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Assimilation d’une «private limited company by shares »à une SARL

Le Conseil d’État juge, à l’issue d’une analyse circonstanciée, qu’une « private limited company by shares » britannique, doit, au cas d’espèce, être assimilée à une SARL.

L’histoire

Une « private limited company by shares » de droit britannique, exerçant une activité dans l’événementiel et d’apporteur d’affaires, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2014 à 2016, à l’issue de laquelle l’Administration a considéré que la société devait être assimilée, pour l’application de la loi française, à une SAS, imposable à l’IS.

La société britannique a contesté cette analyse, arguant qu’elle devait, au contraire, être assimilée à une SARL, dont les résultats sont soumis à l’IR entre les mains de son associé unique, emportant la conviction des juges d’appel (CAA Marseille, 5 octobre 2023, n°21MA02821).

La décision du Conseil d’État

Reprenant le considérant de principe dégagé par le Conseil d’État dans son arrêt Artémis (24 novembre 2014, n°363556, Sté Artémis, assimilation d’un « general partnership » constitué au Delaware à une société de personnes), le Conseil d’État rappelle que, saisi d’un litige portant sur le traitement fiscal d’une opération impliquant une société de droit étranger, le juge de l’impôt doit identifier au regard de l’ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable, afin de déterminer le régime applicable à l’opération par la loi fiscale française.

S’il conclut, lui aussi, à l’assimilation de la « private limited company by shares » britannique à une SARL, il censure pour erreur de droit le raisonnement retenu par la CAA de Marseille.

Les juges d’appel avaient en effet relevé que la société britannique présentait des similitudes tant avec une SARL, qu’avec une SAS, dès lors que toutes 2 peuvent comporter un associé unique, que la responsabilité des associés est limitée à leurs apports, et que les « shares » ne peuvent être offertes au public.

L’élément qui avait emporté leur conviction était la circonstance que le certificat d’enregistrement de la société mentionnait que chaque « share » correspondait à une voix et un dividende égal.

Ils en avaient alors conclu que la société britannique devait nécessairement être assimilée à une SARL, lesquelles ne peuvent, en application des dispositions du Code de commerce, émettre des actions de préférence, à la différence des SAS pour lesquelles le Code de commerce prévoit cette faculté.

Le Conseil d’État juge que la CAA de Marseille ne pouvait pas fonder son analyse sur la seule mention figurant sur le certificat d’enregistrement relative à l’égalité des « shares », alors même que l’émission d’actions de préférence est une simple faculté offerte aux actionnaires de SAS, qui relève de l’exercice de la liberté statutaire qui caractérise ces sociétés.

Dès lors, les juges d’appel ne pouvaient l’ériger en élément discriminant entre les SARL et les SAS, au demeurant inopérant lorsque le capital est – comme ici – détenu par une seule personne.

Jugeant ensuite l’affaire au fond, il confirme néanmoins l’assimilation de la société britannique à une SARL, mais après s’être livré à des investigations complémentaires.

Il souligne qu’il résulte de son certificat d’enregistrement qu’elle adopte partiellement les « statuts types » (« model articles ») prévus pour les sociétés relevant du statut de « private company limited by shares », et que ses statuts particuliers, accessibles sur des bases de données publiques britanniques, reproduisent des stipulations types « insusceptibles pour certaines d’entre elles de régir, en termes de constitution et de fonctionnement, la situation d’unicité d’associé qui la caractérise au cours des exercices et des années en litige ».

Le Conseil d’État en conclut que l’adoption de tels statuts types révèle que la société britannique n’a pas été constituée à l’aune de la liberté statutaire caractéristique des SAS, et retient la qualification de SARL à son tour.

Cette décision fournit une nouvelle occasion de rappeler que l’exercice d’assimilation suppose nécessairement une analyse fine et in concreto. A cet égard, le TA de Rennes avait ainsi pu juger, s’agissant également d’une « private limited company by shares » de droit britannique détenue par un associé unique personne physique, qu’elle devait être assimilée à une SAS et non à une SARL, après s’être livré à une analyse poussée de ses statuts (TA de Rennes, 18 octobre 2023, n°2104358).

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    Alice de Massiac

    Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à…

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    Clara Maignan

    Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique…