CbCR public : Transposition en droit français (publication de l’ordonnance, du décret et de l’arrêté)

Pour rappel, la Directive adoptée sur le CbCR public (2021/2101 du 24 novembre 2021) vise à contraindre les grands groupes multinationaux (i.e. ceux dont le CA mondial consolidé excède 750 m€) à publier chaque année un rapport indiquant leurs bénéfices, ainsi que leurs impôts dus et payés (CbCR Public).

La Directive, entrée en vigueur le 21 décembre 2021, a fixé au 22 juin 2023 la date maximale de transposition pour les Etats membres.

La France a choisi, en début d’année d’habiliter le Gouvernement à transposer la directive CbCR public par voie d’ordonnance. Elle vient de respecter le délai de transposition par la publication du texte de l’ordonnance relative à la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur les bénéfices (J.O. du 22 juin 2023), complétée d’un décret ainsi que d’un arrêté.

Nous vous en relayons ci-après les points principaux.

A partir de quand ?

Ces textes s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 22 juin 2024. Pour les entités dont l’exercice coïncide avec l’année civile, l’obligation de publication du CbCR public portera donc pour la première fois sur les données de l’exercice 2025.

Quelles entités/groupes concernés par l’obligation ?

Ces textes imposent, à la diligence du conseil d’administration, du directoire ou des gérants, que les sociétés dans le champ de l’obligation établissent, publient et mettent à disposition, un rapport relatif à l’impôt sur les bénéfices (« CbCR Public »).

Sont concernées par cette obligation :

  • Entreprises mères ultimes (EMU) établies en France (C. com, art. L. 233-28-1 ; art. D. 232-8-1., I) : Toute société consolidante qui n’est pas contrôlée par une autre société, au sens du II ou du III de l’article L. 233-16 du Code de commerce, dont le CA consolidé excède 750m€, à la clôture de 2 exercices consécutifs.
  • Sociétés et succursales françaises dont l’EMU est établie dans un Etat tiers (C. com, art. L. 233-28-2): Société qui n’est ni une micro-entreprise, au sens de l’article L. 123-16-1 du Code de commerce, ni une petite entreprise, au sens de l’article L. 123-16 du Code de commerce.
  • Succursales françaises d’entreprises autonomes établies dans un Etat tiers (C. com, art. L. 232-6-1 et art. D. 232-8-1, II): Toute succursale française dont le CA excède 12m€, à la clôture de 2 exercices consécutifs.
  • Entreprises autonomes françaises (com, art. L. 232-6 et art. D. 232-8-1, I) : Toute société commerciale qui ne contrôle ni n’est contrôlée par une autre société au sens du II ou du III de l’article L. 233-16 du Code de commerce, et dont le CA excède, à la clôture de 2 exercices consécutifs, le seuil de 750m€.

Exclusion du secteur bancaire : Les sociétés soumises à l’obligation de publication mentionnée au II de l’article L. 511-45 du Code Monétaire et Financier sont dispensées de cette nouvelle obligation.

Quelles informations ?

Contenu (C.com art. L. 232-6, II ; art. R. 232-8-2, VI et art. A. 232)

Ces textes listent les informations à publier telles que prévues par la Directive (et pour l’essentiel identiques à celles devant déjà être fournies dans le cadre du CbCR « fiscal ») :

  • exercice concerné, devise utilisée et nom de la société tenue par l’obligation ;
  • brève description de la nature des activités ;
  • nombre de salariés employés en équivalent temps plein ;
  • chiffre d’affaires (CA) – qui correspond principalement à la somme du CA net, des autres produits d’exploitation, des produits provenant de participations à l’exclusion des dividendes reçus des sociétés du groupe, des produits provenant d’autres valeurs mobilières et de créances de l’actif immobilisé, et des autres intérêts et produits assimilés, conformément au modèle prévu par les articles R. 123-193 et R. 233-12 le cas échéant ;
  • montant du bénéfice ou des pertes avant impôt sur les bénéfices ;
  • montant de l’impôt sur les bénéfices dû au titre de l’exercice  – qui correspond à la charge d’impôt exigible, au titre des bénéfices imposables ou des pertes de l’exercice, comptabilisée par les sociétés et succursales dans la juridiction fiscale concernée, à l’exclusion des impôts différés et des provisions constituées au titre de charges fiscales incertaines ;
  • montant de l’impôt sur les bénéfices décaissé au cours de l’exercice – qui correspond au montant de l’impôt sur les bénéfices payé au cours de l’exercice concerné par les sociétés et succursales dans la juridiction fiscale concernée. Ce montant inclut les RAS payées par d’autres sociétés concernant des paiements reçus par les sociétés et succursales du groupe ;
  • montant des bénéfices non distribués – qui correspond à la somme, à la fin de l’exercice concerné, des bénéfices des exercices passés et de l’exercice concerné dont la distribution n’a pas encore été décidée. En ce qui concerne les succursales, les bénéfices non distribués sont ceux de la société dont elles émanent.

Au choix de la société/groupe, le rapport peut contenir des explications générales sur les raisons d’éventuelles discordances importantes entre le montant de l’impôt sur les bénéfices et le montant de l’impôt sur les bénéfices acquitté sur la base des règlements effectifs – en tenant compte, s’il y a lieu, des montants correspondants concernant les exercices précédents.

