Le Conseil d’Etat rappelle que pour s’opposer à la déduction des pertes résultant d’un détournement de fonds commis par un salarié, l’Administration doit établir que celui-ci a pour origine, directe ou indirecte, le comportement délibéré des dirigeants, mandataires sociaux ou associés ou leur carence manifeste dans l’organisation de la société et la mise en œuvre des dispositifs de contrôle, contraires à l’intérêt de la société.
Rappel
Les détournements de fonds commis au détriment d’une société sont, par principe, des charges déductibles des résultats de la société. Il en va ainsi, en particulier, lorsque ces détournements ont été commis par des tiers (CE, 12 avril 2019, n°410042, SDSM).
En revanche, tel n’est pas le cas des détournements de fonds commis par les dirigeants, mandataires sociaux ou associés ainsi que ceux, commis par un salarié de la société, qui ont pour origine, directe ou indirecte, le comportement délibéré des dirigeants, mandataires sociaux ou associés ou leur carence manifeste dans l’organisation de la société et la mise en œuvre des dispositifs de contrôle (CE, 5 octobre 2007, n°291049, Société Alcatel CIT ; CE, 12 avril 2019, n°410042, SDSM).
L’histoire
Une société française, victime d’abus de biens sociaux, a entendu déduire au titre des exercices 2008 à 2010 les pertes liées au détournement de fonds commis par un de ses salariés.
L’Administration a remis en cause cette déduction, confortée en cela par les juges du fond.
La CAA de Versailles soulignait en effet que l’auteur des détournements de fonds n’avait pas la qualité de « simple salarié », dès lors qu’il était à la tête de l’un des départements de la société, qu’il était titulaire de la signature sur les comptes bancaires et qu’il avait la qualité d’associé – certes minoritaire.
La décision du Conseil d’Etat
Après avoir rappelé la grille d’analyse dégagée dans sa décision Société Alcatel CIT précitée, le Conseil d’Etat censure l’analyse des juges d’appel.
Il relève qu’en l’espèce, la qualité d’associé du salarié ayant commis le détournement de fonds est inopérante dès lors que celui-ci ne détenait qu’une part très minoritaire du capital de la société (voir en ce sens CE, 14 février 2001, n°193309, qui a jugé que la qualité d’actionnaire de l’auteur du détournement ne permet pas de justifier, à elle seule, la non-déductibilité de la perte lorsque sa part du capital social est très minoritaire).
Il juge, de plus, que ni la délégation de signature sur les comptes bancaires de la société, ni les fonctions exercées, n’étaient de nature à lui conférer la qualité de dirigeant ou de mandataire social.
En l’absence de mise en évidence du comportement délibéré des dirigeants, mandataires sociaux ou associés, ou de leur carence manifeste dans l’organisation de la société et la mise en œuvre des dispositifs de contrôle interne, la non-déductibilité des détournements de fonds litigieux n’était donc pas établie.