Le Conseil d’État vient compléter sa jurisprudence en jugeant qu’une telle impossibilité n’est contraire à aucune norme de droit supérieure – et notamment pas à la libre circulation des capitaux.
Rappel – Sociétés déficitaires & crédits d’impôt étrangers
Pour mémoire, depuis l’intervention de la 2e LFR 2017, une société déficitaire ne peut déduire de son résultat l’impôt acquitté à l’étranger dès lors que celui-ci a été prélevé conformément aux stipulations d’une convention fiscale (CGI, art. 39, 1, 4°).
Elle ne peut, davantage, demander la restitution du crédit d’impôt qu’elle n’est pas en mesure d’imputer faute de résultat fiscal bénéficiaire (CE, 27 juin 2016, n°388984 et 392534, SA Faurecia).
Enfin, le Conseil constitutionnel a posé le principe selon lequel l’impossibilité de reporter un crédit d’impôt non imputable à raison d’une situation déficitaire au titre d’un exercice suivant n’est pas contraire à la Constitution (décision du 28 septembre 2017, n°2017-654 QPC).
Des juridictions du fond ont également confirmé cette absence de droit au report, ainsi, de surcroît, que la compatibilité de cette interdiction à la libre circulation des capitaux (TA Montreuil, 25 février 2021, n°1909494, HSBC Bank PLC Paris Branch et CAA Versailles, 11 mai 2021, n°19VE02681, Société Faurecia SA).
L’histoire
Une société a perçu, au titre des exercices 2008 à 2011, divers revenus de source étrangère soumis à retenue à la source et ouvrant droit à crédit d’impôt en France par application des dispositions des conventions fiscales applicables.
N’ayant pu imputer ces crédits d’impôt, compte-tenu de sa situation déficitaire au titre des exercices considérés, elle a demandé leur report sur l’exercice 2012, au cours duquel elle est redevenue bénéficiaire.
L’Administration, comme les juges du fond, ont refusé de faire droit à sa demande, avant que l’affaire ne soit portée devant le Conseil d’État.
La décision du Conseil d’État
Le Conseil d’État confirme l’impossibilité pour une société déficitaire de reporter l’imputation des crédits d’impôts conventionnels sur les exercices bénéficiaires ultérieurs :
- Sur le terrain de la loi fiscale française (en ce sens, décision du Conseil constitutionnel, du 28 décembre 2017) ;
- Sur le terrain des conventions fiscales en cause (conventions conclues avec l’Australie, l’Argentine, le Brésil, le Cameroun, le Canada, la Chine, la Corée du Sud, l’Italie, le Japon, le Maroc, la Nouvelle-Zélande, la Pologne, le Portugal, le Royaume-Uni et la Turquie), en l’absence de stipulation expresse le permettant ;
- Sur le terrain du droit européen (libre circulation des capitaux) : Le Conseil d’État rappelle, en particulier, que la circonstance que l’imposition supportée à la source constitue une charge définitive pour une société résidente de France, tandis qu’elle donne lieu à un crédit d’impôt imputable sur l’IS pour une société bénéficiaire ne saurait être regardée, compte tenu de la différence de situation entre ces deux sociétés au regard d’une double imposition juridique, comme portant atteinte à la liberté de circulation des capitaux. Il refuse de saisir, à cet égard, la CJUE d’une question préjudicielle ;
- Sur le terrain de la Convention européenne des droits de l’homme : Le crédit d’impôt conventionnel ne constitue pas un acompte du paiement de l’IS auprès de l’administration fiscale française, de sorte que la société ne saurait être considérée comme titulaire d’une créance restituable pouvant être regardée comme un bien au sens de l’article 1er du 1erprotocole additionnel de la CEDH (même analyse dans sa décision Faurecia du 27 juin 2016, n°388984 et 392534).