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Décarbonation de la chaleur industrielle : des opportunités de financements publics à saisir

La chaleur occupe une place centrale dans l’industrie, intervenant dans une multitude de procédés tels que le chauffage, la cuisson, la fusion, le séchage ou encore la distillation. Aujourd’hui, cette chaleur est encore majoritairement produite à partir de combustibles fossiles et elle représente environ 43 % de la consommation énergétique totale en France.

La France dispose d’atouts majeurs pour accélérer la décarbonation de sa production de chaleur : une électricité largement décarbonée grâce au nucléaire, des ressources géothermiques abondantes et un important potentiel de chaleur fatale à valoriser. Par ailleurs, les avancées technologiques permettent désormais d’envisager l’électrification de nombreux procédés industriels jusque-là dépendants des énergies fossiles.

Cependant, la transition vers la chaleur renouvelable et bas-carbone se heurte encore à des obstacles économiques : le coût des solutions innovantes demeure souvent supérieur à celui des technologies conventionnelles. Face à ce défi, l’Union européenne et la France multiplient les initiatives pour soutenir le développement et le financement de projets visant à décarboner la production de chaleur.

Lancement de la première enchère pilote européenne pour la décarbonation de la chaleur industrielle

De manière similaire aux enchères de la Banque européenne de l’hydrogène, lancées en novembre 2023, la Commission européenne s’apprête à lancer en décembre 2025 un dispositif phare : les premières enchères pour la décarbonation de la chaleur industrielle.

À lire également : Hydrogène : panorama des outils de financement public en 2024

L’aide prendra la forme d’un fixed premium financé par le Fonds pour l’innovation (Innovation Fund). Les candidats souhaitant lancer un projet de décarbonation de chaleur industrielle devront proposer un montant de prime, exprimée en euros par tonne de CO2 évitée grâce à la réalisation de leur projet. Ils seront ensuite classés du prix proposé le plus bas au plus élevé et seront soutenus selon ce même ordre jusqu’à épuisement du budget.

La Commission européenne a alloué un budget d’un milliard d’euros, réparti en trois volets :

  • Un volet consacré à la chaleur moyenne température, couvrant la chaleur produite à une température mesurée entre 100 °C et 400 °C par des projets d’une taille supérieure ou égale à 3 MWth (mégawatts thermiques) mais inférieure à 5 MWth (budget total disponible de 150 m€) ;
  • Un volet consacré à la chaleur moyenne température, couvrant la chaleur produite à une température mesurée entre 100 °C et 400 °C par des projets d’une taille supérieure ou égale à 5 MWth (budget total disponible de 350 m€) ;
  • Un volet consacré à la chaleur haute température, couvrant la chaleur produite à une température mesurée supérieure à 400 °C par des projets d’une taille supérieure ou égale à 3 MWth (avec un budget total disponible de 500 m€).

Éligibilité des candidats

Les candidats pourront candidater seul ou en consortium à condition de remplir les deux conditions suivantes :

  • Être en capacité technique, financière et opérationnelle de mener le projet à terme.
  • Fournir une lettre d’intention d’un établissement financier s’engageant à émettre une garantie d’achèvement à hauteur de 6 % du montant de la subvention demandée.

Activités éligibles

Les projets éligibles devront se situer sur un seul site et correspondre à une capacité nouvelle supérieure à 100 °C, ainsi que correspondre à une solution de décarbonation de la chaleur industrielle entrant dans l’une de ces catégories :

  • Technologies d’électrification : comme les pompes à chaleur, le chauffage par résistance directe ou indirecte, le chauffage électromagnétique ou diélectrique, ou le chauffage à plasma.
  • Sources directes de chaleur renouvelable : solaire thermique ou géothermie.
  • Solutions hybrides combinant les technologies précitées.

