CIR : le règlement des dépenses de sous-traitance par le cocontractant ne remet pas nécessairement en cause l’éligibilité pour le CIR

Un arrêt intéressant du Conseil d’Etat apporte des précisions sur l’éligibilité de dépenses de sous-traitance pour le crédit d’impôt recherche (CIR) lorsque le règlement de ces dépenses n’est pas effectué par le donneur d’ordre lui-même mais par son cocontractant.

L’histoire

La société Cap 2020 Consult a signé un contrat de marché public avec le Centre National d’Etudes Spatiales (CNES) suite à un appel à projet lancé par ce dernier en vue d’améliorer la prévisibilité météorologique de précision.

Pour réaliser ce projet, la société Cap 2020 Consult a conclu un accord de consortium avec quatre organismes publics ou agréés au CIR. Ces organismes étaient présentés dans le contrat de marché public entre Cap Consult et le CNES comme des partenaires/sous-traitants de la société Cap 2020 Consult, mais n’étaient pas signataires du contrat avec le CNES. Ce contrat prévoyait un règlement direct par le CNES des travaux réalisés par les quatre organismes.

La société Cap 2020 Consult retenait dans l’assiette de son CIR les dépenses de sous-traitance correspondant aux travaux effectués par ces quatre organismes.

La Cour administrative d’appel de Versailles relevant que les prestations de recherche confiées à ces quatre organismes avaient été prises en charge directement par le CNES à hauteur de 47%, et que le solde avait été assumé par ces organismes eux-mêmes, en concluait que la société « Cap 2020 Consult n’a exposé aucune dépense afférente aux opérations de recherche réalisées par ces organismes », et rejetait donc leur prise en compte dans le CIR de la société Cap 2020 Consult.

Or, ainsi que le relève la rapporteure publique dans ses conclusions, le paiement direct par l’acheteur public (ici le CNES) constitue la modalité de paiement habituelle des sous-traitants du titulaire du marchés publics (ici les 4 organismes, sous-traitants de Cap 2020 Consult), et est même obligatoire dans certains cas. La société requérante produisait par ailleurs, à l’appui de sa demande, un avis de la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes (CNCC) faisant le point sur les modalités de comptabilisation spécifiques de ces dépenses pour le titulaire du marché public, et attestait qu’elle avait bien supporté le coût des dépenses en cause.

Une erreur de droit

Le Conseil d’Etat en tire les conséquences et pose le principe selon lequel «  Lorsqu’une entreprise confie à un organisme mentionné au d ou au d bis du II de l’article 244 quater B du code général des impôts, l’exécution de prestations nécessaires à la réalisation d’opérations de recherche qu’elle mène, les dépenses correspondantes peuvent être prises en compte pour la détermination du montant de son crédit d’impôt, quand bien même les prestations sous-traitées à cet organisme feraient l’objet d’un paiement direct à celui-ci par le cocontractant de l’entreprise donneuse d’ordre ».

Il censure donc pour erreur de droit l’arrêt de la Cour d’Appel de Versailles, car les juges d’appels avaient rejeté l’éligibilité des dépenses au seul motif qu’elles avaient été réglées par l’acheteur public, sans rechercher si ces prestations avaient ou non été réalisées pour le compte de la société Cap 2020 Consult.

En d’autres termes, et comme le souligne la rapporteure publique dans ses conclusions sous cet arrêt, le fait qu’une dépense de sous-traitance soit directement réglée par l’acheteur public ne fait pas obstacle à son éligibilité au crédit d’impôt recherche chez le donneur d’ordre, « pourvu que ce règlement soit effectué au nom et pour le compte [de celui-ci] ». La société Cap 2020 Consult avait montré que les prestations de recherche de ses sous-traitants étaient bien comptabilisées en dépenses/charges dans ses propres comptes. Le règlement de ces prestations par l’acheteur public vient réduire le solde dû par cet acheteur (le CNES) à la société au titre de la commande publique.

On notera que l’affaire est renvoyée devant la Cour administrative d’appel de Versailles, puisque comme le souligne également la rapporteure publique, il reste désormais à déterminer si les entités concernées ont bien agit en qualité de « sous -traitants » au sens de l’article 244 quater B précité, c’est-à-dire si les travaux leur ont bien été confiés par le donneur d’ordre (Cap 2020 Consult), et non pas en tant que partenaires menant des travaux de R&D pour leur propre compte.

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Jean-Charles Reny

Jean-Charles, Avocat, est associé de la ligne de service « R&D » (GI3) du cabinet. Après avoir géré des problématiques fiscales pour de grands groupes internationaux (M&A, Supply Chain, ou […]

Béatrice Prim

Béatrice, Avocate Directeur rattachée à l’équipe R&D depuis 2010, conseille ses clients en matière de CIR (sécurisation, défense lors des contrôles fiscaux) et coordonne des missions sur les régimes incitatifs à […]