Dispositif Dutreil et holding animatrice mixte

Statuant sur renvoi après cassation, la CA de Paris fait application des précisions dégagées par la Cour de cassation s’agissant de l’éligibilité au régime de faveur « Dutreil transmission » des titres d’une société holding animatrice mixte (Cass. com. 14 octobre 2020, n°18.17.955).

Rappel

Pour mémoire, les parts ou actions de sociétés ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, ayant fait l’objet d’engagements de conservation (engagement collectif de conservation d’une durée de 2 ans suivi d’engagements individuels de conservation d’une durée de 4 ans à compter de la date d’expiration du précédent délai), transmises par décès ou donation, sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur (CGI, art. 787 B). Ce régime est communément appelé le « Dutreil transmission ».

L’activité financière des sociétés holdings les exclut normalement du champ d’application de cette exonération de 75% des DMTG. L’Administration admet toutefois, de longue date, d’étendre le bénéfice de l’exonération de 75% aux sociétés holdings animatrices.

Cette notion a donné lieu à une jurisprudence abondante, tant au niveau des juridictions administratives (notamment CE, 13 juin 2018, n°395495 et CE, 23 janvier 2020, n°435562), que des juridictions judiciaires.

En particulier, dans une décision du 14 octobre 2020 (n°18-17.955), la Cour de cassation est venue apporter des précisions d’importance.

Elle a ainsi jugé qu’une société holding mixte ayant une activité principale d’animation de son groupe est assimilée à une société mixte, et est donc, toutes autres conditions satisfaites par ailleurs, éligible au bénéfice de cette exonération partielle.

Elle a précisé, à cet égard, que le caractère principal de l’activité d’animation de groupe doit être retenu « notamment lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l’imposition, des titres de ces filiales détenus par la société holding, représente plus de la moitié de son actif total » et censuré, au cas d’espèce, la décision de la Cour d’appel pour avoir apprécié le caractère principal de l’activité de holding animatrice sur la base du seul critère de l’actif brut immobilisé figurant au bilan.

Dans une mise à jour de ses commentaires au BOFiP soumise à consultation publique du 6 avril au 6 juin 2021, l’Administration a repris in extenso le considérant de principe ainsi dégagé par la Cour de cassation, en y faisant une référence expresse.

Finalement, dans ses commentaires définitifs, publiés le 21 décembre 2021, elle a supprimé la référence formelle à la décision de la Cour de cassation, et exigé, de surcroît, que cette prépondérance soit appréciée non seulement au jour de la transmission – comme le préconisait la Cour de cassation – mais également pendant toute la durée des engagements de conservation (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, n°50, 21 décembre 2021), précision qui a finalement été légalisée par la 1re LFR 2022 (pour une application aux transmissions intervenant à compter du 18 juillet 2022).

La décision de la CA de Paris

La CA de Paris juge sur renvoi après cassation dans le cadre de la décision du 14 octobre 2020 susmentionnée.

Rappelons brièvement que, dans l’affaire en cause, un contribuable avait donné à ses enfants et petits-enfants la nue-propriété de la société « Financière de Rosario » et avait entendu bénéficier, au titre de cette donation, de l’exonération partielle de 75 %, en invoquant le caractère animateur de la société holding.

L’Administration avait contesté la qualification de holding animatrice, estimant que l’activité développée par la société était, à titre prépondérant, une activité civile de gestion de valeurs mobilières.

La CA Paris rappelle d’abord les principes dégagés par la Cour de cassation :

  • Appréciation de la prépondérance de l’activité opérationnelle en considération d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice ;
  • Reprise du critère selon lequel le caractère principal de l’activité d’animation de groupe est caractérisé lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l’imposition, des titres des filiales animées par la société holding représente plus de la moitié de l’actif total de cette dernière ;
  • Absence d’effet de la seule référence à l’actif brut immobilisé.

Détermination des filiales pouvant être regardées comme animées

La Cour juge ensuite que, pour déterminer le caractère prépondérant de l’activité d’animation de la société holding, il convient de ne retenir que les titres de participations dans des filiales exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale que la société holding anime effectivement au jour de la mutation.

Au cas d’espèce, le rôle de holding animatrice de la société n’était établi par le contribuable qu’au titre de 2 filiales.

Il n’était pas en mesure d’apporter la preuve d’un tel rôle pour les autres participations détenues par la holding dans des sociétés commerciales, lesquelles n’avaient, de surcroît, soit pas encore démarré leur activité commerciale, soit n’en exerçaient plus à la date de la donation. La Cour note, en outre, que ces sociétés ne possédaient aucun actif susceptible de receler une plus-value latente significative.