Délais d’exécution

En amont de la candidature, le porteur de projet devra avoir à l’esprit qu’à compter de la signature de la convention de financement, il disposera d’un délai de deux ans pour boucler le financement du projet et de quatre ans pour mettre en service les nouvelles capacités thermiques.

Montant d’aide

À l’issue de la sélection, les candidats lauréats bénéficieront du versement du fixed premium pendant une durée de 5 ans, ou jusqu’à ce que le volume de chaleur attendu soit atteint. Il convient de noter que l’aide apportée s’élèvera au maximum à 100 m€ pour les volets « chaleur moyenne température » et 250 m€ pour le volet « chaleur haute température ».

Nota : la production de chaleur subventionnée est, par défaut, limitée à 70 % du nombre annuel d’heures à pleine charge à la capacité nominale, sauf si des solutions de flexibilité sont mises en œuvre.

Dans l’hypothèse où le budget alloué par le Fonds pour l’innovation serait épuisé, la Commission européenne a prévu un mécanisme d’enchères en tant que service (Auction-as-a-service), à l’instar des enchères de la Banque européenne de l’hydrogène. Ce dispositif permet, aux États membres qui le souhaitent, de financer sur leur territoire des projets ayant été admis dans le cadre des enchères pour la décarbonation de la chaleur industrielle mais qui n’ont pu bénéficier d’une aide en raison de l’épuisement du budget.

Pour les États membres, l’avantage d’un tel mécanisme tient notamment à la possibilité d’octroyer une aide sans avoir à mettre en place une procédure distincte de mise en concurrence au niveau national.

Différence entre une subvention et un fixed premium

Subventions européennesFixed premium
– Cumul autorisé– Aucun cumul autorisé
– Financement max. de 60 % des coûts éligibles– Possibilité de financer 100 % du funding gap
– besoin de financement basé sur les relevants costs– besoin de financement basé sur les offres
– versement de l’aide possible avant la mise en service– aucun versement avant la mise en service
– versements basés sur des jalons (milestones)– versements basés sur les résultats (production)

Financement public des projets de chaleur bas-carbone en France

Afin d’accélérer le développement des projets de chaleur renouvelable au sein de l’économie française, la France met également en œuvre des dispositifs publics de soutien financier. En 2025, les deux programmes majeurs sont :

  • Le Fonds Chaleur de l’ADEME, doté d’un budget de 820 m€ pour l’année 2024 et maintenu à 800 m€ en 2025 et 2026 selon le PLF, constitue un programme dédié au financement des initiatives en faveur de la chaleur renouvelable.
  • Le programme France 2030, le grand plan d’investissement national, qui mobilise 54 mds€ sur cinq ans. Il propose notamment des appels à projets ciblés sur la décarbonation de l’industrie, incluant le soutien à des projets d’investissement et de R&D pour la production de chaleur bas carbone.

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Le Fonds Chaleur : 800 m€/an pour la chaleur bas carbone en France

Géré par l’ADEME, le Fonds Chaleur constitue l’un des principaux leviers publics pour accompagner les entreprises françaises dans leurs projets de décarbonation thermique. Il vise à soutenir des solutions de chaleur décarbonée produite à partir de biomasse, de géothermie, de solaire thermique ou par récupération de chaleur fatale, ainsi que le transport via des réseaux de chaleur.

L’accompagnement du Fonds Chaleur débute dès la phase de conception : le fonds finance les études et les conseils pour aider à structurer le management de l’énergie, étudier la faisabilité technico-économique ou, encore, sécuriser les choix techniques (assistance à maîtrise d’ouvrage).

En phase d’investissement, des subventions permettent d’équilibrer le modèle économique des projets et d’offrir un prix compétitif de la chaleur. Parmi les actions soutenues figurent, notamment :

  • les installations de récupération de chaleur fatale, à condition qu’elles permettent de valoriser plus de 1 GWh/an ;
  • la création et l’extension de réseaux de chaleur ou de froid, avec une longueur minimale supplémentaire de 200 m linéaires dans le cas d’une extension ;
  • les installations de production de chaleur à partir de géothermie profonde (profondeur > 200 m) ; et
  • la réalisation d’installations de méthanisation (injection, cogénération, chaleur).

