Conditions de déductibilité des abandons de créance à caractère financier : Date d’appréciation de la difficulté financière de la société bénéficiaire

La CAA de Bordeaux juge qu’un abandon de créances à caractère financier qui a été consenti par une société mère à sa filiale avant le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire, mais matérialisé dans les comptes postérieurement à cette décision du tribunal, ne constitue pas une charge déductible pour la société qui a consenti l’aide.

Rappel

Pour mémoire, le législateur a entendu expressément encadrer les abandons de créances consentis à compter des exercices clos depuis le 4 juillet 2012 (CGI art. 39, 13) en posant un principe général de non-déductibilité des aides à caractère financier. Par exception, et sous certaines conditions, la perte consécutive à un abandon de créance présentant un caractère autre que commercial est considérée comme une charge déductible de l’exercice, non constitutif d’un acte anormal de gestion, lorsque cet abandon est consenti :

Conformément à, l’article 39, 13,3e alinéa du CGI (issu de l’article 17 de la loi 2012-958 du 16-8-2012), les aides justifiées par des motifs autres que commerciaux qui sont consenties à une entreprise en difficulté financière placée sous l’une des procédures visées sont déductibles, dès lors qu’elles relèvent d’une gestion normale :

  • à hauteur de la situation nette négative de l’entreprise qui en bénéficie ;
  • et, pour le montant excédant cette situation nette négative, à proportion des participations détenues par d’autres personnes que l’entreprise qui consent l’aide.

En principe, il convient de se placer à la date de clôture de l’exercice de la société mère pour apprécier la situation nette (réelle) de la filiale bénéficiaire d’un abandon de créance autre qu’à caractère commercial. Toutefois, par mesure de tolérance, la doctrine administrative admet de se placer à la date à laquelle l’abandon a été consenti pour apprécier la situation nette comptable (ou réelle) de la société bénéficiaire de l’abandon (BOI-BIC-BASE-50-20-10, 29/01/2013, n°110).

L’histoire

En juin 2014, une société mère consent à sa filiale en difficulté détenue à plus de 98 % un abandon de créances, sous condition résolutoire d’un retour à meilleure fortune, au titre des avances en compte courant non remboursées et de biens cédés restant à régler. Elle considère cet abandon déductible fiscalement. En septembre 2014, la filiale fait l’objet d’une procédure de sauvegarde judiciaire. Au cours de l’année 2016, sa liquidation est prononcée.

À l’issue de la vérification de comptabilité de la société mère, l’administration fiscale a remis en cause la déduction de cet abandon de créances.

La décision

Tout d’abord, la Cour d’appel rejette le caractère commercial de l’abandon de créances ainsi consenti en considération des faits et circonstances propres à l’espèce.

En second lieu, elle rejette l’argument subsidiaire de la société requérante selon lequel, à supposer que cet abandon soit à caractère financier, il entrerait dans les prévisions des dispositions du 2e alinéa de l’article 39, 13° du CGI, qui dérogent au principe de non-déductibilité des aides à caractère financier. A ce titre, la société avançait que la société mère avait matérialisé l’aide dans ses comptes à la date de la clôture de son bilan du 30 septembre 2014, soit postérieurement à l’ouverture de la procédure de sauvegarde de la filiale bénéficiaire le 24 septembre 2014. Elle revendiquait ainsi la déduction de l’aide à hauteur de la situation nette négative de la filiale bénéficiaire et pour le montant excédant cette situation nette négative, à proportion des participations détenues par les autres actionnaires.

Toutefois, la Cour relève que la décision d’octroi de l’abandon de créance a été prise le 19 juin 2014 et que l’ouverture de la procédure de sauvegarde n’est intervenue qu’ultérieurement, par un jugement rendu le 24 septembre 2014. Elle en conclut, qu’à la date à laquelle la société requérante avait abandonné sa créance, les conditions de déductibilité mentionnées au 2e alinéa de l’article 39, 13° du CGI n’étaient pas remplies, et ce, quelle que soit la situation nette de la filiale et la date à laquelle celle-ci est appréciée.

La requête de la société est donc rejetée dans sa totalité.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]