu’est sans incidence la circonstance que le Portugal ne soit pas un État à fiscalité privilégiée
  • Dans le cadre de l’assistance administrative, l’administration française n’a obtenu des autorités portugaises que les bilans et comptes de résultats déposés au Portugal au titre de 4 années seulement. Le chiffre d’affaires ayant été globalisé, l’administration française n’a pas été mise en mesure de vérifier que la part d’activité réalisée en France avait été effectivement déclarée au Portugal
  • Les éléments de preuve apportés par la société elle-même (balance générale d’un unique exercice, document non daté et non détaillé) ne permettent pas davantage de démontrer que la société aurait repris ces éléments dans sa déclaration au Portugal

La CAA de Nancy en conclut qu’il n’est pas établi que la société portugaise se soit acquittée de toutes ses obligations déclaratives au Portugal et qu’elle se soit méprise sur le caractère imposable de son activité déployée en France.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.