Elle refuse également de tenir compte des participations détenues par la société dans des SCR et dans des FCPR, jugeant que si ces participations caractérisent un investissement dans une activité économique, elles ne peuvent pour autant procurer à leur détenteur un pouvoir de contrôle et d’orientation stratégique de sociétés exerçant une activité industrielle ou commerciale.

Appréciation du ratio valeur vénale des titres des filiales animées/actif total de la holding

La Cour rappelle, à cet égard, que la valeur vénale d’un bien soumis aux droits de mutation est « le prix auquel ce bien pourrait ou aurait pu se négocier à l’époque à laquelle il y a lieu de l’évaluer dans les conditions normales du marché ».

Elle juge ensuite que tous les postes d’actif de la société holding (valeurs mobilières de placement comprises) doivent être pris en compte « afin d’effectuer un calcul actualisé et pertinent de la part des actifs affectés à l’animation dans l’actif total, pour leur valeur vénale au jour de la donation des actions de la holding, et non pour leur valeur inscrite au bilan ».

Elle en conclut, au cas d’espèce, que le caractère principal de l’activité d’animation de la holding ne peut être déduit de la valeur vénale des titres des 2 sociétés qu’elle anime.

Pour autant, la CA de Paris poursuit son analyse, en ajoutant au numérateur du ratio les autres actifs détenus par la holding « qu’ils soient immobilisés ou circulants » qui sont affectés à l’activité d’animation des deux sociétés considérées pour vérifier le respect du seuil de 50 %.

Prise en compte des autres éléments d’actif affectés par la holding à l’activité d’animation de ses filiales

La CA de Paris admet, à cet égard, de tenir compte :

  • De la valeur d’un ensemble immobilier donné à bail à l’une des filiales animées, qui constitue le site d’exploitation de cette dernière ;
  • D’une créance d’intérêts courus sur cautions fournies au bénéfice de l’une des filiales animées.

En revanche, elle refuse de retenir :

  • Les bons de souscription d’actions de l’une des sociétés animées détenus par la holding (considérés comme étant par nature des actifs affectés à la gestion patrimoniale de la holding et de sa filiale) ;
  • Le portefeuille de valeurs mobilières de placement de la holding, le contribuable n’étant pas en mesure de démontrer l’utilisation de cet actif circulant à des fins de trésorerie ou de garantie pour la holding elle-même ou ses filiales animées – lesquelles disposaient de surcroît de liquidités suffisantes pour financer leur propre activité ;
  • La fourniture de services intra-groupe par la holding à ses filiales – faute d’éléments de preuve satisfaisants.

La Cour constate cependant qu’à l’issue de ce calcul complémentaire, la part des actifs de la holding affectée à son activité d’animation de ses filiales ayant une activité opérationnelle sur son actif total demeure encore inférieure à 50 % et donc non prépondérante.

Elle confirme ainsi l’exclusion du bénéfice du régime Dutreil transmission.

L’avis du praticien : Orianne Achéritéguy

Nous pouvons nous féliciter de cette décision de la Cour d’appel de Paris qui confirme la retranscription qui avait été faite dans la doctrine de l’administration fiscale de la décision de la Cour de cassation du 14 octobre 2020. Rappelons que le BOFIP, dans sa dernière version, précise que le caractère animateur d’une holding pourra être retenu notamment lorsque la valeur vénale des titres de ses filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale représente plus de la moitié de son actif total. Ce critère, légalisé par la LFR 2022, doit non seulement être apprécié au jour de la transmission mais également pendant toute la durée des engagements de conservation.

Le juge rappelle que le caractère animateur d’une holding s’apprécie selon le principe du faisceau d’indices en analysant notamment la composition du ratio de la valeur vénale des titres des filiales animées sur l’actif total de la holding.

Soulignons que la Cour d’appel a refusé de retenir dans l’appréciation de ce ratio les BSA de l’une des sociétés, pourtant considérée comme animée, au motif que les BSA sont, par nature, des actifs affectés à la gestion patrimoniale de la holding et de sa filiale.

Il conviendra de rester vigilant sur la détermination du ratio de prépondérance de l’activité d’animation du groupe et notamment sur les éléments à prendre en compte pour ce calcul au numérateur et au dénominateur, et pour quelle valeur.

  • Voir CA Paris, 24 octobre 2022, n°21/00555
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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

Orianne Achéritéguy

Orianne conseille les entreprises et les particuliers dans un contexte international sur les enjeux juridiques et fiscaux d’equity, de rémunération des dirigeants et de gouvernance. Elle accompagne notamment ses clients […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.