L’aide du Fonds Chaleur est généralement attribuée sous la forme d’un forfait en €/MWh, modulé en fonction des caractéristiques techniques de l’équipement et de sa durée de vie estimée. Sous certaines conditions, les projets peuvent également bénéficier d’un financement public complémentaire (Régions, FEDER, etc.) et être cumulés avec les Certificats d’Économies d’Énergie (CEE). Toutefois, le montant total des aides (CEE inclus) est généralement encadré par le respect d’un temps de retour brut sur investissement minimal, souvent fixé à trois ans.

France 2030 : appels à projets structurants pour la chaleur décarbonée industrielle

Dans le cadre du plan France 2030, plusieurs appels à projets (AAP) pilotés par l’ADEME viennent compléter les aides du Fonds Chaleur. Ils visent à soutenir des investissements majeurs dans la décarbonation des sites industriels, notamment via le financement de projets de chaleur décarbonée.

Les principaux dispositifs

AAP BCIAT (Biomasse Chaleur pour l’Industrie, l’Agriculture et le Tertiaire)

Cet appel vise les projets d’investissement majeurs (> 12 GWh/an pour la chaleur renouvelable  ; > 8 GWh/an pour le biogaz) utilisant une biomasse certifiée durable pour des applications de chaleur renouvelable.  Le dispositif est clôturé depuis octobre 2025 mais une réouverture en 2026 peut être attendue.

AAP DECARB IND

Ce dispositif phare cible les projets d’envergure (plus de 3 m€ d’investissement), sur des thématiques telles que l’efficacité énergétique, l’électrification des procédés ou le captage du CO₂. L’aide peut atteindre jusqu’à 30 m€. Après une édition clôturée au printemps 2025, une nouvelle vague est attendue avec des échéances en 2026.

AAP DECARB FLASH

Destiné aux sites industriels porteurs de projets plus modestes (< 3 m€), il soutient principalement l’efficacité énergétique et l’électrification. Plusieurs relèves sont prévues jusqu’en février 2027.

Un soutien aux solutions innovantes pour la décarbonation

Outre l’aide à l’acquisition de solutions de décarbonation, le Gouvernement entend continuer à soutenir les projets de développement de nouvelles alternatives. Des appels à projets visant à financer le développement de solutions innovantes pour la décarbonation de l’industrie ont ainsi été reconduits, tels que les dispositifs :

DEMIBaC (Démonstrateurs Industriels Bas-Carbone)

Ciblant les entreprises et organismes de recherche, cet appel soutient les projets d’un budget supérieur à 1,5 m€, visant à faire émerger une offre de solutions de décarbonation innovantes.

Le dispositif comporte deux volets :

  • Le premier concerne le développement de briques technologiques innovantes et d’actions de démonstration (projets monopartenaires).
  • Le second vise des consortiums composés d’industriels proposant une offre de décarbonation et d’industriels côté demande prêts à accueillir ces solutions sur leurs sites de production. La clôture est prévue pour mars 2027, avec une relève intermédiaire le 14 octobre 2025, puis deux autres relèves en mars et en octobre 2026.

IBaC PME (Industries Bas-Carbone PME)

Ce dispositif soutient les projets de plus petite taille, d’un budget inférieur à 1,5 m€, portés par des PME (à l’image du Concours i-Nov, maintenu avec 2 vagues par an) qui développent des méthodologies, technologies, solutions industrielles et services innovants pour la décarbonation de l’industrie. La clôture de IBaC PME est programmée en février 2027, avec une relève intermédiaire le 14 octobre 2025, suivie de deux autres relèves en février et en septembre 2026.

Pour aller plus loin : Décarbonation : point sur les aides à destination des industriels en 2025

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