La CAA de Versailles rappelle les conditions dans lesquelles une réduction de capital est susceptible d’entraîner la constatation d’une moins-value chez l’actionnaire (non remplies en l’espèce).
Rappel
Il résulte d’une jurisprudence ancienne que, s’agissant de titres détenus depuis moins de 2 ans, le régime des moins-values à court terme (permettant une déductibilité des résultats imposables au taux de droit commun de l’IS) est susceptible de s’appliquer non seulement en cas de cession de titres à un tiers, mais également dans le cas où un évènement survenu avant la clôture de l’exercice a eu pour effet de retirer à ces titres tout ou partie de leur valeur, au point de la ramener en dessous de leur prix de revient (CE, 29 septembre 1982, n°27723). Il faut, en revanche, que la perte de valeur soit alors certaine et définitive dans son montant.
Le Conseil d’État a, par ailleurs, jugé que l’annulation des titres d’une société, consécutive à une réduction de capital, n’autorisait pas la société actionnaire à constater une perte définitive, mais pouvait seulement justifier, le cas échéant, la constitution d’une provision pour dépréciation (CE, 23 janvier 1980, n°10395). Il a retenu la même solution, dans le cas de réductions de capital réalisées par annulation de la quasi-totalité des actions (CE, 23 octobre 1989, n°85251) ou par réduction de la valeur nominale des titres (CE, 28 juin 1961, n°4755).
Il résulte en revanche de sa décision Cogefal (CE, 17 octobre 2008, n°293467), lue à la lumière des conclusions de son rapporteur public, que dans le cas où la réduction de capital porterait sur la totalité de sa valeur, la perte en capital en découlant serait certaine et définitive, et susceptible de donner lieu à la constatation d’une moins-value. Dans l’espèce en cause, la réduction de capital avait été immédiatement suivie d’une recapitalisation (coup d’accordéon), de sorte que le juge avait considéré que les conditions de constatation d’une moins-value n’étaient pas réunies.
L’histoire
En septembre 2013, une société française crée une holding en Belgique et inscrit à son bilan sa participation en titres de participation pour le montant de son investissement.
Quelques jours après sa création, la holding belge investit le même montant dans une société belge. Cette filiale a été placée en liquidation judiciaire dès juillet 2014.
La holding belge a entendu tirer les conséquences de cette liquidation en procédant à une réduction massive de son capital en décembre 2014.
Considérant que sa participation dans la holding belge avait perdu définitivement toute valeur, la société mère française a constaté, le 31 décembre 2014, une perte à hauteur de la totalité de son investissement initial, qu’elle a déduite de son résultat imposable de l’exercice.
L’Administration a remis en cause cette déduction.
La décision de la CAA de Versailles
La Cour rappelle d’abord les principes dégagés par le Conseil d’État, admettant l’application du régime des MV non seulement en cas de cession de titres à un tiers, mais également dans le cas où un évènement survenu avant la clôture de l’exercice a eu pour effet de retirer à ces titres tout ou partie de leur valeur, au point de la ramener en dessous de leur prix de revient, à la condition que la perte de valeur puisse être tenue pour définitive et certaine dans son montant.
La Cour juge en revanche qu’une telle condition n’était pas satisfaite en l’espèce, dès lors que :
- Au 31 décembre 2014, la holding belge existait toujours juridiquement (et ce, encore au jour de l’instruction, aucune procédure de liquidation ou de cession n’ayant été engagée par sa mère française) ;
- La holding belge était, au 31 décembre 2014, en mesure, compte-tenu de son objet social large, de poursuivre une activité en dehors de son investissement dans sa filiale belge liquidée (ce qu’elle a d’ailleurs effectivement fait – corroboré par la production de son bilan 2016) ;
- La société mère française ne justifiait pas de l’impossibilité pour elle ou sa filiale holding belge de récupérer une partie de leurs fonds (absence de démarche à l’encontre de la société belge liquidée) ;
- La réduction de capital de la holding belge était, en tout état de cause, restée sans influence sur le pourcentage de participation de la société mère française.
- CAA Versailles, 30 avril 2025, n°22VE01939