Convention fiscale France/Belgique et établissement stable

Au regard des éléments de faits propres à l’espèce, la CAA de Nantes juge que le domicile français du gérant de fait d’une société belge dépourvue de substance constitue un établissement stable en France, dès lors qu’elle y dispose d’un siège de direction.

L’histoire

Une société belge avait pour gérant de droit un contribuable français, tandis qu’un membre de la même famille résident français exerçait au sein de cette société le rôle de chargé d’affaire commercial.

A l’issue d’une visite au domicile de chacun des deux contribuables et de la vérification de comptabilité de la société belge, l’Administration a considéré que celle-ci disposait d’un établissement stable en France au domicile de son chargé d’affaire commercial (considéré comme le gérant de fait de la société).

Sur l’existence d’un établissement stable en France

Pour trancher en faveur de l’Administration et juger que la société disposait en France, au domicile de son chargé d’affaire commercial, d’un établissement stable, la CAA de Nantes s’est fondée sur un faisceau d’indices tiré des éléments de faits.

Elle constate, d’une part, que le contribuable domicilié en France qui exerce le rôle de chargé d’affaire commercial au sein de la société est le gérant de fait de la société. En effet, il assure, depuis son domicile, le suivi des règlements fournisseurs, des marchandises et des stocks. Il se fait adresser des courriers portant la mention « direction France » et est l’interlocuteur des fournisseurs et clients de la société.

La Cour relève, d’autre part, que la « gérance » de droit est fictive, puisque le contribuable en question a en réalité une autre activité (d’agent administratif) et n’exerce, en fait, aucune activité au sein de la société belge.

Enfin, la CAA de Nantes relève que la gestion administrative et le secrétariat de la société belge sont sous-traités à une entreprise établie en France.

Elle conclut que la société belge, qui ne dispose finalement pas de substance en Belgique, exerce son activité opérationnelle en France, où elle est réputée avoir un établissement stable au sens du droit interne (degré suffisant de permanence et autonomie de gestion) et de la convention franco-belge (« siège de direction »).

Notons en outre que l’Administration a notamment fondé son redressement sur des éléments obtenus dans le cadre d’une assistance administrative internationale des services fiscaux belges, en application de la convention franco-belge de 1964. La CAA de Nantes a ici validé la procédure d’imposition en dépit des contestations du contribuable qui estimait que la communication des informations transmises par l’administration fiscale à l’issue de cette demande était incomplète (cf. notamment CE, 30 déc. 2015, n°374816, Sté Lovie Style : les documents utilisés pour fonder les redressements doivent être communiqués dans leur intégralité, sous réserve des renseignements couverts par le secret professionnel). Elle juge en effet que l’Administration n’était tenue de communiquer au contribuable que le contenu des cases renseignées par les autorités belges (réponse) ayant fait l’objet de la demande. Elle estime que l’Administration n’était pas tenue de communiquer les pages du formulaire de demande ne donnant pas lieu à réponse des autorités belges.

Sur l’application de la majoration de 80 %

Pour rappel, en cas de découverte d’une activité occulte, le contribuable n’ayant pas déposé dans le délai légal les déclarations qu’il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un CFE ou au greffe du tribunal de commerce, s’expose à l’application d’une majoration de 80 % pour activité occulte (LPF, art. L. 169 et L. 174 ; CGI, art. 1728).

Si la preuve du caractère occulte est présumée apportée lorsque le contribuable ne s’est pas acquitté de ses obligations déclaratives, celle-ci peut être renversée dès lors que le contribuable est en mesure de démontrer qu’il a commis une erreur (CE, 7 décembre 2015, n°368227, Frutas y Hortalizas SL : la justification de l’erreur commise doit, pour un contribuable faisant valoir qu’il a satisfait à l’ensemble de ses obligations fiscales dans un État autre que la France, être appréciée en tenant compte tant du niveau d’imposition dans cet autre État que des modalités d’échange d’informations entre les administrations fiscales des deux États).

La Cour écarte toutefois l’erreur du contribuable au titre de l’exercice en cause. Elle juge que la seule fourniture d’un extrait de proposition de rectification mentionnant une déclaration en Belgique ne saurait suffire à démontrer qu’elle s’est acquittée de ses obligations déclaratives en Belgique. Elle estime en outre que la société, qui exerçait exclusivement son activité en France, ne pouvait de bonne foi ignorer que ses bénéfices y étaient imposables.    

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]