Les informations portent sur l’ensemble des activités de la société concernée. Pour les EMU établies en France les informations incluent également celles des sociétés sur lesquelles elles exercent un contrôle (sous réserve que ces dernières soient comprises dans la consolidation).

Présentation ( com, art. R. 232-8-2 et art. R. 233-16-2)

Les informations sont présentées séparément pour :

  • Chaque Etat membre de l’UE/EEE ;
  • Chaque juridiction fiscale qui, au 1er mars de l’exercice pour lequel le rapport est établi, figure sur la liste « noire » ETNC de l’UE ;
  • Chaque juridiction fiscale qui, au 1er mars de l’exercice pour lequel le rapport est établi et au 1er mars de l’exercice précédent, figure sur la liste « grise » ETNC de l’UE.

Les informations sont présentées sous une forme agrégée pour les autres pays.

Les informations sont affectées à chaque juridiction fiscale sur la base de l’établissement, de l’existence d’une installation fixe d’affaires ou d’une activité économique permanente qui, du fait des activités des sociétés concernées, peut être soumise à un impôt sur les bénéfices dans cette juridiction fiscale.

Lorsqu’un Etat membre de l’UE/EEE comprend plusieurs juridictions fiscales, les informations sont agrégées au niveau de cet Etat.

Aucune information relative à une activité donnée n’est attribuée simultanément à plusieurs juridictions fiscales.

Les informations relatives aux activités de chacune des entités concernées, y compris par leurs succursales, sont agrégées pour une même juridiction :

  • Lorsque l’EMU située en France et l’une des sociétés contrôlées comprises dans la consolidation, conformément à l’article L. 233-16 du Code de commerce, ont des activités qui peuvent être soumises à un impôt sur les bénéfices dans une même juridiction fiscale

ou

  • Lorsque l’EMU située en France contrôle, conformément à l’article L. 233-16 du Code de commerce, plusieurs sociétés comprises dans la consolidation ayant des activités qui peuvent être soumises à un impôt sur les bénéfices dans une même juridiction fiscale.

Devises (C.com, art. A. 232-1 et art. 232-2)

La devise à utiliser pour le rapport varie selon les cas de figure :

  • Entreprises autonomes françaises: devise utilisée pour l’établissement des comptes annuels de la société.
  • EMU établies en France: devise utilisée pour l’établissement des comptes consolidés de la société tenue à établir ce rapport.
  • Sociétés et succursales françaises dont l’EMU est établie dans un Etat tiers: conversion en euros en appliquant le taux de change publié au Journal officiel de l’Union européenne à la clôture de l’exercice.

Exception : clause de sauvegarde (com, art. L. 232-6, IV ; L. 232-6-1, IV ou L. 233-28-1, IV ; art. L. 233-28-2, VII et art. R. 232-8-2)

Les informations dont la divulgation porterait gravement préjudice à la position commerciale des sociétés concernées peuvent être exclues de la publication, à titre temporaire pendant une durée maximale de 5 ans. Les informations relatives aux juridictions qui  figurent sur la liste « noire » ou « grise » ETNC de l’UE ne peuvent pas bénéficier de cette exclusion de publication.

Lorsqu’il est fait application de cette exception, le rapport doit clairement indiquer les motifs ayant justifiés l’absence de publication.

Les informations bénéficiant de cette exception sont publiées dans un rapport ultérieur, au plus tard 5 ans après leur omission.

Quelles modalités de publication ? (C. com., art. R. 232-23 et art. R. 232-24)

Le rapport rédigé en français (traduit et certifié conforme le cas échéant) doit être déposé au greffe du tribunal de commerce, pour être annexé au registre du commerce et des sociétés, dans un délai de 12 mois à compter de la clôture de l’exercice. Pour les entités/groupes dont l’exercice coïncide avec l’année civile, l’obligation de publication du CbCR public portera donc pour la 1ère fois sur les données de l’exercice 2025 avec un dépôt aux greffes au plus tard le 31 décembre 2026.

Dès sa date de dépôt, le rapport est mis gratuitement à disposition du public, pendant au moins 5 années consécutives, sur :

  • Le site internet de l’EMU établie en France ;
  • Le site internet de l’entreprise autonome française ;
  • Le site internet de la succursale française de l’entreprise autonome établie dans un Etat tiers ou sur le site internet de cette entreprise elle-même ;
  • Le site internet de l’EMU établie dans un Etat tiers qui détient une société ou succursale en France, de l’une des sociétés qu’elle contrôle, au sens de l’article L. 233-16 du Code de commerce, ou de la succursale en France émanant de cette EMU.

Enfin, dès le dépôt de ce rapport, le greffier du tribunal de commerce fait insérer au BODACC (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales) un avis en conséquence.

Quel contrôle ? (C. com., art. L. 823-10 et art. L. 238-7)

Attestation CAC : chaque année en N+1, dans leur rapport joint au Rapport de gestion de l’exercice N, le commissaire aux comptes attestera que la société/le groupe est dans le champ d’application de l’obligation et s’y est conformé(e) au titre de l’exercice N-1 (publication et mise à disposition du CbCR public).

Aucune pénalité spécifique ne semble prévue à ce stade. Une procédure d’injonction spéciale a été créée dans le cadre de laquelle toute personne peut demander au Président du Tribunal statuant en référé d’enjoindre d’établir, de publier ou de mettre à disposition ce rapport CbCR public.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]