Article 57 et engagement de contre-garantie non rémunéré

La décision de la CAA de Versailles qualifiant une prestation de contre-garantie non rémunérée de transfert indirect de bénéfice par application de l’article 57 du CGI devient définitive. La Cour avait de plus favorablement accueilli certains arguments de la société visant à abaisser le taux de rémunération initialement retenu par l’Administration.

Mise en œuvre de l’article 57 du CGI

Pour rappel, une fois la condition de dépendance établie, l’Administration dispose de 2 options pour mettre en œuvre l’article 57 du CGI :

  • soit elle démontre l’existence d’un avantage accordé par une entreprise établie en France à une entreprise associée établie à l’étranger (la 1re pouvant alors combattre la présomption de transfert de bénéfices par la démonstration d’une contrepartie au moins équivalente à l’avantage consenti) ;
  • soit, si elle n’y parvient pas, elle doit établir l’existence d’un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu pour démontrer l’existence d’une libéralité consentie par l’entreprise établie en France (CE, 7 novembre 2005, n°266436 et 266438, Cap Gemini, CE, 16 mars 2016, n°372372, Sté Amycel France, et, pour une illustration plus récente, CE, 19 septembre 2018, n°405779, Sté Philips France).

Si la présomption de transfert de bénéfices à l’étranger est établie par l’Administration, c’est alors à l’entreprise d’apporter la preuve que l’avantage ne constitue pas, en fait, un transfert de bénéfices à l’étranger (BOI-BIC-BASE-80-20, 02/09/2015, § 360 et s.).

L’histoire

À l’issue d’une procédure de vérification portant sur les exercices 2010 et 2011, l’Administration a analysé les engagements de contre-garantie par lesquels une société française a apporté sa garantie auprès des banques s’étant elles-mêmes portées garantes pour ses filiales, comme des actes de cautionnement correspondant à une prestation de service devant donner lieu à rémunération.

Elle a donc réintégré dans le résultat de la société les prestations non refacturées, en retenant un taux de rémunération de 0,25 %, sur le terrain de l’acte anormal de gestion et de l’article 57 du CGI (existence d’un transfert indirect de bénéfices à l’étranger). Au titre de ces prestations au bénéfice de sociétés membres de la même intégration fiscale, l’Administration a de plus appliqué l’amende de 5 % prévue par l’article 1763 du CGI en raison de l’absence de déclaration de ces sommes, regardées comme des subventions intra-groupe devant être neutralisées fiscalement au sein de l’intégration fiscale et devant être mentionnées sur la déclaration idoine (régime des subventions au sein d’une intégration fiscale jusqu’au 31.12.2018).

La société mère intégrante conteste le taux de rémunération appliqué aux engagements de contre-garantie accordés au bénéfice de ses filiales.

La décision de la CAA de Versailles

Sur le taux de rémunération

La Cour juge que la société apporte la preuve du caractère exagéré du taux de rémunération de 0,25 % appliqué par l’Administration. Ce taux a été appliqué par référence à un précédent concernant un autre secteur d’activité « durant une période dont les conditions économiques historiques sont sans rapport avec les conditions en vigueur au cours des années contrôlées ».

La CAA de Versailles estime que la société démontre que le niveau de rémunération qu’elle était en droit d’espérer pour les contre-garanties qu’elle a consenties au bénéfice de ses filiales s’élève à 0,15 %. Ce taux de rémunération est établi en référence au taux de 0,15 % qui a été facturé à la société en cause par des établissements financiers au titre de garanties qui lui ont été consenties au cours de la même période (la Cour assimilant en l’espèce la prestation de contre-garantie à une prestation de cautionnement).

Elle refuse cependant d’accueillir les arguments de la société visant à démontrer que le niveau de rémunération qu’elle était en droit d’espérer au titre de ses prestations de contre-garantie s’élevait à 0,02 % :

  • La société obtenait ce taux de rémunération de 0,02 % en retranchant au taux de 0,15 %, 64 % de frais bancaires qu’elle ne supportait pas, le coût de sinistralité constaté étant nul pour ce qui concerne les activités avec ses filiales– calcul rejeté par la Cour qui estime l’Administration fondée à dénier le caractère transposable de ce coefficient d’exploitation bancaire déterminé au regard d’un résultat global, à un taux de garantie de cautionnement interne à un groupe ;
  • La société s’appuyait également sur un rapport d’un cabinet de conseil qui conclut à un niveau de rémunération associé à ces prestations de contre-garantie de l’ordre de 0,01 % à 0,04 % (« en raison de la faiblesse de l’avantage ainsi consenti aux filiales par les contre-garanties du fait de l’existence d’un support implicite entre une société mère et ses filiales et des alternatives à la disposition des filiales.»). La Cour refuse de tenir compte de ce rapport qui a notamment été sollicité par la société postérieurement au redressement et qui ne fait état que d’un seul exemple peu étayé.

La CAA de Versailles décharge donc la société des cotisations supplémentaires d’IS pour la seule portion correspondant à la réduction du taux de la rémunération de 0,25 % à 0,15 % des contre-garanties accordées au bénéfice de ses filiales.

Concernant l’amende de 5 %

Pour rappel, la société mère intégrante est tenue de joindre à la déclaration du résultat d’ensemble de chaque exercice un état des subventions directes ou indirectes et des abandons de créances consentis/reçus, au cours d’un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1992 et avant le 1er janvier 2019, par chaque société du groupe (CGI, art. 223 et CGI, annexe III, art. 46 quater-0 ZL). Le défaut de production ou le caractère inexact ou incomplet de ce document entraîne l’application d’une amende égale à 5 % des sommes omises (CGI, art. 1763).

La société soutenait qu’en raison de la facturation à ses filiales de frais bancaires, elle avait facturé sa prestation au coût de revient et donc qu’aucune subvention ne pouvait être caractérisée.

Cependant, la Cour considère que dès lors qu’aucun taux de rémunération n’a été appliqué aux prestations de contre-garantie, alors que celui-ci ne pouvait être nul, un tel défaut de facturation aurait dû, en l’absence de toute contrepartie alléguée, être déclaré en tant que subvention indirecte correspondant à une prestation de service sans contrepartie, sans que la société requérante puisse faire valoir utilement que la prestation aurait été facturée à son prix de revient, selon elle nul en l’espèce, du fait d’une refacturation des frais bancaires aux filiales.

La Cour estime donc que l’amende de 5 % était applicable au titre des sommes non facturées qui auraient dû être déclarées.

Si la société requérante avait initialement décider de former un pourvoi contre cet arrêt, elle a finalement abandonné ce recours. Dans un arrêt en date du 18 février dernier, le Conseil d’État prend acte de son désistement pur et simple. L’arrêt de la CAA de Versailles est donc désormais définitif.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]