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Cession à prix minoré : modalités d’appréciation de l’AAG lorsque le prix de vente a été fixé antérieurement dans le cadre d’une promesse de vente

Faisant application des principes tout récemment dégagés par le Conseil d’État, la CAA de Lyon juge que le caractère normal d’une cession de titres à prix minoré doit, le cas échéant, être apprécié à la date à laquelle la promesse de vente a été conclue.

Rappel

Le Conseil d’État a posé le principe selon lequel, en cas de cession d’actif à un prix manifestement minoré (existence d’un « écart significatif » entre le prix de vente et la valeur vénale), l’Administration est réputée apporter la preuve de l’existence d’un AAG, à moins que le contribuable ne soit en mesure de justifier que l’appauvrissement en résultant a été décidé dans son intérêt, soit qu’il se soit trouvé dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu’il en ait tiré une contrepartie équivalente (CE, 21 décembre 2018, n°402006, Sté Croë Suisse, rapidement confirmée à plusieurs reprises, notamment CE, 6 février 2019, n°410248, SARL Alternance et 15 février 2019, n°407531, SARL Hulia).

L’histoire

En novembre 2011, une société a consenti une promesse de vente portant sur les titres d’une société, au directeur général de cette même société, pour un prix fixé d’avance.

En mars 2015, l’option a été levée – ainsi que le permettait la promesse de vente – par une société contrôlée par ce contribuable personne physique.

L’Administration a mis en évidence, à l’issue d’une vérification de comptabilité de la société cédante, l’existence d’un écart (très) significatif entre le prix de cession convenu et la valeur vénale des titres. Elle a estimé qu’en l’absence de contrepartie, une telle cession était constitutive d’un acte anormal de gestion.

La décision de la CAA de Lyon

La CAA fait tout d’abord application des principes tout récemment dégagés par le Conseil d’État (CE, 2 juillet 2025, n°497011).

Rappelons qu’il avait jugé dans le cadre de cette décision, que la contrepartie d’une cession à prix minoré peut être justifiée par un engagement contractuel antérieur.

Dans ce cas, si l’écart significatif entre la valeur vénale des actions et leur prix de vente s’apprécie toujours à la date de cession, le caractère normal ou anormal de l’opération doit, lui, être apprécié au regard de l’intérêt de l’entreprise de contracter cet engagement à la date à laquelle celui-ci a été souscrit.

Dans une telle hypothèse, il lui appartient alors d’apporter des éléments susceptibles de justifier :

  • Soit que le prix fixé dans cet acte n’était pas significativement inférieur à la valeur vénale future du bien telle qu’elle pouvait, à la date à laquelle l’engagement a été contracté, être raisonnablement anticipée par les parties à l’acte ;
  • Soit que l’entreprise trouvait à cette date un intérêt propre à consentir cet avantage de prix au regard des contreparties attendues de l’opération.

La Cour juge que la société cédante apportait bien une telle preuve en l’espèce, en se fondant sur les éléments suivants :

  • A la date de conclusion de la promesse de vente, la société cédée, qui avait connu des difficultés financières majeures au cours des années précédentes, se rétablissait à peine et sa situation financière demeurait fragile. En tout état de cause, rien ne permettait de prévoir avec une probabilité raisonnable, à l’horizon de l’année 2015, une augmentation aussi importante de la valeur de ses titres ;
  • La société cédante justifiait de l’existence de contreparties à la conclusion de la promesse de vente, dans ces conditions, avec le directeur général de la société cédée. Celui-ci avait été recruté pour redresser la situation de la société cédée, et ses compétences et son expérience étaient de nature à lui permettre, par son implication particulière, d’obtenir un accroissement du chiffre d’affaires de la société cédée, et donc de sa valeur. Aussi, la société cédante justifiait d’un intérêt propre à l’inciter à poursuivre le redressement de la société cédée, en l’intéressant au résultat de ce redressement.

L’Administration n’apportant pas d’éléments remettant en cause l’existence et le caractère suffisant de ces contreparties, la Cour écarte l’existence d’un acte anormal de gestion.

CAA Lyon, 13 août 2025 n°24LY02635

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    Alice de Massiac

    Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à…

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    Clara Maignan

    Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique…